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31/03/2017 | FRANCE | N°395646

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 31 mars 2017, 395646


Vu la procédure suivante :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg :

- d'annuler la décision du 4 avril 2013 de la commission administrative des fraudes de la caisse d'allocations familiales de la Moselle, la décision du 12 avril 2013 par laquelle la caisse d'allocations familiales de la Moselle lui a réclamé le remboursement d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 18 631,18 euros pour la période du 1er juin 2009 au 31 janvier 2013, ainsi que la décision implicite par laquelle le président du conseil général de la Moselle a rejet

é son recours administratif ;

- d'enjoindre à la caisse d'allocations ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg :

- d'annuler la décision du 4 avril 2013 de la commission administrative des fraudes de la caisse d'allocations familiales de la Moselle, la décision du 12 avril 2013 par laquelle la caisse d'allocations familiales de la Moselle lui a réclamé le remboursement d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 18 631,18 euros pour la période du 1er juin 2009 au 31 janvier 2013, ainsi que la décision implicite par laquelle le président du conseil général de la Moselle a rejeté son recours administratif ;

- d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales de la Moselle et au département de la Moselle de lui verser le revenu de solidarité active à compter du 1er février 2013 ;

- à titre subsidiaire, de constater la prescription et de limiter la récupération aux sommes versées au titre du revenu de solidarité active à compter du 12 avril 2011.

Par un jugement n° 1304888 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite par laquelle le président du conseil général de la Moselle a rejeté le recours administratif de M.B..., l'a déchargé partiellement des sommes dont le remboursement lui était demandé, l'a renvoyé devant le président du conseil départemental de la Moselle pour le calcul et le versement de la somme due au titre du revenu de solidarité active à compter du 1er février 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 décembre 2015, 29 mars 2016 et 7 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Moselle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de la Moselle et à la SCP Lévis, avocat de M. C...B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A...B..., bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active, a fait l'objet d'un contrôle de la caisse d'allocations familiales de la Moselle en novembre 2012, à la suite duquel cette caisse a décidé, le 12 avril 2013, de récupérer la somme de 18 021,38 euros qui lui avait été versée au titre de la période du 1er juin 2009 au 31 janvier 2013 et de mettre fin à son droit au revenu de solidarité active. Le département de la Moselle doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 1er à 3 du jugement du 29 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du président de son conseil général rejetant le recours administratif formé par M. B...contre cette décision, l'a partiellement déchargé des sommes réclamées et l'a renvoyé devant le président du conseil départemental pour le calcul et le versement de la somme qui lui était due à compter du 1er février 2013.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. (...) ". L'article L. 262-13 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Le revenu de solidarité active est attribué par le président du conseil général du département dans lequel le demandeur réside ou a, dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du présent livre, élu domicile ". L'article R. 262-35 du même code précise que : " Le revenu de solidarité active cesse d'être dû à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d'ouverture du droit cessent d'être réunies (...) ". En vertu du 1° de l'article R. 262-40 de ce code, le président du conseil général met fin au droit au revenu de solidarité active à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d'ouverture du droit cessent d'être réunies. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-46 du même code : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active " et aux termes du dernier alinéa du même article : " La créance détenue par un département à l'encontre d'un bénéficiaire du revenu de solidarité active dont le lieu de résidence est transféré dans un autre département ou qui élit domicile dans un autre département est transférée en principal, frais et accessoires au département d'accueil ".

3. D'autre part, l'article L. 262-37 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Sauf décision prise au regard de la situation particulière du bénéficiaire, le versement du revenu de solidarité active est suspendu, en tout ou partie, par le président du conseil général : / (...) 4° (...) lorsque le bénéficiaire refuse de se soumettre aux contrôles prévus par le présent chapitre (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-38 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Le président du conseil général procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active au terme d'une durée de suspension de son versement définie par voie réglementaire ". L'article R. 262-37 du même code dispose que : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ". Aux termes de l'article R. 262-40 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le président du conseil général met fin au droit au revenu de solidarité active et procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active, selon les cas :/ (...) 3° Au terme de la durée de suspension du versement décidée en vertu du 2° de l'article R. 262-68 lorsque la radiation est prononcée en application de l'article L. 262-38 (...) ". En outre, il résulte de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, applicable en vertu de l'article R. 262-83 du code de l'action sociale et des familles, que la non-présentation à l'organisme chargé du service de la prestation des pièces justificatives nécessaires au contrôle des conditions d'ouverture de droit entraîne la suspension " du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ".

4. Il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation, outre l'ensemble des ressources dont il dispose ainsi que sa situation familiale et tout changement en la matière, toutes informations relatives au lieu de sa résidence, sauf à avoir procédé, en l'absence de domicile stable, à une élection de domicile dans les conditions prévues par les articles L. 264-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles. Cette obligation a notamment pour objet de permettre la détermination du département chargé de statuer sur les droits du demandeur, la mise en oeuvre d'un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins, ainsi que l'exercice des contrôles relatifs à cette allocation par l'organisme chargé de son versement, pouvant porter notamment sur la composition de son foyer. L'organisme chargé du service de la prestation qui constate, en raison d'une déclaration inexacte du bénéficiaire sur sa résidence, son empêchement à procéder aux contrôles prévus par le chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles, peut suspendre le versement du revenu de solidarité active en vertu du 4° de l'article L. 262-37 du même code, en mettant en oeuvre la procédure prévue par cet article, ou en vertu de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale. Si l'autorité administrative est, en outre, en mesure d'établir que le bénéficiaire ne peut prétendre au bénéfice de l'allocation de revenu de solidarité active ou qu'il n'est pas possible, faute de connaître le montant exact des ressources des personnes composant le foyer, de déterminer s'il pouvait ou non bénéficier de l'allocation pour la période en cause, elle est en droit de mettre fin à cette prestation et, sous réserve des délais de prescription, de décider de récupérer les sommes qui ont ainsi été indûment versées à l'intéressé.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la décision de mettre fin au bénéfice de l'allocation de revenu de solidarité active et de récupérer l'indu résultant du versement de cette allocation du 1er juin 2009 au 31 janvier 2013, prise à l'encontre de M.B..., était motivée par la double circonstance qu'il n'avait été possible de déterminer ni le lieu de sa résidence, ni ses moyens d'existence.

6. Pour annuler la décision mettant fin au droit de M. B...à l'allocation de revenu de solidarité active et le décharger partiellement des sommes dont la récupération avait été décidée, le vice-président du tribunal administratif de Strasbourg a estimé que les éléments résultant de l'instruction ne permettaient pas d'établir, d'une part, que l'intéressé avait procédé à des déclarations inexactes ou incomplètes de ses ressources sur l'ensemble de la période litigieuse et, d'autre part, " qu'il ne résiderait pas en France au sens de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ". En se bornant à relever qu'il n'était pas établi que l'intéressé résiderait à l'étranger, sans rechercher dans quelle mesure l'autorité administrative avait pu se fonder sur les déclarations inexactes de l'intéressé quant au lieu de sa résidence sur le territoire français pour prendre la décision en litige, ainsi qu'il a été dit au point 4, le vice-président du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le département de la Moselle, que les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 octobre 2015 doivent être annulés.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Moselle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 octobre 2015 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département de la Moselle est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. B...présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au département de la Moselle et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395646
Date de la décision : 31/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04-02-06 AIDE SOCIALE. DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE. REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI). - RSA - OBLIGATION DU BÉNÉFICIAIRE DE FAIRE CONNAÎTRE TOUTES INFORMATIONS RELATIVES À SA RÉSIDENCE - 1) DÉCLARATION INEXACTE DU BÉNÉFICIAIRE SUR SA RÉSIDENCE EMPÊCHANT L'ORGANISME CHARGÉ DU VERSEMENT DE PROCÉDER AUX CONTRÔLES - POSSIBILITÉ POUR L'ORGANISME DE SUSPENDRE LE VERSEMENT DU RSA - EXISTENCE - 2) CAS OÙ L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE PEUT EN OUTRE ÉTABLIR QUE LE BÉNÉFICIAIRE NE PEUT BÉNÉFICIER DE L'ALLOCATION OU QU'IL EST IMPOSSIBLE DE DÉTERMINER S'IL LE PEUT - POSSIBILITÉ DE METTRE FIN À LA PRESTATION ET DE RÉCUPÉRER L'INDU - EXISTENCE [RJ1].

04-02-06 1) L'organisme chargé du service de la prestation qui constate, en raison d'une déclaration inexacte du bénéficiaire sur sa résidence, son empêchement à procéder aux contrôles prévus par le chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles, peut suspendre le versement du revenu de solidarité active (RSA) en vertu du 4° de l'article L. 262-37 du même code, en mettant en oeuvre la procédure prévue par cet article, ou en vertu de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale.... ,,2) Si l'autorité administrative est, en outre, en mesure d'établir que le bénéficiaire ne peut prétendre au bénéfice de l'allocation de RSA ou qu'il n'est pas possible, faute de connaître le montant exact des ressources des personnes composant le foyer, de déterminer s'il pouvait ou non bénéficier de l'allocation pour la période en cause, elle est en droit de mettre fin à cette prestation et, sous réserve des délais de prescription, de décider de récupérer les sommes qui ont ainsi été indûment versées à l'intéressé.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 14 mars 2003, M.,, n° 246873, p. 123.


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2017, n° 395646
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP LEVIS ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395646.20170331
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