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23/11/2015 | FRANCE | N°370712

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 23 novembre 2015, 370712


Vu la procédure suivante :

La société Exxonmobil France Holding a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de l'imposition forfaitaire annuelle qu'elle a acquittée au titre de l'année 2007, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscal intégré, pour le compte de quatre filiales qu'elle a absorbées le 31 décembre 2007, avec effet rétroactif au 1er janvier de la même année. Par un jugement n° 0804904 du 23 juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 11VE02730 du 16 avri

l 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par ...

Vu la procédure suivante :

La société Exxonmobil France Holding a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de l'imposition forfaitaire annuelle qu'elle a acquittée au titre de l'année 2007, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscal intégré, pour le compte de quatre filiales qu'elle a absorbées le 31 décembre 2007, avec effet rétroactif au 1er janvier de la même année. Par un jugement n° 0804904 du 23 juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 11VE02730 du 16 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Exxonmobil France Holding contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 juillet 2013, 21 octobre 2013, 15 juillet 2014 et 9 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Exxonmobil France Holding demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 35 euros correspondant au montant de la contribution à l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Exxonmobil France Holding ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Exxonmobil France Holding, société tête d'un groupe fiscalement intégré, a acquitté pour les sociétés de ce groupe l'imposition forfaitaire annuelle au titre de l'année 2007 ; que l'une d'entre elles a absorbé, le 31 décembre 2007, avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, trois autres sociétés du groupe, dont l'une a elle-même absorbé une cinquième société à la même date, avec effet rétroactif au 1er janvier 2007 également ; que, par un jugement du 23 juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société Exxonmobil France Holding, qui se prévalait de la disparition rétroactive des quatre sociétés absorbées, tendant à la restitution des sommes qu'elle a versées au titre de l'imposition forfaitaire annuelle pour leur compte ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, lorsqu'une société s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats d'un groupe fiscalement intégré, " elle est également redevable de l'imposition forfaitaire annuelle due par les sociétés du groupe " ; qu'aux termes de l'article 223 septies du même code : " Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 1668 A de ce code : " L'imposition forfaitaire visée à l'article 223 septies doit être payée spontanément à la caisse du comptable de la direction générale des impôts chargé du recouvrement de l'impôt sur les sociétés, au plus tard le 15 mars. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'imposition forfaitaire annuelle est due par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés qui existent au 1er janvier de l'année d'imposition ; qu'une clause de rétroactivité au 1er janvier, contenue dans une convention de fusion conclue en cours d'année, ne peut avoir pour effet de retirer rétroactivement à la société absorbée la qualité de redevable de cette imposition, qui lui a légalement été impartie lors de la réalisation de son fait générateur ;

4. Considérant, toutefois, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir utilement contester une imposition primitive ou supplémentaire en invoquant devant le juge de l'impôt une instruction fiscale sur le fondement de ces dispositions, le contribuable doit avoir appliqué l'interprétation que l'administration avait fait connaître par cette instruction, à une date à laquelle celle-ci n'avait pas été rapportée ; que, devant la cour, la requérante invoquait sur ce fondement l'interprétation administrative issue du paragraphe 129 de l'instruction du 3 août 2000 référencée 4 I-2-00, relative aux fusions de sociétés et opérations assimilées, qui prévoit que " dès lors que les sociétés bénéficiaires des apports prennent en compte, pour la détermination de leurs résultats imposables, les résultats provenant des activités apportées à compter de la date d'effet de l'opération, il est admis que les sociétés absorbées ou scindées soient considérées comme n'étant plus passibles de l'impôt sur les sociétés, au sens de l'article 223 septies du code déjà cité, à compter de la date d'effet ", en faisant valoir qu'elle avait fait application de cette interprétation dans sa réclamation préalable et qu'elle l'avait d'ailleurs explicitement invoquée dans le courrier du 18 mars 2008 par lequel elle a saisi le conciliateur fiscal de la direction des grandes entreprises, à la suite du rejet de sa réclamation ; qu'en se fondant, pour écarter ce moyen, sur ce que la société n'avait pas fait application de cette instruction au moment où elle a acquitté les impositions en litige, date à laquelle la convention de fusion n'avait pas encore été conclue, alors qu'elle en avait fait application dans sa réclamation et qu'eu égard à l'objet de l'instruction en cause, c'est seulement par voie de réclamation présentée postérieurement à la conclusion de la convention de fusion qu'elle pouvait en faire application, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à la société Exxonmobil France Holding, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 et de celles de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 16 avril 2013 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles

Article 3 : L'Etat versera à la société Exxonmobil France Holding une somme de 3 500 euros en application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Exxonmobil France Holding et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 370712
Date de la décision : 23/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. - IMPOSITION FORFAITAIRE ANNUELLE - CLAUSE DE RÉTROACTIVITÉ DANS UNE CONVENTION DE FUSION CONCLUE EN COURS D'ANNÉE - ABSENCE D'EFFET SUR LA DÉTERMINATION DU REDEVABLE.

19-04-01-04 Il résulte des articles 223 A, 223 septies et 1668 A du code général des impôts que l'imposition forfaitaire annuelle est due par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés qui existent au 1er janvier de l'année d'imposition. Une clause de rétroactivité au 1er janvier, contenue dans une convention de fusion conclue en cours d'année, ne peut avoir pour effet de retirer rétroactivement à la société absorbée la qualité de redevable de cette imposition, qui lui a légalement été impartie lors de la réalisation de son fait générateur.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2015, n° 370712
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370712.20151123
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