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30/10/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0683.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 octobre 2019, P.19.0683.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0683.F
I. M. A.,
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Vittorio Di Zenzo, avocat au barreau de Mons,
contre
K. S., M., M., p
révenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Philippe Forgeron, avocat au barreau de Mons,
II. K. S., mieux qualifié ci-dessus,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Philippe Forgeron, avocat au barreau de Mons,
contre
M. A., mieux qualifié ci-dessus,
partie civile,
défendeur en cassa

tion,
ayant pour conseil Maître Vittorio Di Zenzo, avocat au barreau de Mons.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les po...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0683.F
I. M. A.,
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Vittorio Di Zenzo, avocat au barreau de Mons,
contre
K. S., M., M., p
révenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Philippe Forgeron, avocat au barreau de Mons,
II. K. S., mieux qualifié ci-dessus,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Philippe Forgeron, avocat au barreau de Mons,
contre
M. A., mieux qualifié ci-dessus,
partie civile,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Vittorio Di Zenzo, avocat au barreau de Mons.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le premier demandeur invoque trois moyens et le second en présente deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi d'A. M. :
Sur le premier moyen :
L'arrêt décide que les coups dont le demandeur a été victime ne sont pas excusables parce que celui-ci ne les a pas provoqués au sens de l'article 411 du Code pénal.
Cependant, la cour d'appel a jugé également que le demandeur a commis une faute en relation causale avec le dommage dont il se plaint, en manière telle qu'une partie de celui-ci, la moitié en l'espèce, restera à sa charge.
Le demandeur soutient que la première décision des juges d'appel leur interdisait d'adopter la seconde. Le moyen repose donc sur l'affirmation que l'absence de provocation implique l'absence de faute et qu'en retenant la seconde après avoir exclu la première, l'arrêt se contredit.
La cause d'excuse instituée par l'article 411 précité est basée sur le fait que la provocation génère, chez le provoqué, une vive émotion qui obscurcit ses facultés et exerce momentanément une certaine contrainte morale sur sa volonté.
La loi ne définit pas la provocation mais elle détermine limitativement les moyens par lesquels elle a dû se manifester pour constituer une excuse.
Cette énumération étant limitative, une faute de la victime, sans laquelle le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est réalisé, peut entraîner un partage de responsabilité alors même que cette faute, qui peut être la plus légère, ne constitue pas un des cas de provocation prévus par la loi.
L'arrêt constate que si le demandeur n'était pas entré par effraction dans l'immeuble, et s'il ne s'était pas rendu ensuite dans le commerce voisin pour s'emparer d'une batte de base-ball, le défendeur ne l'aurait pas frappé comme il l'a fait.
La cour d'appel ne viole ni l'article 1382 du Code civil ni l'article 1138, 4°, du Code judiciaire, en considérant que le comportement du demandeur constitue une faute engageant sa responsabilité quand bien même les actes qu'il a commis ne s'identifient pas à ceux que le législateur déclare constitutifs de provocation.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le demandeur reproche à l'arrêt de violer le principe dispositif, le principe du contradictoire ainsi que ses droits de défense, en ordonnant un partage de responsabilité alors que le prévenu n'a pas conclu en ce sens et n'a pas soutenu que la responsabilité de la victime pouvait être recherchée en dehors de la provocation telle que visée à l'article 411 du Code pénal.
Le formulaire contenant les griefs d'appel du demandeur fait apparaître que celui-ci a entendu contester l'admission de la cause d'excuse et le partage de responsabilité ordonné par le premier juge. Devant la cour d'appel, le demandeur a déposé des conclusions postulant notamment la réparation intégrale de son dommage.
Les parties ont donc débattu de la faute concurrente de la victime et de son incidence sur l'indemnisation du préjudice.
Il s'ensuit qu'en confirmant la décision du premier juge quant au partage litigieux, fût-ce sur la base d'une autre qualification de la faute, les juges d'appel n'ont pas élevé une contestation dont les conclusions des parties auraient exclu l'existence.
Pour le surplus, le juge ne méconnaît pas les droits de la défense du seul fait qu'il adopte un raisonnement distinct de celui tenu par les parties.
En relevant que les actes du demandeur constituent, sinon une provocation, à tout le moins une faute civile, les juges d'appel se sont bornés à suppléer la thèse des parties par des arguments qui, déduits des pièces et des faits dans le débat, ne requéraient pas la réouverture de ceux-ci.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le demandeur soutient que l'arrêt viole notamment les articles 149 de la Constitution et 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, parce qu'il ne précise pas la raison pour laquelle sa faute a été jugée d'une importance égale à celle du prévenu.
Dans ses conclusions déposées le 25 octobre 2018 au greffe de la cour d'appel, le demandeur a soutenu n'avoir commis aucune faute, et il a postulé que, par réformation du jugement entrepris, l'entièreté de son dommage soit réparée.
Le demandeur n'ayant pas conclu sur l'importance de sa faute par rapport à celle du prévenu, les juges d'appel n'avaient pas à motiver leur décision autrement que par l'appréciation souveraine qu'ils ont émise sur ce point. Le caractère souverain de cette appréciation ne méconnaît pas le droit à un procès équitable.
Le moyen ne peut être accueilli.
B. Sur le pourvoi de S.K. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique :
Sur le premier moyen :
L'arrêt constate que les violences graves subies par le prévenu ont pu amoindrir son libre arbitre mais il décide que sa réaction, excessive, n'est pas excusable.
Selon le moyen, le constat opéré par la cour d'appel l'obligeait à excuser le délit.
En énonçant, par ordre de gravité décroissante, que l'homicide, les blessures et les coups sont « excusables », et non « excusés », l'article 411 du Code pénal établit un rapport de proportionnalité entre la gravité du crime ou du délit provoqué et celle de la violence qui l'a causé.
L'excuse peut dès lors être refusée à l'individu violenté, nonobstant la perte partielle de son libre arbitre, lorsque sa réaction est hors de proportion avec le comportement qui l'a engendrée.
Reposant sur l'affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre le demandeur :
Sur le second moyen :
L'arrêt condamne le demandeur à indemniser le défendeur à concurrence de la moitié de son dommage, ainsi qu'à lui payer une indemnité de procédure d'appel.
Le moyen est pris de la violation de l'article 1022, alinéa 1er, du Code judiciaire. Cette disposition définit l'indemnité comme étant une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause.
Selon le demandeur, l'arrêt attaqué ne pouvait le condamner au payement de cette indemnité, la cour d'appel n'ayant pas accordé au défendeur la réparation intégrale de son dommage, de sorte que celui-ci n'a pas eu gain de cause.
En vertu des articles 162bis, 194 et 211 du Code d'instruction criminelle, l'indemnité de procédure est due par le prévenu à la partie civile s'il a été condamné à l'indemniser du dommage causé par l'infraction dont il a été déclaré coupable.
N'étant associée, par les dispositions légales précitées, qu'à une condamnation du prévenu, l'indemnité de procédure d'appel due à la partie civile n'est pas subordonnée à la condition qu'elle ait obtenu en outre, sur son appel, une majoration des dommages et intérêts alloués par le premier juge.
Reposant sur l'affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cent vingt-deux euros septante centimes dont I) sur le pourvoi d'A. M. : soixante et un euros trente-cinq centimes dus et II) sur le pourvoi de S. K. : soixante et un euros trente-six centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du trente octobre deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.19.0683.F
Date de la décision : 30/10/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Droit civil - Autres

Analyses

Lorsque les parties ont débattu de la faute concurrente de la victime et de son incidence sur l'indemnisation du préjudice, les juges d'appel, en confirmant la décision du premier juge quant au partage litigieux, fût-ce sur la base d'une autre qualification de la faute, n'élèvent pas une contestation dont les conclusions des parties auraient exclu l'existence (1). (1) Voir Cass. 16 mars 2006, RG C.04.0267.N, Pas. 2006, n° 155.

DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Action civile - Coups et blessures volontaires - Faute concurrente de la victime - Invocation de l'excuse atténuante - Rejet - Requalification - Mission du juge - Principe dispositif - Moyens suppléés d'office - Conditions - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - FAIT - Faute - Homicide, blessures et coups - Faute concurrente de la victime - Invocation de l'excuse atténuante - Rejet - Requalification - Mission du juge - Principe dispositif - Moyens suppléés d'office - Conditions - TRIBUNAUX - MATIERE REPRESSIVE - Action civile - Coups ou blessures volontaires - Faute concurrente de la victime - Invocation de l'excuse atténuante - Rejet - Requalification - Mission du juge - Principe dispositif - Moyens suppléés d'office - Conditions - COUPS ET BLESSURES. HOMICIDE - VOLONTAIRES - Action civile - Faute concurrente de la victime - Invocation de l'excuse atténuante - Rejet - Requalification - Mission du juge - Principe dispositif - Moyens suppléés d'office - Conditions - PEINE - CIRCONSTANCES ATTENUANTES. CAUSES D'EXCUSE - Action civile - Coups ou blessures volontaires - Faute concurrente de la victime - Invocation de l'excuse atténuante - Rejet - Requalification - Mission du juge - Principe dispositif - Moyens suppléés d'office - Conditions - INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Excuse [notice1]

Le juge ne méconnaît pas les droits de la défense du seul fait qu'il adopte un raisonnement distinct de celui tenu par les parties (1). (1) Voir Cass. 26 février 2010, RG C.08.0597.F, et concl. de M. HENKES, alors avocat général, Pas. 2010, n° 132.

DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Adoption par le juge d'un raisonnement distinct de celui tenu par les parties - Incidence - TRIBUNAUX - MATIERE REPRESSIVE - Action civile - Adoption par le juge d'un raisonnement distinct de celui tenu par les parties - Incidence quant aux droits de la défense [notice7]

En vertu des articles 162bis, 194 et 211 du Code d'instruction criminelle, l'indemnité de procédure est due par le prévenu à la partie civile s'il a été condamné à l'indemniser du dommage causé par l'infraction dont il a été déclaré coupable; n'étant associée, par les dispositions légales précitées, qu'à une condamnation du prévenu, l'indemnité de procédure d'appel due à la partie civile n'est pas subordonnée à la condition qu'elle ait obtenu en outre, sur son appel, une majoration des dommages et intérêts alloués par le premier juge (1). (1) Voir Cass. 25 novembre 2009, RG P.09.1094.F, Pas. 2009, n° 696, et concl. « dit en substance » de M. VANDERMEERSCH, avocat général.

INDEMNITE DE PROCEDURE - Matière répressive - Condamnation à l'indemnité de procédure - Partie ayant gain de cause - Notion - Prévenu condamné à indemniser la partie civile - Appel de la partie civile et du ministère public - Confirmation des dispositions civiles - Condamnation du prévenu à l'indemnité de procédure d'appel - FRAIS ET DEPENS - MATIERE REPRESSIVE - Procédure devant le juge du fond - Condamnation à l'indemnité de procédure - Partie ayant gain de cause - Notion - Prévenu condamné à indemniser la partie civile - Appel de la partie civile et du ministère public - Confirmation des dispositions civiles - Condamnation du prévenu à l'indemnité de procédure d'appel [notice9]

La cause d'excuse instituée par l'article 411 du Code pénal est basée sur le fait que la provocation génère, chez le provoqué, une vive émotion qui obscurcit ses facultés et exerce momentanément une certaine contrainte morale sur sa volonté (1); la loi ne définit pas la provocation mais elle détermine limitativement les moyens par lesquels elle a dû se manifester pour constituer une excuse(2); cette énumération étant limitative, une faute de la victime, sans laquelle le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est réalisé, peut entraîner un partage de responsabilité alors même que cette faute, qui peut être la plus légère, ne constitue pas un des cas de provocation prévus par la loi (3). (1) J. CONSTANT , Traité élémentaire de Droit pénal, T. I, Liège, 1965, n° 540. (2) J. CONSTANT , Traité élémentaire de Droit pénal, T. I, Liège, 1965, n° 540. (3) Voir Cass. 11 avril 2018, RG P.18.0024.F, Pas. 2018, n° 224; Cass. 7 novembre 1990, RG 8446, Pas. 1991, n° 130.

PEINE - CIRCONSTANCES ATTENUANTES. CAUSES D'EXCUSE - Homicide, blessures et coups - Excuse de la provocation - Faute de la victime - Notions - INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Excuse - COUPS ET BLESSURES. HOMICIDE - VOLONTAIRES - Excuse de la provocation - Faute de la victime - Notions - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - FAIT - Faute [notice11]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1138, 2° ;

ancien Code Civil - Art. 1382 ;

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 411 - 01 / No pub 1867060850

[notice7]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1138, 2°

[notice9]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 162bis, 194 et 211 - 30 / No pub 1808111701 ;

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1022, al. 1er

[notice11]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 411 - 01 / No pub 1867060850 ;

ancien Code Civil - Art. 1382


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-30;p.19.0683.f ?

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