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04/12/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0824.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 décembre 2019, P.19.0824.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0824.F
M. S.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Carine Liekendael, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 385/4, où il est fait élection de domicile, et Jonathan de Taye et Aurélie Jonkers, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
THE WALT DISNEY COMPANY, société de droit français,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106

, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre u...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0824.F
M. S.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Carine Liekendael, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 385/4, où il est fait élection de domicile, et Jonathan de Taye et Aurélie Jonkers, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
THE WALT DISNEY COMPANY, société de droit français,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des règles applicables en matière de prescription de l'action publique.
Le demandeur reproche à l'arrêt attaqué de ne pas déclarer prescrits les faits des préventions mises à sa charge. Il soutient que les juges d'appel ne pouvaient pas considérer que les faux qui y sont visés avaient conservé un effet utile jusqu'à la clôture de la faillite de la société MCP, alors que la déclaration de faillite ôtait à ces faux tout effet utile.
L'usage d'un faux en écritures perdure tant que le faux continue à produire, sans que son auteur s'y oppose, l'effet frauduleux ou nuisible initialement voulu par lui.
La circonstance qu'un usage de faux est relatif à l'acte de constitution d'une société déclarée en faillite ou à une opération commerciale réalisée par elle n'implique donc pas nécessairement que ces usages prennent fin au moment du jugement déclaratif de la faillite de cette société.
Le juge apprécie souverainement qu'un fait constitue un usage de faux, la Cour vérifiant si, de ses constatations, il a pu légalement déduire que ce faux a ou non cessé de produire l'effet voulu par le faussaire.
L'arrêt considère que les usages des faux visés aux préventions A.1, A.2 et B.2 qui ont notamment trait à une convention de cession de parts ont continué à avoir un effet utile jusqu'à la clôture de la faillite.
La cour déduit cette considération du mémoire de faillite dont il ressort que le curateur n'a pas remis en cause la réalité de la cession, de sorte que la mention de cette opération dans les comptes de la société a pu le tromper, ainsi que les tiers, quant à la solvabilité et à la consistance des actifs jusqu'à la clôture de la faillite. La cour d'appel considère encore que si le curateur avait eu conscience du caractère faux de la cession, il aurait pu envisager d'autres actions avant de clôturer sa mission.
Concernant l'acte de constitution de la société mentionnant un homme de paille en qualité de gérant en lieu et place du demandeur, l'arrêt relève que le fait de se cacher ainsi permet au réel maître de l'affaire d'échapper aux responsabilités et devoirs du gérant de droit de la société, également après la faillite. Ce faux conserve ainsi des effets utiles vis-à-vis du curateur dès lors que c'est au gérant de droit qu'il appartient légalement de collaborer avec lui dans le cadre de la faillite et que c'est la responsabilité dudit gérant qui est à rechercher pour les éventuelles fautes de gestion mises à jour par le curateur.

Par ces considérations, la cour d'appel a légalement décidé que les faux ont continué à produire, jusqu'à la clôture de la faillite, l'effet frauduleux voulu par le demandeur.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.
Le demandeur fait grief à l'arrêt de supprimer le sursis accordé par le premier juge pour la peine d'emprisonnement, la moitié de l'amende et les deux tiers de la confiscation qui lui ont été infligées, au terme d'une motivation qu'il qualifie d'insuffisante et de stéréotypée.
La peine est motivée au vœu de la loi lorsque la décision révèle, de manière succincte mais précise, les raisons du choix et du degré de la sanction, sans que le juge du fond ne doive indiquer en outre pourquoi il écarte les motifs qui auraient pu le conduire à une appréciation différente.
Pour refuser au demandeur le bénéfice du sursis à l'emprisonnement et à une partie de l'amende, que lui avait accordé le premier juge, la cour d'appel, après avoir souligné l'absence totale de remise en question de l'intéressé, a considéré que cette mesure de faveur était inopportune dès lors qu' « aucun élément porté à [sa connaissance] ne permettait d'apprécier que le demandeur ferait preuve d'amendement à la suite des infractions dont il fut reconnu coupable ».
En outre, à l'appui de leur décision de supprimer le sursis partiel qui assortissait la confiscation, les juges d'appel ont eu égard, d'une part, à la circonstance que le demandeur ne s'était nullement remis en question et, d'autre part, à l'importance des avantages illicites dont il avait bénéficié à la suite des infractions.
Par ces considérations qui permettent au demandeur de connaître les raisons de la sévérité de la sanction qui lui est infligée, les juges d'appel ont régulièrement motivé et légalement justifié la peine que l'arrêt inflige.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Le demandeur critique l'arrêt en ce qu'il n'admet pas le dépassement du délai raisonnable alors que dix ans séparent les faits, de sa comparution devant la cour d'appel.
Critiquant l'appréciation souveraine des juges d'appel ou exigeant, pour son examen, une vérification en fait des éléments de la cause, laquelle échappe au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 1er de la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, modifié par l'article 2 de la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses en matière de justice :
En vertu de la disposition légale précitée, il appartient aux cours et tribunaux de constater dans leurs arrêts ou jugements que l'amende prononcée à charge du prévenu, en application du Code pénal notamment, est majorée de cinquante décimes, en indiquant le chiffre qui résulte de cette majoration.
Avant sa modification par l'article 2 de la loi du 28 décembre 2011 entrée en vigueur le 1er janvier 2012, et dans sa version applicable au moment des faits, l'article 1er susdit majorait les amendes de quarante-cinq décimes.
L'arrêt, qui déclare les poursuites du chef de la prévention E.3 irrecevables, et condamne le demandeur du chef d'infractions commises, au plus tard, le 13 janvier 2011, ne justifie pas légalement sa décision, confirmant celle du premier juge, de porter l'amende prononcée de dix mille à soixante mille euros par application de la loi sur les décimes additionnels et de la majorer de la sorte de cinquante décimes.
Le contrôle d'office
Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il porte l'amende par application de la loi sur les décimes additionnels à un montant supérieur à cinquante-cinq mille euros ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux neuf dixièmes des frais du pourvoi et laisse le surplus à charge de l'Etat ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de deux cent septante-six euros nonante et un centimes dont cent soixante-trois euros quarante et un centimes dus et cent treize euros cinquante centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.19.0824.F
Date de la décision : 04/12/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

L'usage d'un faux en écritures perdure tant que le faux continue à produire, sans que son auteur s'y oppose, l'effet frauduleux ou nuisible initialement voulu par lui (1); la circonstance qu'un usage de faux est relatif à l'acte de constitution d'une société déclarée en faillite ou à une opération commerciale réalisée par elle n'implique donc pas nécessairement que ces usages prennent fin au moment du jugement déclaratif de la faillite de cette société. (1) Cass. 27 janvier 2009, RG P.08.1639.N, Pas. 2009, n° 68.

FAUX ET USAGE DE FAUX - Usage de faux - Notion - Société déclarée en faillite - Usage de faux relatif à l'acte de constitution ou à une opération commerciale - Fin de l'usage de faux - Jugement déclaratif de la faillite - PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Délais - Point de départ - Usage de faux - Société déclarée en faillite - Usage de faux relatif à l'acte de constitution ou à une opération commerciale - Fin de l'usage de faux - Jugement déclaratif de la faillite [notice1]

Le juge apprécie souverainement qu'un fait constitue un usage de faux, la Cour vérifiant si, de ses constatations, il a pu légalement déduire que ce faux a ou non cessé de produire l'effet voulu par le faussaire (1). (1) Cass. 18 novembre 2009, RG P.09.0958.F, Pas. 2009, n° 675, avec concl. MP.

FAUX ET USAGE DE FAUX - Usage de faux - Eléments constitutifs - Appréciation du juge - Contrôle par la Cour - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Usage de faux - Eléments constitutifs - Contrôle par la Cour [notice3]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 196 et 197 - 01 / No pub 1867060850

[notice3]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 196 et 197 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-04;p.19.0824.f ?

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