La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2021 | FRANCE | N°438391

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 30 novembre 2021, 438391


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme D... C... et de l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de l'Essonne dirigées contre l'arrêt n° 17DA02437 du 10 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Douai, en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne de Mme E... C... pour la période du 27 décembre 1998 au 30 mai 2018 et en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins

futurs en assistance par tierce personne de Mme C....

Par un m...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme D... C... et de l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de l'Essonne dirigées contre l'arrêt n° 17DA02437 du 10 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Douai, en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne de Mme E... C... pour la période du 27 décembre 1998 au 30 mai 2018 et en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins futurs en assistance par tierce personne de Mme C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, le groupe hospitalier du Havre conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... et de l'UDAF de l'Essonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme C... et de l'Union départementale des associations familiales de l'Essonne et à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat du groupe hospitalier du Havre.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi par Mme C... d'une demande de condamnation du groupe hospitalier du Havre à l'indemniser des préjudices résultant des graves séquelles neurologiques dont elle est atteinte à la suite de sa prise en charge dans cet établissement, le tribunal administratif de Rouen a, par un jugement du 19 octobre 2017, condamné le groupe hospitalier à lui verser la somme de 104 546,25 euros et une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial. Sur appel du groupe hospitalier, la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 10 décembre 2019, ramené cette somme à 59 296,61 euros. Par une décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme C... et de l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de l'Essonne dirigées contre cet arrêt, en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne de l'intéressée, d'une part pour la période du 27 décembre 1998 au 30 mai 2018 et, d'autre part, pour la période postérieure au 10 décembre 2019, date de lecture de l'arrêt.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne pour la période du 27 décembre 1998 au 30 mai 2018 :

2. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant. Lorsque la personne publique n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de l'indemnité versée excède les dépenses nécessaires aux besoins d'aide par tierce personne, évaluées ainsi qu'il a été dit plus haut.

3. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour statuer sur la demande d'indemnisation des frais d'assistance par tierce personne présentée par Mme C..., la cour administrative d'appel n'a pas, contrairement à la règle rappelée ci-dessus, procédé préalablement à l'évaluation de ces besoins d'aide. Pour écarter cette demande, elle s'est en revanche fondée sur ce que l'intéressée " n'établissait pas (...) l'absence de perception de toute aide destinée à couvrir les frais d'assistance par tierce personne ". Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de l'instruction et n'était d'ailleurs pas soutenu devant elle que l'intéressée avait effectivement bénéficié de telles prestations, la cour a méconnu son office.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne pour la période postérieure à la date de lecture de l'arrêt :

4. Si le juge, saisi de conclusions tendant, pour une période à venir, à l'indemnisation de frais futurs d'assistance à domicile par tierce personne, n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime sera effectivement logée à domicile, ou hébergée dans une institution spécialisée dans laquelle ces frais ne seront pas exposés, il lui appartient d'accorder une rente couvrant les frais d'assistance par tierce personne à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à domicile.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C... était, à la date de l'arrêt attaqué, hébergée dans un établissement spécialisé, mais que, ainsi que le relève d'ailleurs l'arrêt, elle était susceptible de retourner ultérieurement dans son domicile familial. Il appartenait par suite à la cour administrative d'appel, conformément à la règle rappelée ci-dessus, de déterminer, pour la période postérieure à son arrêt, le besoin d'assistance par tierce personne de Mme C... dans le cas où elle reviendrait à domicile et le mode de calcul de l'indemnisation qui, dans ce cas, lui serait allouée à ce titre. En se bornant à juger que si Mme C... venait à ne plus être hébergée en établissement spécialisé il lui appartiendrait de faire connaître au groupe hospitalier du Havre ses besoins en assistance par tierce personne et que cet établissement devrait alors l'indemniser à hauteur de 25 % de la différence entre le montant de ces besoins et celui des aides éventuellement perçues et destinées à les couvrir, la cour a également méconnu son office.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne de Mme C..., d'une part pour la période du 27 décembre 1998 au 30 mai 2018 et, d'autre part, pour la période future, c'est-à-dire postérieure au 10 décembre 2019.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupe hospitalier du Havre le versement à Mme C... et à l'UDAF de l'Essonne d'une somme de 3 000 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... ou de l'UDAF de l'Essonne, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que demande, au même titre, le groupe hospitalier du Havre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 10 décembre 2019 est annulé en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne de Mme C..., d'une part pour la période du 27 décembre 1998 au 30 mai 2018 et, d'autre part, pour la période postérieure au 10 décembre 2019.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Le groupe hospitalier du Havre versera à Mme D... C... et à l'UDAF de l'Essonne la somme de 3 000 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le groupe hospitalier du Havre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme D... C..., à l'Union départementale des associations familiales de l'Essonne et au groupe hospitalier du Havre.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 octobre 2021 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, président de chambre ; Mme O... L..., M. A... B..., M. N... F..., Mme I... M..., M. H... K..., M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 30 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. G... J...


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 438391
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. - RÉPARATION. - ÉVALUATION DU PRÉJUDICE. - PRÉJUDICE TENANT À LA NÉCESSITÉ DE RECOURIR À L'AIDE D'UNE TIERCE-PERSONNE - MODALITÉS [RJ1] - 1) OBLIGATION D'EN DÉDUIRE D'OFFICE LES PRESTATIONS AYANT LE MÊME OBJET [RJ2], À LA CONDITION QU'IL RÉSULTE DE L'INSTRUCTION QUE LA VICTIME EN BÉNÉFICIE [RJ3] - 2) LIMITE, DANS LE CAS D'UNE RESPONSABILITÉ PARTIELLE.

60-04-03 1) Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir.......Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais.......A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant.......2) Lorsque la personne publique n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de l'indemnité versée excède les dépenses nécessaires aux besoins d'aide par tierce personne, évaluées ainsi qu'il a été dit plus haut.


Références :

[RJ1]

Cf., en précisant, CE, 25 mai 2018, Mme Botuli Kadima, n° 393827, T. pp. 903-911 ;

CE, 27 mai 2021, Mme Montillaud, n° 433863, à mentionner aux Tables....

[RJ2]

Cf. CE, 6 mai 1988, Administration générale de l'Assistance publique à Paris c/ consorts Leone, n° 64295, p. 186 ;

CE, 24 juillet 2019, Mme Depecker, n° 408624, p. 330....

[RJ3]

Cf. CE, Section, 26 juin 1992, Commune de Béthoncourt c/ Consorts Barbier, n° 114728, p. 268.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2021, n° 438391
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438391.20211130
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award