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21/06/2017 | FRANCE | N°398830

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 21 juin 2017, 398830


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril 2016, 16 juin 2016 et 17 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...C...épouse A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 février 2016 par laquelle le Premier président de la cour d'appel de Grenoble lui a délivré un avertissement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mars 2016 par laquelle le Premier président de la cour d'appel de Gre

noble a rejeté son recours gracieux contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril 2016, 16 juin 2016 et 17 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...C...épouse A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 février 2016 par laquelle le Premier président de la cour d'appel de Grenoble lui a délivré un avertissement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mars 2016 par laquelle le Premier président de la cour d'appel de Grenoble a rejeté son recours gracieux contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire. / Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive (...) " ; qu'aux termes de l'article 44 de la même ordonnance dans sa rédaction applicable au litige : " En dehors de toute action disciplinaire, l'inspecteur général des services judiciaires, les premiers présidents, les procureurs généraux et les directeurs ou chefs de service à l'administration centrale ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité. / L'avertissement est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenu pendant cette période " ; que son article 45 définit les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats ;

2. Considérant qu'un avertissement, s'il ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens de l'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, est une mesure prise en considération de la personne et est mentionné au dossier du magistrat dont il ne peut être effacé automatiquement que si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenue pendant les trois années suivantes ; que l'avertissement doit, dès lors, respecter les droits de la défense, qui imposent aux autorités mentionnées à l'article 44 de la même ordonnance d'aviser, dans un délai raisonnable, l'agent concerné de la mesure qu'elle s'apprête à prendre et de lui communiquer, s'il le demande, son dossier ; que les autorités compétentes ne peuvent légalement prononcer à l'encontre d'un magistrat un avertissement à raison des faits qui ont déjà fait l'objet d'une procédure menée sur le fondement de l'article 44 de l'ordonnance et ayant abouti à la décision de ne pas prononcer une telle mesure ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par une note du 1er avril 2015, le Premier président de la cour d'appel de Grenoble alors en fonction a demandé au président du tribunal de grande instance de réaliser une inspection concernant Mme B...C..., vice-présidente en charge des fonctions de l'instance au tribunal de grande instance de Grenoble avant d'inviter la magistrate, par courrier du 27 mai 2015, à lui communiquer ses observations sur le rapport d'inspection rendu le 19 mai 2015, qui faisait état de divers manquements à ses obligations ; que Mme C...a été convoquée par le Premier président à un entretien qui s'est tenu en juin 2015 ; qu'après cet entretien, aucun avertissement n'a été infligé à Mme C...; que, par courrier du 15 janvier 2016 faisant état des manquements relevés par le rapport d'inspection rendu le 19 mai 2015, le nouveau Premier président de la cour d'appel de Grenoble a convoqué la magistrate à un entretien, qui a eu lieu le 3 février 2016 ; que par une décision du 10 février 2016, il a prononcé un avertissement à son encontre en application des dispositions de l'article 44 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature citées au point 1 ; que par une décision du 21 mars 2016, il a rejeté le recours gracieux formé par la magistrate ;

4. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 3 que la procédure menée par le Premier président de la cour d'appel de Grenoble, en mai et en juin 2015, n'a pas conduit au prononcé d'un avertissement ; que la décision attaquée relève d'une part, qu'il n'est " pas contestable que le Premier président de l'époque a du faire des remontrances verbales à cette collègue ", d'autre part " qu'aucune suite disciplinaire ou administrative n'a été donnée aux faits dénoncés et à l'enquête conduite " et que " la présente procédure n'a pas été versée au dossier administratif " de l'intéressée ; qu'il suit de là que l'absence d'avertissement à l'issue de la première procédure doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme révélant une décision du Premier président de la cour d'appel alors en fonction de ne pas prononcer un avertissement à l'encontre de la magistrate ; que, par suite, le nouveau Premier président ne pouvait légalement, à raison des mêmes faits, y compris à l'issue d'une nouvelle procédure, revenir sur cette décision pour prononcer un avertissement ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à demander l'annulation de la décision d'avertissement attaquée et, en conséquence, de la décision rejetant son recours gracieux ;

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision d'avertissement du Premier président de la cour d'appel de Grenoble du 10 février 2016 et la décision du 21 mars 2016 rejetant le recours gracieux sont annulées.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...C...épouse A...et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 398830
Date de la décision : 21/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES INTÉRESSANT L'ACTION ADMINISTRATIVE - RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE - CHAMP D'APPLICATION - AVERTISSEMENT PRONONCÉ À L'ENCONTRE D'UN MAGISTRAT (ART - 44 DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 1958) - INCLUSION [RJ1] - PORTÉE.

01-04-03-07-03 Un avertissement, s'il ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens de l'article 45 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, est une mesure prise en considération de la personne et est mentionné au dossier du magistrat dont il ne peut être effacé automatiquement que si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenue pendant les trois années suivantes. L'avertissement doit, dès lors, respecter les droits de la défense, qui imposent aux autorités mentionnées à l'article 44 de la même ordonnance d'aviser, dans un délai raisonnable, l'agent concerné de la mesure qu'elle s'apprête à prendre et de lui communiquer, s'il le demande, son dossier.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE - DISCIPLINE - AVERTISSEMENT (ART - 44 DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 1958) - 1) MESURE PRISE EN CONSIDÉRATION DE LA PERSONNE - EXISTENCE [RJ1] - CONSÉQUENCE - OBLIGATION DE RESPECTER LES DROITS DE LA DÉFENSE - PORTÉE - 2) CAS OÙ LES AUTORITÉS COMPÉTENTES ONT ENGAGÉ UNE PROCÉDURE D'AVERTISSEMENT AYANT ABOUTI À LA DÉCISION DE NE PAS EN PRONONCER - FACULTÉ DE PRONONCER UN AVERTISSEMENT À RAISON DES MÊMES FAITS - ABSENCE.

37-04-02-02 1) Un avertissement, s'il ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens de l'article 45 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, est une mesure prise en considération de la personne et est mentionné au dossier du magistrat dont il ne peut être effacé automatiquement que si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenue pendant les trois années suivantes. L'avertissement doit, dès lors, respecter les droits de la défense, qui imposent aux autorités mentionnées à l'article 44 de la même ordonnance d'aviser, dans un délai raisonnable, l'agent concerné de la mesure qu'elle s'apprête à prendre et de lui communiquer, s'il le demande, son dossier.,,,2) Les autorités compétentes ne peuvent légalement prononcer à l'encontre d'un magistrat un avertissement à raison des faits qui ont déjà fait l'objet d'une procédure menée sur le fondement de l'article 44 de l'ordonnance et ayant abouti à la décision de ne pas prononcer une telle mesure.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 24 juillet 1987,,, n° 53676, p. 270 ;

CE, 28 avril 2017, Mme,, n° 390598, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2017, n° 398830
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mireille Le Corre
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:398830.20170621
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