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21/06/2010 | FRANCE | N°C3751

France | France, Tribunal des conflits, 21 juin 2010, C3751


Vu, enregistrée à son secrétariat le 24 juillet 2009, l'expédition du jugement du 21 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Dijon, saisi d'une demande de M. B tendant à la condamnation de la commune de Nevers, d'une part à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'aménagement d'une portion de chemin sur des parcelles dont il est propriétaire dans cette commune, d'autre part à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'enfouissement de canalisations et de l'implantation de regards sur d'autres parcelles dont il est propriétaire dans cet

te même commune ou, à défaut, à ce qu'il soit ordonné que la ...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 24 juillet 2009, l'expédition du jugement du 21 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Dijon, saisi d'une demande de M. B tendant à la condamnation de la commune de Nevers, d'une part à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'aménagement d'une portion de chemin sur des parcelles dont il est propriétaire dans cette commune, d'autre part à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'enfouissement de canalisations et de l'implantation de regards sur d'autres parcelles dont il est propriétaire dans cette même commune ou, à défaut, à ce qu'il soit ordonné que la commune de Nevers retire ces regards, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 27 septembre 2007 par lequel le tribunal de grande instance de Nevers s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu les pièces dont il résulte que la saisine du Tribunal a été communiquée aux parties, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Arrighi de Casanova, membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Jean-Dominique Sarcelet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commune de Nevers a fait réaliser en 1997, sur un terrain appartenant désormais à M. B, des travaux consistant, à l'occasion de l'aménagement du boulevard de la Pisserotte, à enfouir des canalisations d'assainissement sous le sol des parcelles CX 214 et 217 et à installer des regards sur ces parcelles ; qu'en 2001, elle a fait passer une portion de chemin, dit chemin du Barreau, sur les parcelles CW 19 et 25 appartenant au même propriétaire ; qu'il est constant que dans chacun des deux cas la commune, qui n'a pas allégué avoir commis une simple erreur matérielle, a dépossédé le propriétaire d'une partie de son bien sans avoir obtenu son accord et sans détenir aucun titre pour ce faire ; que, si ces parcelles sont proches des limites du terrain en cause et si, en raison de leur caractère inconstructible, elles sont de faible valeur, cette circonstance est sans incidence sur le caractère de voie de fait des travaux ainsi réalisés sans droit ni titre sur des parcelles qui n'appartenaient pas à la commune ; que par suite, les conséquences dommageables de ces agissements ne peuvent être appréciées que par les juridictions de l'ordre judiciaire, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que M. B n'est devenu propriétaire de ces parcelles qu'en 2002 ; qu'il en va de même de ses conclusions tendant au déplacement des ouvrages en cause, dès lors que, si la commune fait état de propositions de règlement amiable, il ne ressort pas du dossier qu'un acte lui permettant de devenir propriétaire des parcelles en cause serait intervenu, ni qu'une procédure administrative de régularisation aurait été engagée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le litige opposant M. B à la commune de Nevers relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. B à la commune de Nevers.

Article 2 : Le jugement du 27 septembre 2007 du tribunal de grande instance de Nevers est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Dijon est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 21 juillet 2009.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3751
Date de la décision : 21/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - PROPRIÉTÉ - EMPRISE IRRÉGULIÈRE - ABSENCE - VOIE DE FAIT - EXISTENCE - TRAVAUX D'ENFOUISSEMENT DE CANALISATIONS SOUS LES PARCELLES D'UN PARTICULIER ET DE RÉALISATION D'UNE PORTION DE CHEMIN SUR LES PARCELLES DU MÊME PROPRIÉTAIRE - SANS SON ACCORD ET SANS TITRE - ET SANS QUE L'OPÉRATION PROCÈDE D'UNE ERREUR MATÉRIELLE [RJ1] - SITUATION DES PARCELLES LITIGIEUSES EN LIMITE DE PROPRIÉTÉ ET FAIBLE VALEUR DES PARCELLES - CIRCONSTANCES SANS INCIDENCE [RJ2].

17-03-02-08-02-01 Une commune a effectué des travaux d'enfouissement de canalisations sous les parcelles appartenant à un particulier et a réalisé une portion de chemin sur d'autres parcelles du même propriétaire. En l'absence d'accord de ce dernier et de titre permettant à l'administration de déposséder le propriétaire d'une partie de son bien, et dès lors que les travaux ne procèdent pas d'une erreur matérielle, notamment dans la délimitation des terrains, les agissements de la commune sont constitutifs d'une voie de fait, et non d'une emprise irrégulière. La circonstance que les parcelles en cause seraient situées en limite de propriété et que leur valeur serait faible en raison de leur caractère inconstructible est sans incidence sur la qualification de voie de fait.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - PROPRIÉTÉ - VOIE DE FAIT - 1) EXISTENCE - TRAVAUX D'ENFOUISSEMENT DE CANALISATIONS SOUS LES PARCELLES D'UN PARTICULIER ET DE RÉALISATION D'UNE PORTION DE CHEMIN SUR LES PARCELLES DU MÊME PROPRIÉTAIRE - SANS SON ACCORD ET SANS TITRE - ET SANS QUE L'OPÉRATION PROCÈDE D'UNE ERREUR MATÉRIELLE [RJ1] - SITUATION DES PARCELLES LITIGIEUSES EN LIMITE DE PROPRIÉTÉ ET FAIBLE VALEUR DES PARCELLES - CIRCONSTANCES SANS INCIDENCE [RJ2] - 2) CONCLUSIONS INDEMNITAIRES - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - CHANGEMENT DE PROPRIÉTAIRE APRÈS LA RÉALISATION DES TRAVAUX - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - 3) CONCLUSIONS AUX FINS DE DÉPLACEMENT DES OUVRAGES PUBLICS - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - S'AGISSANT D'UNE VOIE DE FAIT ET EN L'ABSENCE D'ENGAGEMENT D'UNE PROCÉDURE ADMINISTRATIVE DE RÉGULARISATION [RJ3] - ESPÈCE.

17-03-02-08-02-02 Une commune a effectué des travaux d'enfouissement de canalisations sous les parcelles appartenant à un particulier et a réalisé une portion de chemin sur d'autres parcelles du même propriétaire. 1) En l'absence d'accord de ce dernier et de titre permettant à l'administration de déposséder le propriétaire d'une partie de son bien, et dès lors que les travaux ne procèdent pas d'une erreur matérielle, notamment dans la délimitation des terrains, les agissements de la commune sont constitutifs d'une voie de fait, et non d'une emprise irrégulière. La circonstance que les parcelles en cause seraient situées en limite de propriété et que leur valeur serait faible en raison de leur caractère inconstructible est sans incidence sur la qualification de voie de fait. 2) Le juge judiciaire est compétent pour connaître des conclusions indemnitaires présentées par l'intéressé, même si ce dernier n'était pas encore propriétaire des parcelles à la date des travaux litigieux. 3) S'agissant non d'une emprise irrégulière, mais d'une voie de fait, le juge judiciaire est compétent pour connaître de conclusions aux fins de déplacement des ouvrages publics lorsqu'aucune procédure administrative de régularisation n'a été engagée. En l'espèce, si la commune a adressé au propriétaire plusieurs propositions de règlement amiable que ce dernier a déclinées, elle n'a engagé aucune procédure administrative de régularisation ni pris aucun acte lui permettant d'acquérir ces parcelles. Par suite, compétence du juge judiciaire sur ce second chef de conclusions également.

TRAVAUX PUBLICS - NOTION DE TRAVAIL PUBLIC ET D'OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PUBLIC - 1) CONCLUSIONS TENDANT AU DÉPLACEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONCLUSIONS RELEVANT PAR NATURE DE LA COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF - EXISTENCE - EXCEPTION - OUVRAGES DONT LA RÉALISATION PROCÈDE D'UNE VOIE DE FAIT ET EN L'ABSENCE D'ENGAGEMENT DE TOUTE PROCÉDURE ADMINISTRATIVE DE RÉGULARISATION [RJ3] - 2) ESPÈCE.

67-01-02 1) Si, en principe, le juge administratif est seul compétent pour connaître de conclusions tendant au déplacement d'ouvrages publics, il en va différemment lorsque la réalisation de ces ouvrages procède d'agissements de l'administration qui sont constitutifs d'une voie de fait et que l'administration n'a engagé aucune procédure administrative de régularisation. 2) En l'espèce, une commune a effectué des travaux d'enfouissement de canalisations sous les parcelles d'un particulier et de réalisation d'une portion de chemin sur les parcelles du même propriétaire. En l'absence d'accord de ce dernier et de titre permettant à l'administration de déposséder le propriétaire d'une partie de son bien, et dès lors que les travaux ne procèdent pas d'une erreur matérielle, notamment dans la délimitation des terrains, les agissements de la commune sont constitutives d'une voie de fait, et non d'une emprise irrégulière. En outre, si la commune a adressé au propriétaire plusieurs propositions de règlement amiable que ce dernier a déclinées, elle n'a engagé aucune procédure administrative de régularisation ni pris aucun acte lui permettant d'acquérir ces parcelles. Par suite, compétence du juge judiciaire pour connaître de ces conclusions.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr., dans le cas d'une erreur matérielle dans la délimitation des terrains conduisant à la qualification d'emprise irrégulière et non de voie de fait, 17 décembre 2007, M. et Mme Delhaye c/ Ville d'Etaples et Société des Eaux du Touquet, n° 3586, T. p. 761.,,

[RJ2]

Ab. jur, en tant qu'elle subordonne la qualification de voie de fait à la gravité de l'atteinte au droit de propriété, 23 octobre 2000, Boussadar c/ Ministre des affaires étrangères, n° 3227, p. 775.,,

[RJ3]

Cf. 5 juin 2002, M. et Mme Binet c/ Electricité de France, n° 3287, p. 544.


Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur public ?: M. Sarcelet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2010:C3751
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