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02/12/2015 | FRANCE | N°376532

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 02 décembre 2015, 376532


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mars et 20 juin 2014 et le 24 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 septembre 2013 du Conseil supérieur de la magistrature en tant qu'il a donné un avis non conforme à sa nomination en qualité de juge de proximité et la décision du 16 janvier 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision ;

2°) de mettre à la charge

de l'État une somme de 3 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mars et 20 juin 2014 et le 24 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 septembre 2013 du Conseil supérieur de la magistrature en tant qu'il a donné un avis non conforme à sa nomination en qualité de juge de proximité et la décision du 16 janvier 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Blondel, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 41-19 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Les juges de proximité sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable, dans les formes prévues pour les magistrats du siège.(...) " ; qu'aux termes de l'article 28 de la même ordonnance : " Les décrets (...) portant (...) nomination aux fonctions de magistrat (...) sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui concerne les magistrats du siège (...) " ;

2. Considérant que, si M. B...A...demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 25 septembre 2013 du Conseil supérieur de la magistrature en ce qu'elle émet un avis non conforme à sa nomination à des fonctions de juge de proximité et de la décision du 16 janvier 2014 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature a rejeté son recours gracieux dirigé contre cet avis, sa requête de M. A...doit être regardée comme dirigée contre la décision contenue dans la lettre du 3 octobre 2013 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait connaître qu'il refusait de proposer sa nomination en qualité de juge de proximité, à la suite de cet avis défavorable ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est président honoraire de tribunal de grande instance ; que durant ses trente ans de carrière dans la magistrature judiciaire, il a notamment été président de quatre tribunaux de grande instance dont, en dernier lieu, le tribunal de grande instance de Nîmes entre 2003 et 2011 ; que, dans l'exercice de ces dernières fonctions, M. A...a été confronté en 2008 aux difficultés de fonctionnement de cette juridiction, antérieures à sa nomination, et à la contestation de certains magistrats ; qu'il a proposé une motion de soutien à la signature des magistrats et des membres du greffe du tribunal ; que, dans sa décision du 1er décembre 2010, la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature a estimé que " cette démarche singulière et inopportune relève d'une évidente maladresse ; qu'elle doit, toutefois, être replacée dans le contexte de l'époque, à un moment où M. A...se sentait injustement mis en cause et fortement déstabilisé par la contestation de certains magistrats relayée par voie de presse " ; qu'elle a jugé que " dans ces circonstances, ce comportement de M. A...ne relève pas d'une qualification disciplinaire " ; qu'il ressort des termes de la lettre adressée le 23 janvier 2014 à M. A... par le président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège que l'avis défavorable à sa nomination en tant que juge de proximité est fondé sur les mêmes faits " témoignant d'une conduite qui n'est pas celle attendue en tout d'un digne magistrat " ;

4. Considérant que le comportement reproché à M. A...se situe cinq ans auparavant, dans l'exercice de ses fonctions de chef de juridiction ; que l'avis défavorable à la nomination sollicitée n'est fondé sur aucun autre fait susceptible de le rendre inapte aux fonctions de juge de proximité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aptitude de l'intéressé à exercer des missions juridictionnelles aurait été contestée ; qu'en particulier, le premier président de la cour d'appel de Reims et le procureur général près cette cour ont émis un avis favorable à la nomination de M. A...dans la juridiction de proximité de Charleville-Mézières ; que, dans ces conditions, la prise en compte des seuls faits intervenus en 2008 dans le contexte particulier relevé par la décision du 1er décembre 2010 de la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, pour en déduire que l'intéressé n'était pas apte à exercer les fonctions de juge de proximité, a entaché d'illégalité le refus de le nommer à ces fonctions ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de la justice refusant de proposer au Président de la République sa nomination en qualité de juge de proximité ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du ministre de la justice refusant de proposer la nomination de M. A... en qualité de juge de proximité est annulée.

Article 2 : L'État versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 376532
Date de la décision : 02/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2015, n° 376532
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : BLONDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:376532.20151202
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