N° C.07.0218.N
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI,
Me Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. JAN BENOIT, qualitate qua,
2. GEBROEDERS MAES, société anonyme,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2006 par la cour d'appel de Gand.
Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat général délégué André Van Ingelgem a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 20, §§ 1er, 2, 3, 4, 5 et 6, et 48 du Cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et des concessions de travaux publics étant l'annexe à l'arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d'exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt de confirmation rejette l'appel du demandeur comme étant non fondé sur la base notamment des considérations suivantes :
« 1.Reprenant expressément les motifs du premier juge (sous le point V. Appréciation. V.2., quant au fond' V.2.1. et V.2.2., pages 7 à 12 incluse), sauf lorsqu'ils seraient contraires aux considérations du présent arrêt, la cour d'appel rejette intégralement comme étant non fondé l'appel principal de l'Office national de l'emploi.
II.A.
Le premier juge a rejeté la demande de l'Office national de l'emploi tendant à la déduction à son profit des montants de 413.088 francs (10.240,18 euros), 460.752 francs (11.421,74 euros) et 254.208 francs (6.301,66 euros), soit au total 1.128.048 francs (27.963,58 euros).
L'Office national de l'emploi soutient que ces montants concernent une pénalité à laquelle elle peut prétendre sur la base de l'article 20, § 4, de l'arrêté royal du 26 septembre 1996.
(B.)
En recherchant les motifs qui pourraient servir de fondement auxdites pénalités, l'Office national de l'emploi indique comme seul motif décelable dans ses conclusions de synthèse déposées le 27 février 2006, page 10, alinéa 1er : ‘Le retard dans l'exécution est sanctionné par des amendes prévues expressément par l'article 20, § 5, de sorte que l'article 20, § 4, ne comporte manifestement pas de pénalité du chef d' exécution tardive, mais bien pour les autres infractions, comme par exemple, le défaut de réponse aux questions et sommations de l'administration publique, comme ce fut manifestement le cas en l'espèce'.
Ce n'est pas parce que l'Office national de l'Emploi soutient actuellement que les pénalités litigieuses sont fondées sur l'article 20, § 4, de l'arrêté royal du 26 septembre 1996 que ce ne seraient pas des amendes fondées sur une exécution tardive.
En outre, le défaut de réponse aux questions et sommations de l'administration publique concernait en l'espèce le retard dans l'exécution des travaux par la société anonyme Delrue. Ce défaut de réponse aux questions et sommations ne constitue en tout cas pas un motif juridique distinct au sens ‘d'une contravention pour laquelle aucune pénalité spéciale n'est prévue', comme indiqué à l'article 20, § 4, de l'arrêté royal du 26 septembre 1996.
Les questions et sommations litigieuses auxquelles il n'est pas répondu comme souhaité par le maître d'ouvrage/administration publique, peuvent faire courir des délais que l'administration publique peut utiliser pour prendre des mesures en vue du déroulement de l'adjudication, notamment en vue de la résiliation unilatérale du marché tel qu'elle s'est effectivement produite en l'espèce avec pour conséquence automatique l'acquisition du cautionnement par l'Office national de l'emploi.
Il n'y a toutefois pas lieu de constater d'autres contraventions pour lesquelles « aucune pénalité spéciale » n'est prévue au sens de l'article 20, § 4, de l'arrêté royal précité.
C.
Dès lors que lesdits montants que l'Office national de l'Emploi souhaite voir déduire à son profit (au total 1.128.048 francs = 27.963,58 euros) concernent le retard dans l'exécution, au sens de l'article 20, § 5, de l'arrêté royal, la réclamation de ceux-ci par l'Office national de l'emploi est immédiatement exclue.
En effet, en raison de l'application de l'article 20, § 6, 1°, de l'arrêté royal qui dispose que l'acquisition du cautionnement par l'administration publique (telle qu'elle s'est réalisée effectivement) exclut l'application de toute amende du chef de retard d'exécution pour la partie résiliée, le droit de l'Office national de l'emploi de prétendre à ce montant de 1.128.048 francs (27.963,58 euros) est également déchu.
D.
L'article 20, § 6 de l'arrêté royal auquel fait référence le point A., c, ci-dessus dispose notamment que :
(Mesuresd'office.
Les mesures d'office applicables en cas de défaut d'exécution du marché sont :
1° la résiliation unilatérale du marché; dans ce cas la totalité du cautionnement est acquise de plein droit au pouvoir adjudicateur à titre de dommages-intérêts forfaitaires; cette mesure exclut l'application de toute amende du chef de retard d'exécution pour la partie resiliée; (...)).
Il s'ensuit que, quelle que soit la période concernée dont il s'agit, toutes les pénalités qui concernent l'exécution tardive, comme le montant précité de 1.128.048 francs (=27.963,58 euros) sont exclues.
A ce propos la cour se réfère aussi au point 111 ci-dessous et reprend sa motivation.
E.
C'est en vain que l'Office national de l'Emploi soutient que le premier juge a autorisé la déduction de montants (au total 23.532,89 euros, soit 949.311 francs) qui auraient le même fondement juridique (article 20, § 4, de l'arrêté royal du 26 septembre 1996) que les montants dont il refuse la déduction au profit de l'Office National de l'Emploi.
Il faut remarquer tout d'abord que les montants litigieux dont la déduction est accordée par le premier juge ne sont pas contestés.
Ensuite, l'Office national de l'Emploi n'apporte pas la preuve de son allégation.
Enfin, la notion de ‘motif juridique' n'est pas identique à celle de ‘motif de fait' alors que la cour d'appel a constaté ci-dessus que le motif de fait justifiant l'imputation de pénalités de 1.128.048 francs (27.963,58 euros) équivaut à ce que cette somme concerne le retard dans l'exécution.
III.
En outre, l'Office national de l'Emploi souhaite encore déduire 993.026 francs (=24.626,47 euros).
Le montant litigieux est incontestablement une amende pour retard dans l'exécution (article 20, § 5 du 26 septembre 1996).
Cela concerne la période antérieure à la résiliation unilatérale du marché par l'Office National de l'Emploi.
L'article 20, § 6, de l'arrêté royal auquel se réfère le point A, c, dispose notamment :
‘Mesures d'office.
Les mesures d'office applicables en cas de défaut d'exécution du marché sont :
1° la résiliation unilatérale du marché; dans ce cas la totalité du cautionnement est acquise de plein droit au pouvoir adjudicateur à titre de dommages-intérêts forfaitaires; cette mesure exclut l'application de toute amende du chef de retard d'exécution pour la partie résiliée ; (...)'.
On ne lit nulle part que les dommages-intérêts forfaitaires dont il est question, à savoir l'acquisition du cautionnement (telle qu'elle s'est réalisée effectivement) ne concernerait que ‘l'absorption' d'amendes du chef de retard d'exécution pour l'avenir (c'est-à-dire après la résiliation unilatérale du marché).
L'article 20, § 6, 1°, concerne l'exclusion de toute amende du chef de retard d'exécution donc tant celle qui concernerait la période antérieure à la résiliation unilatérale que celle qui concernerait la période postérieure à la résiliation unilatérale.
Le terme/la notion ‘toute' ne permet aucune nuance telle que l'Office national de l'Emploi voudrait le faire admettre ».
Griefs
L'arrêt attaqué considère que les différents montants dont le demandeur a demandé la déduction, concernent des amendes du chef de retard d'exécution et que, eu égard au fait que le demandeur a récupéré la totalité du cautionnement, ces amendes ne pouvaient être retenues.
L'article 20, § 6, 1°, du Cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et des concessions de travaux publics dispose toutefois que les mesures d'office applicables en cas de retard d'exécution du marché sont tout d'abord la résiliation unilatérale du marché. Dans ce cas, la totalité du cautionnement est acquise de plein droit au pouvoir adjudicateur à titre de dommages-intérêts forfaitaires; cette mesure exclut l'application de toute amende du chef de retard d'exécution pour la partie résiliée.
Ce texte de loi implique qu'à partir du moment où le marché est résilié le pouvoir adjudicateur ne peut plus imputer d'amendes du chef de retard d'exécution. Cet article n'implique pas que les amendes qui étaient encourues avant la résiliation ne sont pas maintenues.
En admettant le contraire l'arrêt attaqué viole l'article 20, § 6, 1er, précité du Cahier général des charges.
Dans la mesure où il s'ensuit que le montant qui restait dû par le demandeur au failli est contesté, il y a lieu de constater à l'égard de la demande de la seconde défenderesse, que l'assiette de l'action directe à laquelle elle se réfère est aussi contestée.
La cassation de la décision attaquée sur le point précité de la demande du premier défendeur contre le demandeur doit nécessairement entraîner la cassation de la décision rendue sur la demande de la seconde défenderesse dirigée contre le demandeur.
III. La décision de la Cour
1. L'article 20, § 6, du Cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et des concessions de travaux publics, qui constitue l'annexe à l'arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d'exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics, prévoit comme mesure d'office applicable en cas de défaut d'exécution du marché : 1° la résiliation unilatérale du marché; dans ce cas le pouvoir adjudicateur acquiert de plein droit la totalité du cautionnement à titre de dommages-intérêts forfaitaires. Cette mesure exclut l'application de toute amende du chef de retard d'exécution pour la partie résiliée.
2. Il s'ensuit que cette exclusion ne s'étend pas à la période antérieure à la résiliation.
3. Le juge d'appel a considéré que l'article 20, § 6, 1°, du Cahier général des charges précité exclut l'application de toute amende du chef de retard d'exécution, tant celle qui concerne la période antérieure à la résiliation unilatérale que celle qui concerne la période postérieure à la résiliation unilatérale, et que toutes les amendes qui concernent l'exécution tardive quelle que soit la période concernée et que la demanderesse souhaite déduire, sont donc exclues en l'espèce.
4. En statuant ainsi sans faire de distinction selon la période à laquelle l'amende de retard se rapporte, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.
Le moyen est fondé.
Etendue de la cassation :
5. La cassation de l'arrêt dans la mesure où il statue sur la demande du demandeur tendant à la déduction de l'amende de retard s'étend à la décision rendue sur les demandes des défendeurs dirigées contre le demandeur.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, les conseillers Eric Stassijns, Albert Fettweis, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et prononcé en audience publique du dix-neuf septembre deux mille huit par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général délégué André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Albert Fettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,