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15/12/2017 | FRANCE | N°408550

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 15 décembre 2017, 408550


Vu la procédure suivante :

Le syndicat mixte des aéroports de Charente (SMAC) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Service Limited (AMS) à lui verser une provision de 868 696 euros augmentée de intérêts et déduction faite de la somme de 510 137,71 euros déjà versée. Par une ordonnance n° 1601215 du 25 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné

solidairement ces sociétés à verser une provision de 512 431,66 euros.

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Vu la procédure suivante :

Le syndicat mixte des aéroports de Charente (SMAC) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Service Limited (AMS) à lui verser une provision de 868 696 euros augmentée de intérêts et déduction faite de la somme de 510 137,71 euros déjà versée. Par une ordonnance n° 1601215 du 25 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné solidairement ces sociétés à verser une provision de 512 431,66 euros.

Par une ordonnance n° 16BX03597 du 14 février 2017, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par les sociétés Ryanair Limited et AMS contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 mars, 14 mars et 15 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ryanair Designated Activity Company (Ryanair), venant aux droits de la société Ryanair Limited, et la société AMS demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte des aéroports de Charente la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Ryanair Designated Activity Company et de la société Airport Marketing Services Limited et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du syndicat mixte des aéroports de Charente.

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que par une décision du 23 juillet 2014, la Commission européenne, ayant estimé que le syndicat mixte des aéroports de Charente (SMAC) avait accordé à la société Ryanair Ltd et à la société Airport Marketing Services Ltd (AMS), dans le cadre de l'exécution de deux conventions ayant pour objet le développement d'une liaison aérienne régulière entre les aéroports de Londres-Stansted et d'Angoulême, des aides d'Etat incompatibles avec le marché intérieur, en a prescrit la récupération immédiate et effective ; qu'en exécution de cette décision, le SMAC a émis le 9 octobre 2014 un titre exécutoire d'un montant de 1 001 431,27 euros à l'encontre des deux sociétés ; que ces sociétés ont introduit un recours en annulation contre la décision de la Commission européenne devant le Tribunal de l'Union européenne et formé opposition au titre exécutoire devant le tribunal administratif de Poitiers ; que, par ailleurs, les deux sociétés ont résilié unilatéralement les conventions les liant au SMAC et ont porté le différend les opposant au syndicat devant le tribunal d'arbitrage international de Londres qui, par une sentence rendue le 18 juin 2012, a condamné le SMAC à leur verser une indemnité d'un montant de 425 887,24 euros ; que les sociétés ont estimé pouvoir acquitter le remboursement complet des aides, intérêts compris, en opérant, par compensation, un versement limité à la somme de 510 137,71 euros, imputant le montant de la créance qu'elles estimaient détenir sur le SMAC en vertu de la sentence arbitrale sur le montant total de l'aide à rembourser au syndicat ;

2. Considérant que, saisi par le SMAC sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné solidairement la société Ryanair Ltd et la société AMS à lui verser, à titre de provision, une somme de 512 431,66 euros correspondant à la récupération intégrale de l'aide, déduction faite de la somme déjà versée ; que la société Ryanair, venant aux droits de la société Ryanair Limited, et la société AMS se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 14 février 2017 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elles avaient formé contre cette ordonnance ;

3. Considérant que contrairement à ce que soutient le SMAC, le jugement du 2 février 2017 du tribunal administratif de Poitiers rejetant la demande de la société Ryanair tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 9 octobre 2014, qui a été frappé d'appel, n'est pas irrévocable ; qu'ainsi, le SMAC n'est pas fondé à soutenir que le pourvoi serait devenu sans objet pour ce motif ;

4. Considérant que les collectivités publiques peuvent, en matière contractuelle, soit constater elles-mêmes les créances qu'elle détiennent sur leurs cocontractants et émettre des titres exécutoires, soit saisir le juge administratif d'une demande tendant au recouvrement de ces créances ; que toutefois, elles ne peuvent pas saisir d'une telle demande le juge lorsqu'elles ont décidé, préalablement, à cette saisine, d'émettre des titres exécutoires en vue de recouvrer les sommes en litige ; que dans un tel cas, dans la mesure où la décision demandée au juge aurait les mêmes effets que le titre émis antérieurement, la demande présentée est dépourvue d'objet et par suite irrecevable ;

5. Considérant que le SMAC ayant émis le 9 octobre 2014 un titre exécutoire d'un montant de 1 001 431,27 euros à l'encontre de la société Ryanair Ltd et de la société AMS pour recouvrer les aides accordées à ces sociétés, il n'était pas recevable à demander ensuite au juge des référés de condamner ces sociétés à lui verser une provision pour la récupération intégrale de l'aide, déduction faite de la somme déjà versée ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de leur pourvoi, que les sociétés Ryanair et AMS sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

6. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la demande présentée par le SMAC sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative devant le juge des référés était irrecevable ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de sa requête, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 25 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a fait droit à cette demande ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Ryanair et AMS, qui ne sont pas la partie perdante, le versement des sommes que demande, à ce titre, le SMAC ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par les sociétés Ryanair et AMS ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 14 février 2017 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux et l'ordonnance du 25 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers sont annulées.

Article 2 : La demande présentée par le syndicat mixte des aéroports de Charente devant le tribunal administratif de Poitiers et les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ryanair Designated Activity Company, à la société Airport Marketing Services Limited et au syndicat mixte des aéroports de Charente.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408550
Date de la décision : 15/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RECEVABILITÉ - COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DEMANDANT UNE PROVISION AU TITRE D'UNE CRÉANCE QUI TROUVE SON ORIGINE DANS LE CONTRAT - RECEVABILITÉ - EXISTENCE [RJ1] - CONDITION - ABSENCE DE TITRE EXÉCUTOIRE ÉMIS PRÉALABLEMENT À LA SAISINE DU JUGE PAR LA COLLECTIVITÉ EN VUE DE RECOUVRER LES SOMMES EN LITIGE.

39-08-01 Les collectivités publiques peuvent, en matière contractuelle, soit constater elles-mêmes les créances qu'elles détiennent sur leurs cocontractants et émettre des titres exécutoires, soit saisir le juge administratif d'une demande tendant au recouvrement de ces créances. Toutefois, elles ne peuvent pas saisir d'une telle demande le juge lorsqu'elles ont décidé, préalablement à cette saisine, d'émettre des titres exécutoires en vue de recouvrer les sommes en litige. Dans un tel cas, dans la mesure où la décision demandée au juge aurait les mêmes effets que le titre émis antérieurement, la demande présentée est dépourvue d'objet et par suite irrecevable.

PROCÉDURE - PROCÉDURES DE RÉFÉRÉ AUTRES QUE CELLES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ-PROVISION - RECEVABILITÉ - COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DEMANDANT UNE PROVISION AU TITRE D'UNE CRÉANCE QUI TROUVE SON ORIGINE DANS LE CONTRAT - RECEVABILITÉ - EXISTENCE [RJ1] - CONDITION - ABSENCE DE TITRE EXÉCUTOIRE ÉMIS PRÉALABLEMENT À LA SAISINE DU JUGE PAR LA COLLECTIVITÉ EN VUE DE RECOUVRER LES SOMMES EN LITIGE.

54-03-015-02 Les collectivités publiques peuvent, en matière contractuelle, soit constater elles-mêmes les créances qu'elles détiennent sur leurs cocontractants et émettre des titres exécutoires, soit saisir le juge administratif d'une demande tendant au recouvrement de ces créances. Toutefois, elles ne peuvent pas saisir d'une telle demande le juge lorsqu'elles ont décidé, préalablement à cette saisine, d'émettre des titres exécutoires en vue de recouvrer les sommes en litige. Dans un tel cas, dans la mesure où la décision demandée au juge aurait les mêmes effets que le titre émis antérieurement, la demande présentée est dépourvue d'objet et par suite irrecevable.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 24 février 2016, Département de l'Eure, n °395194, p. 44.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2017, n° 408550
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:408550.20171215
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