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18/12/2017 | FRANCE | N°404997

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 18 décembre 2017, 404997


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 10 novembre 2016 et les 3 avril et 3 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 6 juin 2016 du conseil d'administration de l'université de Picardie Jules Verne déclarant sans suite le recrutement d'un professeur des universités en psychopathologie et psychologie clinique et, d'autre part, la décision du 19 septembre 2016 du président de

cette université rejetant sa demande tendant à ce que le conseil d'adminis...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 10 novembre 2016 et les 3 avril et 3 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 6 juin 2016 du conseil d'administration de l'université de Picardie Jules Verne déclarant sans suite le recrutement d'un professeur des universités en psychopathologie et psychologie clinique et, d'autre part, la décision du 19 septembre 2016 du président de cette université rejetant sa demande tendant à ce que le conseil d'administration délibère à nouveau sur le recrutement du candidat retenu par le comité de sélection ;

2°) d'enjoindre au président de l'université de Picardie Jules Verne de reprendre la procédure de recrutement ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Picardie Jules Verne la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2017, présentée par l'université de Picardie Jules Verne.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation : " (...) lorsqu'un emploi d'enseignant-chercheur est créé ou déclaré vacant, les candidatures des personnes dont la qualification est reconnue par l'instance nationale prévue à l'article L. 952-6 sont soumises à l'examen d'un comité de sélection (...). / Le comité est composé d'enseignants-chercheurs et de personnels assimilés, pour moitié au moins extérieurs à l'établissement, d'un rang au moins égal à celui postulé par l'intéressé. (...) Le comité siège valablement si au moins la moitié des membres présents sont extérieurs à l'établissement. / Au vu de son avis motivé, le conseil académique ou, pour les établissements qui n'en disposent pas, le conseil d'administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, transmet au ministre compétent le nom du candidat dont il propose la nomination ou une liste de candidats classés par ordre de préférence " ; qu'aux termes de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, dans sa rédaction applicable au litige : " Le comité de sélection examine les dossiers des maîtres de conférences ou professeurs postulant à la nomination dans l'emploi par mutation et des candidats à cette nomination par détachement et par recrutement au concours parmi les personnes inscrites sur la liste de qualification aux fonctions, selon le cas, de maître de conférences ou de professeur des universités. Au vu de rapports pour chaque candidat présentés par deux de ses membres, le comité établit la liste des candidats qu'il souhaite entendre. (...) / Le comité de sélection siège valablement si la moitié de ses membres sont présents à la séance, parmi lesquels une moitié au moins de membres extérieurs à l'établissement. / Les membres du comité de sélection peuvent participer aux réunions par tous moyens de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Les membres qui participent par ces moyens aux séances du comité sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité mentionnés à l'alinéa précédent. Toutefois, le comité ne peut siéger valablement si le nombre des membres physiquement présents est inférieur à quatre. / (...) Après avoir procédé aux auditions, le comité de sélection délibère sur les candidatures et, par un avis motivé unique portant sur l'ensemble des candidats, arrête la liste, classée par ordre de préférence, de ceux qu'il retient. Le comité de sélection se prononce à la majorité des voix des membres présents. En cas de partage des voix, le président du comité a voix prépondérante. / (...) L'avis du comité de sélection est transmis au conseil académique ou à l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1. / Au vu de l'avis motivé émis par le comité de sélection, le conseil académique ou l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, propose le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. Il ne peut proposer que les candidats retenus par le comité de sélection. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement. /Le conseil d'administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, prend connaissance du nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, de la liste des candidats proposée par le conseil académique ou l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1. / Sauf dans le cas où le conseil d'administration émet un avis défavorable motivé, le président ou directeur de l'établissement communique au ministre chargé de l'enseignement supérieur le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement " ; qu'il résulte de ces dispositions que chaque fois que le comité de sélection statue sur une candidature, tant au stade de l'établissement de la liste des candidats qu'il souhaite entendre, où il se prononce comme un jury d'examen, qu'au stade où, après audition des candidats retenus, il se prononce comme jury de concours, par un avis motivé unique sur l'ensemble des candidats, le respect des règles de quorum et de composition fixées au troisième alinéa de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984, dont les dispositions viennent d'être citées, s'apprécie au regard du nombre des membres du comité de sélection qui sont présents pour délibérer, que ce soit physiquement ou par l'entremise d'un moyen de télécommunication ; qu'à ce titre, les membres qui s'abstiennent de prendre part à la délibération pour un motif tenant, notamment, au respect du principe d'impartialité, ne doivent pas être regardés comme présents au sens de ces dispositions ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 23 mai 2016, le comité de sélection institué en vue du concours de recrutement d'un professeur sur le poste " 16PR0984 " a établi, après audition des candidats, une liste qui ne comportait que le nom de la requérante ; que le conseil académique et le conseil d'administration de l'université de Picardie Jules Verne ont, par des délibérations en date respectivement des 1er et 6 juin 2016, décidé de ne pas donner suite au concours, en raison de ce que le comité de sélection avait statué en méconnaissance des règles de quorum et de composition applicables, compte tenu de la présence de cinq de ses huit membres, dont deux seulement étaient extérieurs à l'établissement ; que Mme B...demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération du conseil d'administration ainsi que de la décision de refus opposée par le président de l'université à sa demande tendant à ce que le conseil d'administration délibère à nouveau sur la liste transmise par le comité de sélection ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité de sélection institué en vue de ce concours comprenait huit membres, dont quatre membres extérieurs à l'établissement et quatre internes à l'établissement ; qu'au cours de la réunion du 23 mai 2016 du comité de sélection, destinée à statuer sur l'établissement de la liste des candidats retenus après audition, quatre de ses membres - deux membres extérieurs à l'établissement et deux membres internes à l'établissement - étaient physiquement présents et ont délibéré ; que si un cinquième membre du comité de sélection, membre interne à l'établissement, était également présent, il s'est abstenu de participer aux délibérations, pour un motif tenant au respect du principe d'impartialité ; que, dans ces conditions, il doit être retenu, ainsi qu'il a été dit au point 1, que quatre membres du comité de sélection, soit la moitié des membres du comité, parmi lesquels une moitié au moins de membres extérieurs à l'établissement, ont participé à la délibération litigieuse, de sorte que les règles de quorum et de composition fixées par l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 ont été, en l'espèce, respectées ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que le conseil d'administration a entaché sa délibération d'erreur de droit en se fondant, pour mettre fin au concours, sur le motif tiré de ce que le comité de sélection avait délibéré en méconnaissance de ces règles ;

4. Considérant que si la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation demande qu'un autre motif soit substitué à ce motif illégal, il n'y a en tout état de cause pas lieu de procéder à une telle substitution, qui ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'auteur de la décision en litige ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la délibération du conseil d'administration de l'université de Picardie Jules Verne doit être annulée ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la décision du président de l'université de Picardie Jules Verne ;

5. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au président de l'université de Picardie Jules Verne de demander au conseil d'administration de délibérer à nouveau sur le recrutement en cause ;

6. Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Picardie Jules Verne le versement à Mme B...d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B...la somme demandée au même titre par l'université de Picardie Jules Verne ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La délibération du 6 juin 2016 du conseil d'administration de l'université de Picardie Jules Verne et la décision du 19 septembre 2016 du président de l'université de Picardie Jules Verne sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au président de l'université de Picardie Jules Verne de demander au conseil d'administration de délibérer à nouveau sur le recrutement en cause.

Article 3 : L'université de Picardie Jules Verne versera à Mme B...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'université de Picardie Jules Verne présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au président de l'université de Picardie Jules Verne et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 404997
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET GRANDES ÉCOLES - UNIVERSITÉS - GESTION DES UNIVERSITÉS - GESTION DU PERSONNEL - RECRUTEMENT - RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS (ART - L - 952-6-1 DU CODE DE L'ÉDUCATION) - DÉLIBÉRATION DU COMITÉ DE SÉLECTION SUR UNE CANDIDATURE - APPRÉCIATION DU RESPECT DES RÈGLES DE QUORUM ET DE COMPOSITION - DISTINCTION SELON QUE LE COMITÉ SE PRONONCE COMME JURY D'EXAMEN OU JURY DE CONCOURS - ABSENCE - MEMBRES PRÉSENTS POUR DÉLIBÉRER - NOTION - PRISE EN COMPTE DES MEMBRES PRÉSENTS S'ÉTANT ABSTENU DE DÉLIBÉRER - EXCLUSION.

30-02-05-01-06-01-02 Il résulte des articles L. 952-5-1 du code de l'éducation et 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 que, chaque fois que le comité de sélection statue sur une candidature, tant au stade de l'établissement de la liste des candidats qu'il souhaite entendre, où il se prononce comme un jury d'examen, qu'au stade où, après audition des candidats retenus, il se prononce comme jury de concours, par un avis motivé unique sur l'ensemble des candidats, le respect des règles de quorum et de composition fixées au troisième alinéa de l'article 9-2 du décret n° 84-431 s'apprécie au regard du nombre des membres du comité de sélection qui sont présents pour délibérer, que ce soit physiquement ou par l'entremise d'un moyen de télécommunication. A ce titre, les membres qui s'abstiennent de prendre part à la délibération pour un motif tenant, notamment, au respect du principe d'impartialité, ne doivent pas être regardés comme présents au sens de ces dispositions.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTRÉE EN SERVICE - CONCOURS ET EXAMENS PROFESSIONNELS - COMITÉ DE SÉLECTION SE PRONONÇANT SUR LE RECRUTEMENT D'UN ENSEIGNANT-CHERCHEUR (ART - L - 952-6-1 DU CODE DE L'ÉDUCATION) - APPRÉCIATION DU RESPECT DES RÈGLES DE QUORUM ET DE COMPOSITION - DISTINCTION SELON QUE LE COMITÉ SE PRONONCE COMME JURY D'EXAMEN OU JURY DE CONCOURS - ABSENCE - MEMBRES PRÉSENTS POUR DÉLIBÉRER - NOTION - PRISE EN COMPTE DES MEMBRES PRÉSENTS S'ÉTANT ABSTENU DE DÉLIBÉRER - EXCLUSION.

36-03-02 Il résulte des articles L. 952-5-1 du code de l'éducation et 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 que, chaque fois que le comité de sélection statue sur une candidature, tant au stade de l'établissement de la liste des candidats qu'il souhaite entendre, où il se prononce comme un jury d'examen, qu'au stade où, après audition des candidats retenus, il se prononce comme jury de concours, par un avis motivé unique sur l'ensemble des candidats, le respect des règles de quorum et de composition fixées au troisième alinéa de l'article 9-2 du décret n° 84-431 s'apprécie au regard du nombre des membres du comité de sélection qui sont présents pour délibérer, que ce soit physiquement ou par l'entremise d'un moyen de télécommunication. A ce titre, les membres qui s'abstiennent de prendre part à la délibération pour un motif tenant, notamment, au respect du principe d'impartialité, ne doivent pas être regardés comme présents au sens de ces dispositions.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2017, n° 404997
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Tiphaine Pinault
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:404997.20171218
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