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03/10/2019 | BELGIQUE | N°C.17.0621.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 octobre 2019, C.17.0621.N


N° C.17.0621.N
ELECTRABEL, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
AGROKOM, s.p.r.l.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Geert Jocqué a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La déc

ision de la Cour
Sur la recevabilité du moyen :
1. La défenderesse oppose au moyen une première fi...

N° C.17.0621.N
ELECTRABEL, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
AGROKOM, s.p.r.l.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Geert Jocqué a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur la recevabilité du moyen :
1. La défenderesse oppose au moyen une première fin de non-recevoir déduite de ce que la demanderesse n'indique pas, comme disposition légale violée, l'article 1134 du Code civil et le principe de la bonne foi dans l'exécution des conventions qui y est consacré.
2. Les dispositions légales que la demanderesse indique comme étant violées suffisent pour apprécier le moyen qui s'érige contre la décision des juges d'appel sur les conséquences de sa faute contractuelle.
La première fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
3. La défenderesse oppose au moyen une seconde fin de non-recevoir déduite de ce que le moyen est nouveau, dès lors que la demanderesse n'a pas soutenu devant les juges d'appel que la sanction consistant à rembourser des tarifs d'injection perçus rétroactivement n'équivaut pas au dommage résultant de l'obligation d'information.
4. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse soutenait devant les juges d'appel que la demande de la défenderesse tendant au remboursement des montants qu'elle lui avait facturés n'est pas fondée aux motifs qu'elle avait informé la défenderesse des conséquences de l'arrêt de la Cour constitutionnelle de sorte que celle-ci ne pouvait se prévaloir de la confiance légitime que les tarifs d'injection avaient été supprimés et que la confiance légitime en tant qu'expression de l'exécution de bonne foi des conventions, prévue à l'article 1134 du Code civil, ne peut avoir la primauté sur cet arrêt de la Cour constitutionnelle.
Le moyen n'est pas nouveau.
La seconde fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
5. En vertu de l'article 1149 du Code civil, en cas de manquement fautif à une obligation contractuelle, le débiteur est tenu de réparer le dommage qui en résulte pour le créancier. Ce dommage consiste dans la perte subie et dans le manque à gagner, sous réserve de l'application des articles 1150 et 1151 du Code civil.
Le dommage est réparé, soit en nature, soit en équivalent.
L'obligation de réparation vise à replacer le créancier dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si le manquement ne s'était pas produit. La réparation en nature ne peut imposer une charge plus importante au débiteur.
6. Les juges d'appel ont considéré que :
- la demanderesse avait l'obligation, en tant que puissante entreprise de fourniture d'énergie, d'informer son cocontractant plus faible de la procédure pendante devant la Cour constitutionnelle concernant le décret du Conseil flamand du 23 décembre 2010 modifiant le décret sur l'Électricité du 17 juillet 2000 et le décret du 8 mai 2009 relatif à l'Énergie, en vue d'éviter des tarifs d'injection pour l'électricité générée au moyen de sources d'énergie renouvelables et de cogénération de qualité, et des conséquences susceptibles d'en résulter ;
- la demanderesse n'a pas respecté cette obligation mais, au contraire, elle a mis fin à la facturation des tarifs d'injection, sans aucun avertissement ou réserve quant à un éventuel décompte rétroactif à venir des tarifs d'injection en cas d'annulation de l'exonération prévue par le décret précité du 23 décembre 2010 ;
- en agissant de la sorte, elle a suscité chez la défenderesse la confiance légitime, à tout le moins elle a créé l'apparence que celle-ci ne devait plus s'acquitter de tarifs d'injection ;
- la demanderesse a ainsi violé l'obligation d'information et de mise en garde qui lui incombait et, de ce fait, a commis une faute contractuelle ;
- cette faute doit être sanctionnée par une réparation en nature, plus précisément par le remboursement des tarifs d'injection portés en compte rétroactivement ;
- l'arrêt de la Cour constitutionnelle, qui a entraîné la disparition rétroactive de l'exonération de l'ordre juridique, ne dispensait pas la demanderesse de son obligation contractuelle ;
- la demanderesse ne pouvait facturer rétroactivement les tarifs d'injection que moyennant le respect des obligations contractuelles qui lui incombaient, y compris l'exécution de bonne foi de la convention.
7. Sur la base de ces considérations, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision de condamner la demanderesse au remboursement des tarifs d'injection, à titre de réparation en nature pour violation de son obligation d'information et de mise en garde, sans avoir examiné si les tarifs auraient été dus par la défenderesse si l'obligation précitée avait été respectée.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la demande de la défenderesse dirigée contre la demanderesse et sur les dépens y afférents ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Beatrijs Deconinck, président, les présidents de section Eric Dirix et Alain Smetryns et les conseillers Geert Jocqué et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du trois octobre deux mille dix-neuf par le premier président Beatrijs Deconinck, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sabine Geubel et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.17.0621.N
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

L'obligation de réparation résultant du manquement fautif d'une obligation contractuelle vise à replacer le créancier dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si le manquement ne s'était pas produit, la réparation en nature ne pouvant imposer une charge plus importante au débiteur.

OBLIGATION - Obligation contractuelle - Manquement fautif - Obligation de réparation - Portée - CONVENTION - DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES - Entre parties - Obligation contractuelle - Manquement fautif - Obligation de réparation - Réparation en nature - Etendue [notice1]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1149 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : DECONINCK BEATRIJS
Greffier : VAN DE SIJPE VANESSA
Ministère public : MORTIER RIA
Assesseurs : DIRIX ERIC, SMETRYNS ALAIN, MOENS KOENRAAD, JOCQUE GEERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-03;c.17.0621.n ?

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