N° C.18.0585.N
1. J. H.,
2. N. H.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. P. L.,
2. S. L.,
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2018 par la cour d'appel d'Anvers.
Le 2 juillet 2019, le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport et le premier avocat général Ria Mortier a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
1. L'article 1892 du Code civil dispose que le prêt de consommation est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.
2. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu'il avait été convenu dans la convention conclue entre les parties le 23 juin 2014, dont la force probante est vainement contestée dans les branches qui suivent, que les différents prêteurs verseraient les sommes empruntées sur le compte d'un des emprunteurs.
La remise des sommes prêtées à l'un des emprunteurs, avec le consentement des autres emprunteurs, satisfait, par conséquent, aux dispositions de l'article 1892 du Code civil.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
3. Eu égard à la finalité de la formalité prévue à l'article 1326 du Code civil, la preuve de l'obligation assumée par le débiteur est également rapportée lorsque cette obligation est consignée dans une convention synallagmatique qui satisfait à l'article 1325 du Code civil.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une autre conception juridique, manque en droit.
Quant à la troisième branche :
4. La mise à disposition de la somme prêtée constitue un fait juridique qui peut être prouvé par toutes voies de droit.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une autre conception juridique, manque en droit.
Quant à la quatrième branche :
5. Le moyen, en cette branche, allègue que la convention ne revêt pas un caractère synallagmatique parce que les prêteurs se sont seulement engagés à verser les sommes prêtées à l'un des emprunteurs.
Eu égard à la réponse apportée au moyen, en sa première branche, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la cinquième branche :
6. Suivant l'article 1325 du Code civil, un acte sous seing privé qui contient des conventions synallagmatiques n'est valable que pour autant qu'il ait été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct (alinéa 1er) et chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été faits (alinéa 3).
7. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la convention du 23 juin 2014 énonce que la convention a été signée par toutes les parties et que chaque partie déclare « avoir reçu un exemplaire original, signé pour accord ». Cette indication permet de déterminer le nombre d'exemplaires originaux sur la base de l'acte.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
8. Conformément à l'article 1017, alinéa 1er, du Code judiciaire, tout jugement définitif prononce la condamnation aux dépens, dont l'indemnité de procédure visée aux articles 1018, 6°, et 1022 du même code, contre la partie qui a succombé.
Suivant l'article 1er , alinéas 1er et 2, de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, les montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure visée à l'article 1022 du Code judiciaire sont fixés par instance.
9. La condamnation aux dépens suppose qu'il existe entre les parties une relation procédurale effective.
Lorsque plusieurs demandeurs introduisent par un même acte différentes actions reposant sur un même fondement contre un ou plusieurs défendeurs, sans que la scission des causes ait été demandée et ordonnée, le juge est tenu, avant d'allouer plusieurs indemnités de procédure et même si chaque action fait en principe naître une relation procédurale distincte, de vérifier si les affaires jointes, eu égard à leurs éléments concrets, ne constituent pas, considérées dans leur ensemble, plutôt qu'un même litige, des litiges distincts.
10. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que l'action originaire émanait des défendeurs, prêteurs, et était dirigée contre les emprunteurs, au rang desquels figurent les demandeurs. En allouant aux demandeurs plusieurs indemnités de procédure pour la procédure menée en première instance, sans constater l'existence de litiges distincts avec les différents emprunteurs, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les dépens de la procédure en première instance ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Beatrijs Deconinck, président, les présidents de section Eric Dirix et Alain Smetryns et les conseillers Geert Jocqué et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du trois octobre deux mille dix-neuf par le premier président Beatrijs Deconinck, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.