N° C.16.0057.N
VEVAR, s.p.r.l.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
RÉGION FLAMANDE,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2015 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général Christian Vandewal a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
(...)
Sur le fondement :
3. Aux termes de l'article 144 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.
Les cours et tribunaux connaissent de la demande d'une partie fondée sur un droit subjectif.
L'existence d'un tel droit suppose que la partie demanderesse fasse état d'une obligation juridique déterminée qu'une règle du droit objectif impose directement à un tiers et à l'exécution de laquelle cette partie a un intérêt.
Une partie ne peut se prévaloir d'un droit subjectif à l'égard de l'autorité administrative que si la compétence de cette autorité est complètement liée.
Lorsque la compétence de l'autorité administrative est liée, elle peut uniquement constater que les conditions légales sont remplies ou non, sans pouvoir exercer un pouvoir d'appréciation sur celles-ci.
4. En vertu de l'article 12, § 1er, du décret du 22 décembre 1993 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1994, il est créé un « Vlaams Landbouwinvesteringsfonds » qui a pour mission d'exercer les compétences du Fonds d'investissement agricole transférées en vertu de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'État.
L'article 12, § 3, du même décret dispose que « le Fonds procure aux agriculteurs et aux horticulteurs ainsi qu'à leurs organisations et coopératives des moyens financiers afin de favoriser toutes les opérations qui accroissent la productivité des entreprises agricoles et horticoles, sauvegardent et améliorent leur rentabilité et diminuent les prix de revient.
Il y a lieu d'entendre par opérations : a) les opérations d'investissement, à savoir les opérations par lesquelles sont acquis, élargis ou améliorés, pour les personnes physiques ou morales précitées, des biens durables tels que des terrains, bâtiments et constructions, y compris le logement de l'exploitant et de sa famille, équipements industriels, installations, machines, outils et matériaux. Le présent décret ne peut être applicable à l'acquisition de terrains et bâtiments que lorsque celle-ci est économiquement nécessaire afin de sauvegarder la rentabilité de l'entreprise existante ; b) la reconversion d'entreprises à la suite de changements des conditions économiques ; c) les installations d'agriculteurs et d'horticulteurs ; d) le traitement et la commercialisation de produits agricoles et horticoles, principalement dans le cadre de coopératives ».
5. L'article 4 de l'arrêté du gouvernement flamand du 24 novembre 2000 concernant les aides aux investissements et à l'installation dans l'agriculture tel qu'il était en vigueur avant la modification par l'arrêté du gouvernement flamand du 23 décembre 2010 dispose que : « L'agriculteur qui exploite une entreprise agricole, dont la viabilité peut être démontrée, et qui répond aux normes minimums sur le plan de l'environnement, de l'hygiène et du bien-être des animaux, et dont la production est organisée de façon à garantir un résultat positif par rapport aux normes minimums, peut bénéficier de l'aide aux investissements éligible au financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), à l'exception de la coopération de consommateurs ou l'institution sociale. (...) Le ministre flamand, chargé de la politique agricole, arrête les conditions relatives aux qualifications professionnelles et aux aptitudes, les critères auxquels doit répondre la comptabilité des exploitations agricoles et les normes supplémentaires éventuelles dans le cadre de l'aide dans le domaine de l'environnement, de l'hygiène, du bien-être des animaux et de l'aménagement du territoire ».
L'article 6, § 1er, du même décret dispose que : « L'aide aux investissements peut comprendre une ou plusieurs des mesures suivantes : 1° l'aide sous la forme d'une prime à l'investissement oui ou non, en sus d'une subvention-intérêt ; 2° l'aide sous forme d'une subvention-intérêt ; 3° la garantie visée à l'article 12, § 5, du décret du 22 décembre 1993 contenant des mesures d'accompagnement du budget 1994 ».
L'article 6, § 2, du même décret dispose que : « Le pourcentage maximal d'aide aux investissements dont l'agriculteur peut bénéficier, à l'exception de la coopération de consommateurs ou l'institution sociale, s'élève suivant sa nature à 40 p.c. pour les investissements spécifiques à l'agriculture biologique, telle que visée à l'annexe au présent arrêté ; 30 p.c. pour les investissements visant à réaliser une agriculture aux objectifs élargis, une agriculture durable ou biologique ou une reconversion de l'entreprise agricole, telles que définies dans l'annexe au présent arrêté ; 20 p.c. pour les investissements en immeubles visant à réaliser une amélioration structurelle, telle que définie dans l'annexe au présent arrêté ;
10 p.c. pour les autres investissements visant à réaliser une amélioration structurelle, telle que définie dans l'annexe au présent arrêté.
Le ministre flamand, chargé de la politique agricole et de la pêche en mer, détermine les autres investissements similaires, tels que visés dans l'annexe, qui sont éligibles à l'aide aux investissements ».
6. L'arrêté ministériel du 24 novembre 2000 concernant les aides aux investissements et à l'installation dans l'agriculture, tel qu'il était en vigueur avant la modification par l'arrêté ministériel du 18 juillet 2011, prévoit :
- comment il faut démontrer les qualifications professionnelles et aptitudes visées à l'article 4 de l'arrêté du gouvernement flamand du 24 novembre 2000 (article 1er) ;
- comment il faut démontrer les qualifications professionnelles et aptitudes minimales pour la première installation visées à l'article 10 du même arrêté (article 2) ;
- les conditions auxquelles doit satisfaire la comptabilité des exploitations agricoles visées aux articles 4 et 10 du même arrêté (article 3) ;
- les normes minimales en matière d'environnement, d'hygiène et de bien-être des animaux, visées aux articles 4 et 11 du même arrêté du gouvernement flamand ;
- les modalités de la subvention-intérêt ou de la prime à l'investissement, les conditions y afférentes, la durée de la garantie ainsi que les cas dans lesquels l'équivalent de l'aide peut être accordé en tout ou en partie sous forme d'amortissements remis, visés à l'article 28 qui réfère aux articles 6, 12, 17, 19 et 21 du même arrêté du gouvernement flamand, font l'objet de l'annexe 4 ;
- l'investissement minimum ou opération, visés à l'article 28 du même arrêté du gouvernement flamand, est fixé à 15.000 euros et les investissements maximums et les frais d'installation visés font l'objet de l'annexe 5 (article 17).
7. Dans l'annexe à l'arrêté du gouvernement flamand du 24 novembre 2000 « Aperçu des investissements d'après leur nature et le pourcentage d'aide correspondant par rapport aux investissements subventionnables » et dans l'annexe 4 à l'arrêté ministériel du 24 novembre 2000 « Conditions et modalités de la subvention-intérêt ou de la prime en capital, la durée de la garantie et les cas dans lesquels l'aide peut être octroyée, en tout ou en partie, sous forme d'amortissements remis » sont précisés de manière détaillée la nature des investissements subventionnables, avec la description de l'investissement et la mention des conditions spéciales, le pourcentage de l'aide, le montant de la subvention exprimée en pourcentage, la durée de la subvention en cas de financement par un prêt et la durée de la garantie. L'annexe 5 de l'arrêté du gouvernement flamand du 24 novembre 2000 « Montants d'investissement maximums éligibles aux aides » précise de manière détaillée le prix maximum pour chaque sorte d'investissements. Les mesures comprenant les aides à l'investissement, les investissements concernés par le régime des aides, les pourcentages de l'aide et l'aide maximale sont ainsi fixés de manière précise et en chiffres absolus.
8. Il ressort de l'ensemble des dispositions légales précitées, de l'annexe à l'arrêté du gouvernement flamand du 24 novembre 2000 et des annexes à l'arrêté ministériel du 24 novembre 2000, qui font partie intégrante desdits arrêtés, que l'autorité administrative qui connaît d'une demande d'aide à l'investissement dans le secteur agricole est privée de toute liberté d'appréciation, de sorte que la compétence de cette autorité est complètement liée.
L'arrêt, qui considère que la demanderesse n'a aucun droit subjectif aux aides à l'investissement dans l'agriculture, ne justifie pas légalement sa décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Beatrijs Deconinck, président, le président de section Alain Smetryns, les conseillers Koen Mestdagh, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du neuf décembre deux mille seize par le président de section Beatrijs Deconinck, en présence de l'avocat général Christian Vandewal, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Mireille Delange et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,