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19/05/2021 | FRANCE | N°436534

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 19 mai 2021, 436534


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 6 et 13 décembre 2019, 16 juillet 2020, 17 février et 10 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Eusa Pharma (France) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Comité économique des produits de santé du 23 mai 2019 fixant le prix de référence de la spécialité Qarziba à 3 461,902 euros par unité commune de dispensation et mettant à sa char

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 6 et 13 décembre 2019, 16 juillet 2020, 17 février et 10 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Eusa Pharma (France) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Comité économique des produits de santé du 23 mai 2019 fixant le prix de référence de la spécialité Qarziba à 3 461,902 euros par unité commune de dispensation et mettant à sa charge des remises de 1 346 305 euros et 1 594 854 euros sur les ventes des années 2017 et 2018 au titre de l'autorisation temporaire d'utilisation de la spécialité ;

2°) de mettre à la charge du Comité économique des produits de santé ou, à défaut, de l'Etat, la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

- le règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 ;

- le code de commerce ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Eusa Pharma (France) ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Eusa Pharma exploite la spécialité Qarziba, dont la substance active est le dinutuximab bêta, qui est un anticorps monoclonal antinéoplasique utilisé en milieu hospitalier dans le traitement du neuroblastome, cancer des cellules nerveuses, chez des enfants âgés de douze mois et plus. Le neuroblastome étant une maladie grave et rare, Qarziba a, sous ses dénominations commerciales antérieures, obtenu le 8 novembre 2012 la désignation de médicament orphelin en application du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins, puis une autorisation de mise sur le marché centralisée délivrée sous circonstances exceptionnelles le 8 mai 2017 par la Commission européenne dans l'indication, d'une part, du traitement d'entretien pour les patients souffrant de neuroblastome de haut risque dont l'état s'est amélioré du fait de certains traitements déjà reçus, d'autre part, en cas de neuroblastome récidivant ou réfractaire. A partir de février 2017, la spécialité Qarziba a bénéficié, au titre d'autorisations temporaires d'utilisation nominatives, de la prise en charge par l'assurance maladie prévue par les articles L. 162-16-5-1-1 et L. 162-16-5-2 du code de la sécurité sociale, puis, du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2019, faute de remplir les conditions pour pouvoir être inscrite sur la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, d'un financement dérogatoire par délégation de crédits aux établissements de santé, d'abord dans sa première indication, puis dans les deux à partir du 1er juillet 2019. Par arrêté du 2 octobre 2018, elle a été inscrite sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités publiques mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique. A la suite de cette inscription, le Comité économique des produits de santé a, le 23 mai 2019, en application du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale, d'une part, fixé le " prix de référence " de la spécialité Qarziba à 3 461,902 euros par unité commune de dispensation et, d'autre part, mis à la charge d'Eusa Pharma des " remises " de 1 346 305 euros et 1 594 854 euros sur les ventes des années 2017 et 2018 prises en charge par l'assurance maladie au titre de l'autorisation temporaire d'utilisation de la spécialité. La société Eusa Pharma demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 mai 2019.

Sur les moyens relatifs au cadre juridique du litige :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'inapplicabilité à l'espèce du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale :

2. L'article L. 5121-12 du code de la santé publique permet l'utilisation dans des indications thérapeutiques précises, à titre exceptionnel et pour une durée limitée, en vertu d'une autorisation temporaire d'utilisation délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de certains médicaments qui n'ont pas fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, destinés à traiter des maladies graves ou rares, en l'absence de traitement approprié, lorsque la mise en oeuvre du traitement ne peut pas être différée et que certaines autres conditions sont remplies. Ces spécialités font l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie dans certains établissements de santé en vertu de l'article L. 162-16-5-1-1 du code de la sécurité sociale, puis, sous certaines conditions, dans le cadre de la continuité de traitement mentionnée à l'article L. 162-16-5-2 de ce code. Il résulte des I et II de l'article L. 162-16-5-1 du même code que le laboratoire qui exploite la spécialité peut, à ce titre, réclamer une " indemnité " aux établissements de santé, qui ne peut en principe aboutir, du fait d'un mécanisme de remises, à un montant moyen pris en charge par patient et par an supérieur à 10 000 euros. Aux termes des III et IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " III.- Lors d'une première inscription au remboursement au titre d'une autorisation de mise sur le marché, si le prix net de référence d'une spécialité, mentionné à l'article L. 162-18, est inférieur au montant de l'indemnité déclarée au comité, le laboratoire reverse (...), sous forme de remise, la différence entre le chiffre d'affaires facturé aux établissements de santé, au titre de la période s'étendant de l'obtention de l'autorisation mentionnée à l'article L. 5121-12 du code de la santé publique à la première date d'inscription au remboursement, minoré le cas échéant des remises mentionnées au II du présent article au titre de cette même période, et celui qui aurait résulté de la valorisation des unités vendues au prix net de référence. / (...) IV .- Pour l'application du III du présent article, lorsque, pour une indication particulière, l'inscription est réalisée sur la seule liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique sans qu'intervienne, dans les deux mois suivants, une inscription sur une autre liste ouvrant droit à une prise en charge au titre de cette indication, le Comité économique des produits de santé peut retenir un prix de référence, ou faire évoluer le prix de référence précédemment retenu, en fonction des critères de fixation et de modification des prix et tarifs prévus aux articles L. 162-16-4, L. 162-16-5 et L. 162-16-6 du présent code (...) ". Ces dispositions permettent ainsi au Comité économique des produits de santé de fixer un " prix de référence " de la spécialité, alors même qu'elle est seulement inscrite sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités publiques, aux fins de détermination du montant de la " remise " due par le laboratoire qui a bénéficié de sa prise en charge par l'assurance maladie avant l'inscription au remboursement.

3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, il ressort des pièces du dossier que la spécialité Qarziba, a été utilisée et prise en charge à compter de février 2017 sous le régime de l'autorisation temporaire d'utilisation prévue à l'article L. 5121-12 du code de la santé publique puis inscrite, le 2 octobre 2018, dans les indications de son autorisation de mise sur le marché, sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités publiques mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, sans qu'intervienne, dans les deux mois suivants, une inscription sur une autre liste ouvrant droit à une prise en charge au titre de ces indications. Le IV de l'article L.162-16-5-1 du code de la sécurité sociale, dont elle remplissait ainsi l'ensemble des conditions, lui était par suite applicable, la circonstance qu'elle ait bénéficié d'un financement dérogatoire étant, contrairement à ce que soutient la société requérante, sans incidence à cet égard.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte portée par les dispositions du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale au principe de sécurité juridique et au principe de confiance légitime du droit de l'Union et au droit des laboratoires à la protection de leurs biens :

4. Il résulte des dispositions du IV de l'article L.162-16-5-1 du code de la sécurité sociale, citées au point 2, que le " prix de référence " que le Comité économique des produits de santé peut retenir lorsqu'il fait application de ces dispositions est établi en fonction des critères qui régissent la fixation du prix de vente au public des spécialités inscrites respectivement sur la liste des médicaments remboursables, sur la liste de rétrocession hospitalière ou sur la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation. A ce titre, pour fixer le prix de vente au public d'une spécialité, le Comité économique des produits de santé tient compte, principalement, en application du I de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, de l'amélioration du service médical rendu apportée par le médicament et des prix des médicaments à même visée thérapeutique, le 4° du II de l'article L. 162-16-4 lui permettant également de prendre notamment en compte, pour fixer un prix inférieur, le " coût net " pour l'assurance maladie obligatoire des traitements médicamenteux à même visée thérapeutique au sens de l'article L. 162-18 de ce code. Toutefois, lorsque le comité est amené à déterminer le prix d'une spécialité reconnue comme médicament orphelin, pour laquelle il n'existe pas de médicament à même visée thérapeutique en France, il doit prendre en considération dans son appréciation du prix de la spécialité, outre les autres critères définis à l'article L. 162-16-4, les coûts spécifiques, tenant notamment aux dépenses de recherche et développement que le laboratoire doit nécessairement exposer pour la mise sur le marché de cette spécialité.

5. Si les dispositions du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale permettent au Comité économique des produits de santé d'imposer des reversements, sous forme de " remises ", à un laboratoire dont la spécialité a bénéficié avant son inscription sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques de sa prise en charge par l'assurance maladie en vertu d'une autorisation temporaire d'utilisation, il est possible d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament sans s'être préalablement engagé dans la procédure d'autorisation temporaire d'utilisation, laquelle est uniquement prévue à titre exceptionnel, et les laboratoires s'engagent ainsi dans cette procédure en en connaissant les contraintes. Après la mise en oeuvre de la procédure contradictoire prévue au III de l'article R. 163-33 de ce code, le montant de ces " remises " est fixé sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, en fonction d'un " prix de référence ", établi selon les critères et dans les conditions rappelées au point précédent. Les remises résultant de ces dispositions ne peuvent dès lors être regardées comme imprévisibles, la circonstance que ce " prix de référence " puisse être fixé de façon unilatérale et non par voie de convention négociée avec le Comité économique des produits de santé étant sans incidence à cet égard. La société requérante n'est, par suite, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les dispositions du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale porteraient par elles-mêmes atteinte au principe de sécurité juridique et au principe de confiance légitime du droit de l'Union européenne ou au droit des laboratoires à la protection de leurs espérances légitimes constitutives de biens garantie par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les autres moyens :

6. La décision attaquée mentionne les dispositions du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale dont le Comité économique des produits de santé a fait application et indique le coût de traitement de Qarziba par patient et le comparateur économique, à savoir la spécialité Bavencio, retenu sur la base de l'approche méthodologique proposée par la société requérante, qu'elle rappelle, après amendement de la proposition initiale faite par le Comité économique des produits de santé. Elle précise que le comité a pris en considération le coût net de Bavencio, dont elle relève que la société requérante avait estimé l'impact budgétaire comparable à celui de Qarziba, et a opéré une décote de 10 % pour la fraction de population concernée par l'indication de neuroblastome récidivant ou réfractaire (15 patients sur une population cible de 55 patients selon l'évaluation de la société), indication pour laquelle l'amélioration du service médical rendu a été regardée comme absente par la commission de la transparence. Enfin, la décision précise la formule de calcul du nouveau coût de traitement de référence par patient retenue, ainsi que le prix de référence arrêté en conséquence et les remises en résultant pour les ventes réalisées en 2017 et 2018 au titre de l'autorisation mentionnée à l'article L. 5121-12 du code de la santé publique.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la directive 89/105/CEE :

7. En premier lieu, l'article 1er de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie prévoit que : " 1. Les États membres veillent à ce que toute mesure nationale, qu'elle soit de nature législative, réglementaire ou administrative, en vue de contrôler les prix des médicaments à usage humain ou de restreindre la gamme des médicaments couverts par leurs systèmes nationaux d'assurance-maladie, soit conforme aux exigences de la présente directive. (...) ". En vertu de l'article 2 de cette directive : " (...) lorsque la commercialisation d'un médicament n'est autorisée qu'après que les autorités compétentes de l'État membre intéressé ont approuvé le prix du produit : (...) 2) Si les autorités compétentes décident de ne pas autoriser la commercialisation du médicament en question au prix proposé par le demandeur, la décision comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables (...) ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la décision attaquée comporte un exposé des motifs mentionnant les critères sur lesquels elle se fonde. Les critères pris en compte pour fixer le prix de référence de Qarziba que la décision indique sont au nombre de ceux, rappelés au point 4, qui sont prévus pour la fixation du prix de vente au public d'une spécialité lors de son inscription sur la liste des médicaments remboursables, la liste de rétrocession ou la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation, auxquels renvoie, comme il a été dit, le IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale pour la fixation du prix de référence. Ils s'appliquent sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, auquel le secret des affaires n'est, en vertu de l'article L. 151-7 du code de commerce, lorsque la divulgation de ce secret est requise par le droit de l'Union européenne, pas opposable dans l'exercice de son contrôle, qu'il lui revient d'opérer en apportant le cas échéant aux exigences de la contradiction les aménagements prévus en application de l'article L. 611-1 du code de justice administrative. Ces critères sont ainsi, en tout état de cause, objectifs et vérifiables au sens des dispositions de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la seule circonstance que le critère du " coût net " du traitement regardé comme comparable implique de prendre en considération les " remises " reversées à l'assurance maladie par un laboratoire tiers, sur lesquelles le I de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale impose au Comité économique des produits de santé de respecter le secret des affaires, n'est pas, à elle seule, et en tout état de cause, de nature à le priver de son caractère " objectif et vérifiable " au sens de cette directive. La requérante n'est ainsi en tout état de cause pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les articles 1er et 2 de cette directive faute de comporter un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables.

9. En deuxième lieu, l'article 5 de la directive 89/105/CEE prévoit qu'en cas d'adoption d'un système de contrôle des profits réalisés par les responsables de la mise sur le marché des médicaments, les Etats membres doivent publier et communiquer certaines informations à la Commission. Les remises décidées en application du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale ne constituent pas un tel système de contrôle des profits. La société requérante ne peut dès lors utilement soutenir que les informations figurant à l'article 5 de la directive 89/105/CEE auraient dû faire l'objet de la publication et de la communication à la Commission que les dispositions de cet article prévoient.

En ce qui concerne les moyens contestant le prix de référence fixé :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, pour fixer le prix de référence de la spécialité Qarziba, le Comité économique des produits de santé a notamment, d'une part, pris en considération le coût net d'un comparateur économique, la spécialité Bavencio et, d'autre part, opéré une décote de 10 % pour la fraction de population concernée par l'indication de neuroblastome récidivant ou réfractaire.

11. En premier lieu, pour fixer le prix de vente au public d'une spécialité, en l'absence de médicament à même visée thérapeutique commercialisé en France, le Comité économique des produits de santé pouvait légalement, conformément aux orientations qui lui ont été données par les ministres compétents sur le fondement de l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale, se référer à des comparateurs économiquement pertinents au regard des connaissances médicales avérées. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'utilisation de tels comparateurs serait exclue pour fixer le prix de référence prévu au IV de l'article L. 162-16-5-1 de ce code, qui est, comme il a été dit au point 4, fixé selon les mêmes critères que le prix de vente au public d'une spécialité.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les spécialités Bavencio et Qarziba sont des médicaments orphelins, anticorps monoclonaux, appartenant à la même classe thérapeutique, s'étant vu reconnaître par la commission de la transparence, pour au moins une indication, un service médical rendu important et une amélioration de service médical rendu mineure (de niveau IV), avec une population cible de taille proche et un impact budgétaire annuel similaire. Si la société requérante soutient que la prise en considération du coût net de ce seul comparateur économique ne constituait pas la méthode de comparaison des prix la plus adaptée à la spécialité Qarziba, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la méthodologie retenue et le choix de Bavencio comme comparateur économique résultent des propositions faites par la société requérante elle-même lors de son audition du 2 mai 2019, au cours de laquelle elle avait exprimé son désaccord quant à la méthode initialement envisagée, d'autre part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le prix de référence retenu ne permettrait pas de couvrir les coûts spécifiques, tenant notamment aux dépenses de recherche et développement, qu'elle doit nécessairement exposer pour la mise sur le marché de cette spécialité. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le prix de référence retenu serait pour ce motif entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

13. Enfin, il résulte des dispositions citées au point 4 que la fixation du prix de vente au public d'une spécialité tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu. Les médicaments qui n'apportent aucune amélioration du service médical rendu ne peuvent, en vertu du 2° du I de l'article R. 163-5 du code de la sécurité sociale, être inscrits sur la liste des médicaments remboursables que s'ils apportent une économie dans le coût du traitement médicamenteux. Le Comité économique des produits de santé pouvait ainsi légalement prendre en considération l'absence d'amélioration du service médical rendu (niveau V) apporté par Qarziba dans son indication de traitement du neuroblastome récidivant ou réfractaire pour fixer son prix de référence en application des dispositions de l'article L. 162-16-5-1 de ce code, dès lors que ces dispositions se réfèrent aux critères de fixation du prix des spécialités remboursables. Il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en appliquant, pour calculer le coût du traitement de référence par patient, une décote de 10 %, pour la fraction de population cible de 15 patients concernés par cette indication, sur un total de 55.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eusa Pharma n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Eusa Pharma (France) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiées Eusa Pharma (France), au Comité économique des produits de santé et au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 436534
Date de la décision : 19/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - PORTÉE DES RÈGLES DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE - DIRECTIVES - DIRECTIVE 89/105/CEE - DÉCISION DES AUTORITÉS COMPÉTENTES RELATIVES AU PRIX DES MÉDICAMENTS DEVANT COMPORTER UN EXPOSÉ DES MOTIFS FONDÉ SUR DES CRITÈRES OBJECTIFS ET VÉRIFIABLES - PORTÉE DE CETTE EXIGENCE - ESPÈCE.

15-02-04 Les critères pris en compte pour fixer le prix de référence d'une spécialité aux fins de détermination du montant de la remise due par le laboratoire qui a bénéficié de sa prise en charge par l'assurance maladie avant l'inscription au remboursement (art. L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale - CSS) sont au nombre de ceux, prévus aux articles L. 162-16-4 à L. 162-16-6 du CSS, pour la fixation du prix de vente au public d'une spécialité lors de son inscription sur la liste des médicaments remboursables, la liste de rétrocession ou la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation, auxquels renvoie le IV de l'article L. 162-16-5-1 du CSS pour la fixation du prix de référence. Ils s'appliquent sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, auquel le secret des affaires n'est, en vertu de l'article L. 151-7 du code de commerce, lorsque la divulgation de ce secret est requise par le droit de l'Union européenne, pas opposable dans l'exercice de son contrôle, qu'il lui revient d'opérer en apportant le cas échéant aux exigences de la contradiction les aménagements prévus en application de l'article L. 611-1 du code de justice administrative.... ,,Ces critères sont ainsi, en tout état de cause, objectifs et vérifiables au sens de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie.,,,La seule circonstance que le critère du coût net du traitement regardé comme comparable implique de prendre en considération les remises reversées à l'assurance maladie par un laboratoire tiers, sur lesquelles le I de l'article L. 162-18 du CSS impose au Comité économique des produits de santé de respecter le secret des affaires, n'est pas, à elle seule, et en tout état de cause, de nature à le priver de son caractère objectif et vérifiable au sens de cette directive.

SANTÉ PUBLIQUE - PHARMACIE - PRODUITS PHARMACEUTIQUES - CRITÈRES DE FIXATION DU PRIX DE RÉFÉRENCE D'UNE SPÉCIALITÉ AUX FINS DE DÉTERMINATION DU MONTANT DE LA REMISE DUE PAR LE LABORATOIRE QUI A BÉNÉFICIÉ DE SA PRISE EN CHARGE PAR L'ASSURANCE MALADIE AVANT L'INSCRIPTION AU REMBOURSEMENT (ART - L - 162-16-5-1 DU CSS) - CRITÈRES OBJECTIFS ET VÉRIFIABLES AU SENS DE LA DIRECTIVE 89/105/CEE.

61-04-01-023 Les critères pris en compte pour fixer le prix de référence d'une spécialité aux fins de détermination du montant de la remise due par le laboratoire qui a bénéficié de sa prise en charge par l'assurance maladie avant l'inscription au remboursement (art. L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale - CSS) sont au nombre de ceux, prévus aux articles L. 162-16-4 à L. 162-16-6 du CSS, pour la fixation du prix de vente au public d'une spécialité lors de son inscription sur la liste des médicaments remboursables, la liste de rétrocession ou la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation, auxquels renvoie le IV de l'article L. 162-16-5-1 du CSS pour la fixation du prix de référence. Ils s'appliquent sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, auquel le secret des affaires n'est, en vertu de l'article L. 151-7 du code de commerce, lorsque la divulgation de ce secret est requise par le droit de l'Union européenne, pas opposable dans l'exercice de son contrôle, qu'il lui revient d'opérer en apportant le cas échéant aux exigences de la contradiction les aménagements prévus en application de l'article L. 611-1 du code de justice administrative.... ,,Ces critères sont ainsi, en tout état de cause, objectifs et vérifiables au sens de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie.,,,La seule circonstance que le critère du coût net du traitement regardé comme comparable implique de prendre en considération les remises reversées à l'assurance maladie par un laboratoire tiers, sur lesquelles le I de l'article L. 162-18 du CSS impose au Comité économique des produits de santé de respecter le secret des affaires, n'est pas, à elle seule, et en tout état de cause, de nature à le priver de son caractère objectif et vérifiable au sens de cette directive.

SÉCURITÉ SOCIALE - PRESTATIONS - PRESTATIONS D'ASSURANCE MALADIE - CRITÈRES DE FIXATION DU PRIX DE RÉFÉRENCE D'UNE SPÉCIALITÉ AUX FINS DE DÉTERMINATION DU MONTANT DE LA REMISE DUE PAR LE LABORATOIRE QUI A BÉNÉFICIÉ DE SA PRISE EN CHARGE PAR L'ASSURANCE MALADIE AVANT L'INSCRIPTION AU REMBOURSEMENT (ART - L - 162-16-5-1 DU CSS) - CRITÈRES OBJECTIFS ET VÉRIFIABLES AU SENS DE LA DIRECTIVE 89/105/CEE.

62-04-01 Les critères pris en compte pour fixer le prix de référence d'une spécialité aux fins de détermination du montant de la remise due par le laboratoire qui a bénéficié de sa prise en charge par l'assurance maladie avant l'inscription au remboursement (art. L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale - CSS) sont au nombre de ceux, prévus aux articles L. 162-16-4 à L. 162-16-6 du CSS, pour la fixation du prix de vente au public d'une spécialité lors de son inscription sur la liste des médicaments remboursables, la liste de rétrocession ou la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation, auxquels renvoie le IV de l'article L. 162-16-5-1 du CSS pour la fixation du prix de référence. Ils s'appliquent sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, auquel le secret des affaires n'est, en vertu de l'article L. 151-7 du code de commerce, lorsque la divulgation de ce secret est requise par le droit de l'Union européenne, pas opposable dans l'exercice de son contrôle, qu'il lui revient d'opérer en apportant le cas échéant aux exigences de la contradiction les aménagements prévus en application de l'article L. 611-1 du code de justice administrative.... ,,Ces critères sont ainsi, en tout état de cause, objectifs et vérifiables au sens de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie.,,,La seule circonstance que le critère du coût net du traitement regardé comme comparable implique de prendre en considération les remises reversées à l'assurance maladie par un laboratoire tiers, sur lesquelles le I de l'article L. 162-18 du CSS impose au Comité économique des produits de santé de respecter le secret des affaires, n'est pas, à elle seule, et en tout état de cause, de nature à le priver de son caractère objectif et vérifiable au sens de cette directive.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2021, n° 436534
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436534.20210519
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