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30/12/2014 | FRANCE | N°371225

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 30 décembre 2014, 371225


Vu le pourvoi, enregistré le 13 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre délégué, chargé du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100418 du 24 juin 2013 du tribunal administratif de Rennes en tant que, par celui-ci, le tribunal a, d'une part, annulé la décision du directeur départemental des finances publiques des Côtes d'Armor refusant de communiquer à la société SNC Miramar Crouesty la copie de l'intégralité des fiches de calcul de la valeur locative du centre de thalassothérapie de Perros-Guirec

, et a, d'autre part, enjoint au même directeur de communiquer ces fiche...

Vu le pourvoi, enregistré le 13 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre délégué, chargé du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100418 du 24 juin 2013 du tribunal administratif de Rennes en tant que, par celui-ci, le tribunal a, d'une part, annulé la décision du directeur départemental des finances publiques des Côtes d'Armor refusant de communiquer à la société SNC Miramar Crouesty la copie de l'intégralité des fiches de calcul de la valeur locative du centre de thalassothérapie de Perros-Guirec, et a, d'autre part, enjoint au même directeur de communiquer ces fiches de calcul ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société SNC Miramar Crouesty tendant à la communication des fiches de calcul de la valeur locative du centre de thalassothérapie de Perros-Guirec ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Timothée Paris, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société SNC Miramar Crouesty ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SNC Miramar Crouesty, propriétaire d'un centre de thalassothérapie à Arzon (Morbihan), a demandé au centre des impôts fonciers de Lannion de lui communiquer divers documents relatifs à la détermination de la valeur locative de locaux commerciaux dont les fiches de calcul de la valeur locative du centre de thalassothérapie de Perros-Guirec (Côtes d'Armor) ; que sa demande a été rejetée le 15 octobre 2010 ; que, s'étant heurté à un nouveau refus le 17 janvier 2011, en dépit de l'avis favorable de la commission d'accès aux documents administratifs, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 24 juin 2013, a annulé la décision du 17 janvier 2011 et enjoint à l'administration de communiquer les documents sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement ; que le ministre délégué chargé du budget se pourvoit contre ce jugement en tant qu'il annule la décision refusant la communication des fiches de calcul relatives au centre de thalassothérapie de Perros-Guirec et lui enjoint de les communiquer ;

2. Considérant qu'il ressort des dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts que ce n'est qu'à défaut soit de pouvoir retenir la valeur locative sur le fondement du 1° du même article, soit de trouver des termes de comparaison pertinents que l'administration peut légalement procéder à une évaluation directe ; que, lorsque l'administration a recours à cette dernière modalité d'évaluation, il appartient au contribuable, s'il s'y estime fondé, de contester la pertinence du recours à cette méthode par la production de tous éléments de nature à étayer sa contestation ; que, par suite, eu égard aux règles générales gouvernant la détermination de la valeur locative cadastrale des locaux commerciaux et biens divers pour l'établissement de la taxe foncière, les dispositions de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales ne sauraient faire obstacle, par elles-mêmes, à la communication à un redevable de l'imposition régie par l'article 1498 du code général des impôts, dans les conditions prévues par la loi du 17 juillet 1978, des éléments utiles à sa défense ;

3. Considérant, toutefois, que le droit à communication qui résulte de ces principes ne saurait s'appliquer qu'à des documents qui revêtent un caractère pertinent pour l'évaluation des biens commerciaux ; qu'il ne saurait, non plus, avoir pour conséquence de divulguer des informations couvertes par l'un des secrets protégés par l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'à cet égard, si les procès-verbaux pertinents établis pour une telle évaluation sont susceptibles d'être communiqués à un redevable de l'imposition régie par l'article 1498 du code général des impôts, tel n'est pas le cas des fiches de calcul établies par l'administration fiscale à cette même fin, à moins que celles-ci ne revêtent un caractère pertinent pour contester le principe du recours, par l'administration, à l'une ou l'autre des méthodes d'évaluation, ou l'évaluation de la valeur locative qui résulte de l'application de celle-ci ; que le caractère pertinent de ces fiches de calcul peut résulter, notamment, de ce que le local auquel celles-ci se réfèrent est un local-type inscrit au procès-verbal de la commune, ou de la circonstance que des éléments figurant dans ces fiches de calcul sont opposés au contribuable par l'administration fiscale ; que, lorsqu'elle procède à la communication de la fiche de calcul sollicitée, l'administration conserve, sous le contrôle du juge, la possibilité d'occulter ou de disjoindre, dans les conditions prévues par le III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, les informations contenues dans ce document susceptibles d'être couvertes par l'un des secrets prévus par le I et le II de cet article ;

4. Considérant qu'il suit de là qu'en jugeant que les fiches de calcul de la valeur locative du centre de thalassothérapie de Perros-Guirec étaient communicables à la SNC Miramar Crouesty, alors que le local auquel ces fiches se référaient n'était pas un local-type, que les informations y figurant n'étaient pas opposées au contribuable, et qu'aucun autre motif ne rendait la communication de ces fiches pertinente, le tribunal administratif de Rennes a entaché son jugement d'erreur de droit ; que celui-ci doit dès lors être annulé en tant qu'il a ordonné la communication de ces fiches de calcul ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant, ainsi qu'il été dit au point 4, que le centre de thalassothérapie de Perros-Guirec, auquel se réfèrent les fiches de calcul dont la communication est demandée par la SNC Miramar Crouesty n'est pas un local-type inscrit au procès-verbal de la commune ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des éléments ressortant de cette fiche de calcul aient été opposés à la SNC Miramar Crouesty dans le cadre de la procédure d'évaluation de la valeur locative du local dont elle est exploitante ; que la SNC Miramar Crouesty n'invoque aucun autre motif de nature à rendre la communication de ces fiches pertinentes ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation de la décision lui refusant la communication de ce document ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par la SNC Miramar Crouesty ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que demande la SNC Miramar Crouesty au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1100418 du 24 juin 2013 du tribunal administratif de Rennes sont annulés en tant qu'ils ont annulé la décision du directeur départemental des finances publiques des Côtes d'Armor refusant de communiquer à la société SNC Miramar Crouesty la copie des fiches de calcul de la valeur locative du centre de thalassothérapie de Perros-Guirec et ont enjoint au ministre délégué chargé du budget de communiquer ces fiches à la SNC Miramar Crouesty.

Article 2 : Les conclusions de la SNC Miramar Crouesty tendant à l'annulation de la décision du directeur départemental des finances publiques des Côtes d'Armor refusant de lui communiquer la copie des fiches de calcul de la valeur locative du centre de thalassothérapie de Perros-Guirec et à ce qu'il soit enjoint de communiquer ces fiches sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées pour la SNC Miramar Crouesty sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société SNC Miramar Crouesty.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 371225
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ELÉMENTS UTILES À LA DÉFENSE D'UN REDEVABLE DE L'IMPOSITION RÉGIE PAR L'ARTICLE 1498 DU CGI - CARACTÈRE COMMUNICABLE AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - EXISTENCE - LIMITE - COMMUNICABILITÉ DES SEULS DOCUMENTS QUI REVÊTENT UN CARACTÈRE PERTINENT POUR L'ÉVALUATION DES BIENS COMMERCIAUX ET ABSENCE DE DIVULGATION DES INFORMATIONS COUVERTES PAR UN SECRET - CONSÉQUENCE - CARACTÈRE COMMUNICABLE DES FICHES DE CALCUL ÉTABLIES PAR L'ADMINISTRATION - ABSENCE - SAUF SI CELLES-CI SONT PERTINENTES POUR CONTESTER LE CHOIX PAR L'ADMINISTRATION DE SA MÉTHODE D'ÉVALUATION OU L'ÉVALUATION DE LA VALEUR LOCATIVE - CAS OÙ LES FICHES DE CALCUL SE RÉFÈRENT À UN LOCAL-TYPE OU SONT OPPOSÉES AU CONTRIBUABLE - PERTINENCE - ET DONC COMMUNICABILITÉ - DE CES FICHES [RJ1].

19-01-06-01 Les dispositions de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF), relatives au secret professionnel, ne sauraient faire obstacle, par elles-mêmes, à la communication à un redevable de l'imposition régie par l'article 1498 du code général des impôts (CGI), dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, des éléments utiles à sa défense. Ce droit à communication ne saurait s'appliquer qu'à des documents qui revêtent un caractère pertinent pour l'évaluation des biens commerciaux. Il ne saurait, non plus, avoir pour conséquence de divulguer des informations couvertes par l'un des secrets protégés par l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978. A cet égard, si les procès-verbaux pertinents établis pour une telle évaluation sont susceptibles d'être communiqués à un redevable de l'imposition régie par l'article 1498 du code général des impôts, tel n'est pas le cas des fiches de calcul établies par l'administration fiscale à cette même fin, à moins que celles-ci ne revêtent un caractère pertinent pour contester le principe du recours, par l'administration, à l'une ou l'autre des méthodes d'évaluation, ou l'évaluation de la valeur locative qui résulte de l'application de celle-ci. Le caractère pertinent de ces fiches de calcul peut résulter, notamment, de ce que le local auquel celles-ci se réfèrent est un local-type inscrit au procès-verbal de la commune, ou de la circonstance que des éléments figurant dans ces fiches de calcul sont opposés au contribuable par l'administration fiscale. Lorsqu'elle procède à la communication de la fiche de calcul sollicitée, l'administration conserve, sous le contrôle du juge, la possibilité d'occulter ou de disjoindre, dans les conditions prévues par le III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, les informations contenues dans ce document susceptibles d'être couvertes par l'un des secrets prévus par le I et le II de cet article.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - DROIT À LA COMMUNICATION - ELÉMENTS UTILES À LA DÉFENSE D'UN REDEVABLE DE L'IMPOSITION RÉGIE PAR L'ARTICLE 1498 DU CGI - CARACTÈRE COMMUNICABLE - EXISTENCE - LIMITE - COMMUNICABILITÉ DES SEULS DOCUMENTS QUI REVÊTENT UN CARACTÈRE PERTINENT POUR L'ÉVALUATION DES BIENS COMMERCIAUX ET ABSENCE DE DIVULGATION DES INFORMATIONS COUVERTES PAR UN SECRET - CONSÉQUENCE - CARACTÈRE COMMUNICABLE DES FICHES DE CALCUL ÉTABLIES PAR L'ADMINISTRATION - ABSENCE - SAUF SI CELLES-CI SONT PERTINENTES POUR CONTESTER LE CHOIX PAR L'ADMINISTRATION DE SA MÉTHODE D'ÉVALUATION OU L'ÉVALUATION DE LA VALEUR LOCATIVE - CAS OÙ LES FICHES DE CALCUL SE RÉFÈRENT À UN LOCAL-TYPE OU SONT OPPOSÉES AU CONTRIBUABLE - PERTINENCE - ET DONC COMMUNICABILITÉ - DE CES FICHES [RJ1].

26-06-01-02 Les dispositions de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF), relatives au secret professionnel, ne sauraient faire obstacle, par elles-mêmes, à la communication à un redevable de l'imposition régie par l'article 1498 du code général des impôts (CGI), dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, des éléments utiles à sa défense. Ce droit à communication ne saurait s'appliquer qu'à des documents qui revêtent un caractère pertinent pour l'évaluation des biens commerciaux. Il ne saurait, non plus, avoir pour conséquence de divulguer des informations couvertes par l'un des secrets protégés par l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978. A cet égard, si les procès-verbaux pertinents établis pour une telle évaluation sont susceptibles d'être communiqués à un redevable de l'imposition régie par l'article 1498 du code général des impôts, tel n'est pas le cas des fiches de calcul établies par l'administration fiscale à cette même fin, à moins que celles-ci ne revêtent un caractère pertinent pour contester le principe du recours, par l'administration, à l'une ou l'autre des méthodes d'évaluation, ou l'évaluation de la valeur locative qui résulte de l'application de celle-ci. Le caractère pertinent de ces fiches de calcul peut résulter, notamment, de ce que le local auquel celles-ci se réfèrent est un local-type inscrit au procès-verbal de la commune, ou de la circonstance que des éléments figurant dans ces fiches de calcul sont opposés au contribuable par l'administration fiscale. Lorsqu'elle procède à la communication de la fiche de calcul sollicitée, l'administration conserve, sous le contrôle du juge, la possibilité d'occulter ou de disjoindre, dans les conditions prévues par le III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, les informations contenues dans ce document susceptibles d'être couvertes par l'un des secrets prévus par le I et le II de cet article.


Références :

[RJ1]

Rappr., en ce qui concerne les procès verbaux pertinents, CE, 18 juillet 2011, Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte parole du Gouvernement c/ société GSM Consulting, n° 345564, T. pp. 875-937.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2014, n° 371225
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Timothée Paris
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:371225.20141230
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