N° P.08.1881.N
J. E. G. S.,
prévenu,
demandeur,
Me Herwig Moons, avocat au barreau de Dendermonde,
contre
J. A.-S.,
partie civile,
défendeur.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2008 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Dans un mémoire et deux autres mémoires tous annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme, le demandeur présente au total neuf moyens.
Le conseiller Paul Maffei a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen (premier mémoire) :
1. Le moyen invoque la méconnaissance de la règle de la spécialité en matière d'extradition : en 2004, le Luxembourg a extradé le demandeur vers la Belgique du chef de certains faits et non pour d'autres ; en 2007, les Pays-Bas ont extradé le demandeur sur la base d'un mandat d'arrêt européen du chef de certains faits nouveaux et non pour d'autres ; le demandeur a toujours gardé son statut de personne extradée ; par conséquent, le demandeur ne peut être poursuivi, condamné ou privé de sa liberté du chef d'aucun fait commis - avant l'extradition - autre que celui ayant justifié son extradition.
2. La personne remise à la Belgique ne peut y être poursuivie pour des faits commis avant sa remise et pour lesquels cette remise n'a pas été demandée. La règle de la spécialité ne s'applique cependant plus notamment lorsque la personne concernée a volontairement renoncé à bénéficier de cette clause de spécialité. Cette renonciation peut également être tacite pour autant qu'elle soit manifeste et volontaire, ce que le juge constate souverainement. La Cour contrôle uniquement si les faits que le juge constate souverainement peuvent justifier les conséquences juridiques qu'il en a tirées.
3. Il ressort tout d'abord des considérations de l'arrêt attaqué que :
- après son extradition par le Grand-Duché de Luxembourg à la Belgique, l'arrêt rendu le 14 juin 2005 par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Gand, a accordé au demandeur une remise en liberté provisoire sous réserve « de ne jamais quitter le territoire belge ». Cette libération conditionnelle ne pouvait survenir qu'ensuite de la libération conditionnelle du demandeur également dans une autre cause accordée à titre provisoire par arrêt rendu le 1er juillet 2005 par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Anvers ;
- le 20 septembre 2007, le juge d'instruction de Termonde a décerné à l'encontre du demandeur retrouvé entre-temps aux Pays-Bas, un mandat d'arrêt européen du chef d'autres faits.
4. Sur la base de la constatation souveraine que le demandeur a quitté le pays malgré la condition qui lui avait été imposée de s'en abstenir, l'arrêt attaqué décide que la clause de la spécialité « était levée ». L'arrêt attaqué entendait par là que le demandeur a renoncé à la clause de la spécialité lors de son extradition par le Luxembourg.
Le moyen qui suppose que le demandeur n'aurait jamais renoncé à la clause de la spécialité lors de son extradition par le Luxembourg, ne peut être accueilli.
Sur le premier moyen (deuxième mémoire) :
5. Le moyen invoque la violation de l'obligation de motivation : la motivation de l'arrêt concernant la défense du demandeur sur la règle de la spécialité est contradictoire.
6. Dans ses conclusions, le demandeur a invoqué que la règle de la spécialité empêche qu'il soit poursuivi du chef des faits qui font l'objet de cette procédure dès lors qu'il s'agit de faits autres que ceux motivant la remise par l'autorité néerlandaise ensuite du mandat d'arrêt européen délivré par la Belgique.
7. L'arrêt rejette cette défense en considérant que : « Apparemment les faits ayant justifié la remise par les Pays-Bas n'ont, pas plus que la procédure pénale actuelle, donné lieu à des mesures restrictives de liberté. Partant, la demande [du demandeur] tendant à constater l'impossibilité de poursuivre les faits qui font l'objet des poursuites actuelles n'est pas fondée ».
8. L'article 37, § 1er, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen prévoit : « Une personne qui a été remise sur la base d'un mandat d'arrêt européen émis par une autorité judiciaire belge ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé sa remise ».
L'article 37, § 2, 3°, de cette même loi prévoit que la règle prévue au paragraphe précédent ne s'applique pas dans le cas où « la procédure pénale ne donne pas lieu à l'application d'une mesure restreignant sa liberté individuelle ».
9. Ces dispositions sont la transposition en droit interne de l'article 27, 2 et 3, c, de la Décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres. Selon ces dispositions, ainsi que la Cour de Justice des Communautés européennes les interprète (arrêt m.c-388/08 en la cause Leymann et Pustovarov du 1er décembre 2008), l'exception faite concerne une situation où la poursuite pénale ne donne pas lieu à l'application d'une mesure restreignant la liberté individuelle de la personne concernée. Dans le cadre de cette exception, une personne peut donc être poursuivie et jugée pour « tout autre fait » que celui motivant sa remise et puni d'une peine d'emprisonnement ou d'une mesure privative de liberté sans qu'il faille suivre la procédure de consentement, pour autant que la procédure pénale ne donne pas lieu à l'application d'une mesure restrictive de liberté. Si, cependant, la personne est condamnée à une peine ou mesure restreignant sa liberté, l'exécution de cette peine est subordonnée à la délivrance d'un consentement.
Il en résulte que la seule condamnation à une peine d'emprisonnement ne constitue pas en soi une mesure restreignant la liberté individuelle du demandeur dans le sens de l'article 37, § 2, 3° de la loi du 19 décembre 2003.
10. Dans ce contexte, il n'y a pas de contradiction entre la décision énoncée et le dispositif de l'arrêt attaqué qui condamne le demandeur à une peine d'emprisonnement effective.
Le moyen manque en fait.
Sur les autres griefs :
11. Dans la mesure où ils sont dirigés contre l'arrêt attaqué et ne requièrent pas un examen des faits pour lequel la Cour est sans compétence, les griefs sont trop confus pour représenter des moyens de cassation réguliers.
Les griefs sont irrecevables.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Luc Huybrechts, Etienne Goethals, Jean-Pierre Frère et Paul Maffei, et prononcé en audience publique du vingt-quatre mars deux mille neuf par le président de section Edward Forrier, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier délégué Conny Van de Mergel.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Paul Maffei et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,