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13/12/2013 | FRANCE | N°356321

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 13 décembre 2013, 356321


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société Énergie verte de Teyssode, dont le siège social est route de Bordeaux à Bias (47300), représentée par son gérant en exercice ; la société Énergie verte de Teyssode demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01748 du 29 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, à la demande de la Société hydro-électrique du port de Salomon, d'une part, le jugemen

t n° 0602539 du 20 mai 2010 du tribunal administratif de Toulouse, d'autre part,...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société Énergie verte de Teyssode, dont le siège social est route de Bordeaux à Bias (47300), représentée par son gérant en exercice ; la société Énergie verte de Teyssode demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01748 du 29 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, à la demande de la Société hydro-électrique du port de Salomon, d'une part, le jugement n° 0602539 du 20 mai 2010 du tribunal administratif de Toulouse, d'autre part, l'arrêté du préfet du Tarn du 2 mai 2006 transférant à la société Énergie verte de Teyssode l'arrêté du 29 décembre 1859 définissant le fonctionnement du moulin de Saint-Hugon établi en rive gauche de l'Agout sur le territoire de la commune de Teyssode ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la Société hydro-électrique du port de Salomon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société Énergie verte de Teyssode et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Société hydro-électrique du port de Salomon ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par acte notarié du 13 février 2006, la société Énergie verte de Teyssode a acquis le moulin de Saint-Hugon, situé en rive gauche de l'Agoût, sur la commune de Teyssode (Tarn) ; que, par un courrier du 31 mars 2006, elle a demandé au préfet du Tarn le transfert à son profit des droits d'eau attachés à ce moulin ; que, par un arrêté du 2 mai 2006, le préfet a transféré à la société Énergie verte de Teyssode l'autorisation pour l'utilisation de l'énergie hydraulique de la rivière Agoût conférée au premier propriétaire du moulin de Saint-Hugon par un arrêté préfectoral de 1859 ; que la Société hydro-électrique du port de Salomon, qui exploite sur l'Agoût, en amont de ce moulin, une micro-centrale hydroélectrique, a demandé l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2006 ; que, par un jugement du 20 mai 2010, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ; que, par un arrêt du 29 novembre 2011 contre lequel la société Énergie verte de Teyssode se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif et l'arrêté du préfet du Tarn ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique, aujourd'hui codifiées à l'article L. 511-9 du code de l'énergie, les installations hydrauliques autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts demeurent autorisées conformément à leur titre et sans autre limitation de durée que celle résultant de la possibilité de leur suppression dans les conditions prévues par les lois en vigueur sur le régime des eaux et désormais fixées au titre Ier du livre II du code de l’environnement ; que les autorisations délivrées avant le 18 octobre 1919 réglementaient des droits à l'usage de l'eau qui avaient la nature de droits réels immobiliers antérieurement acquis par les propriétaires des installations hydrauliques et distincts des droits fondés en titre ; qu'il en résulte que le droit d'usage de l'eau est, pour les installations autorisées au titre du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919, attaché à l'installation elle-même ; qu'un tel droit se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau, alors même que l'autorisation qui en réglemente l'usage n'aurait pas été abrogée ou retirée, comme le permettent les dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 ;

3. Considérant qu'en jugeant de manière suffisamment motivée que le droit d'usage de l'eau attaché à une installation hydraulique pour laquelle son propriétaire est titulaire d'une autorisation d'exploitation conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919, s'est perdu du fait de l'état de ruine des ouvrages essentiels destinés à exploiter la force hydraulique de la rivière, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant qu'en jugeant, après avoir relevé dans sa décision que le barrage du moulin de Saint-Hugon a été entièrement détruit par les crues de 1930 et qu'il n'a fait depuis l'objet d'aucune reconstruction, que les ouvrages essentiels destinés à exploiter la force hydraulique de la rivière se trouvent dans un état de ruine de nature à faire perdre au moulin le droit d'usage qui lui était attaché par l'arrêté précité de 1859, la cour n'a pas donné aux faits énoncés une qualification juridique erronée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Énergie verte de Teyssode n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Énergie verte de Teyssode la somme de 3 000 euros à verser à la Société hydro-électrique du port de Salomon au titre des mêmes dispositions ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de la société Énergie verte de Teyssode ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Énergie verte de Teyssode est rejeté.
Article 2 : La société Énergie verte de Teyssode versera à la Société hydro-électrique du port de Salomon une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Énergie verte de Teyssode, à la Société hydro-électrique du port de Salomon et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 356321
Date de la décision : 13/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

EAUX - OUVRAGES - DROIT FONDÉ EN TITRE - INSTALLATIONS HYDRAULIQUES AUTORISÉES À LA DATE DU 18 OCTOBRE 1919 ET DONT LA PUISSANCE NE DÉPASSE PAS 150 KILOWATTS - MAINTIEN DE L'AUTORISATION CONFORMÉMENT À LEUR TITRE ET SANS AUTRE LIMITATION DE DURÉE QUE CELLE RÉSULTANT DE LA POSSIBILITÉ DE LEUR SUPPRESSION EN VERTU DU TITRE IER DU LIVRE II DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT (ART - 18 DE LA LOI DU 16 OCTOBRE 1919 - AUJOURD'HUI CODIFIÉ À L'ART - L - 511-9 DU CODE DE L'ÉNERGIE) - PORTÉE DES AUTORISATIONS DÉLIVRÉES AVANT LE 18 OCTOBRE 1919 - RÉGLEMENTATION DU DROIT D'USAGE DE L'EAU AYANT LA NATURE DE DROIT RÉEL IMMOBILIER ET ATTACHÉ À L'INSTALLATION ELLE-MÊME - CAS DANS LESQUELS LA FORCE MOTRICE DU COURS D'EAU N'EST PLUS SUSCEPTIBLE D'ÊTRE UTILISÉE PAR SON DÉTENTEUR - DU FAIT DE LA RUINE OU DU CHANGEMENT D'AFFECTATION DES OUVRAGES ESSENTIELS - PERTE DU DROIT D'USAGE DE L'EAU - EXISTENCE - ALORS MÊME QUE L'AUTORISATION N'AURAIT PAS ÉTÉ ABROGÉE OU RETIRÉE [RJ1].

27-02 En vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique, aujourd'hui codifiées à l'article L. 511-9 du code de l'énergie, les installations hydrauliques autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts demeurent autorisées conformément à leur titre et sans autre limitation de durée que celle résultant de la possibilité de leur suppression dans les conditions prévues par les lois en vigueur sur le régime des eaux et désormais fixées au titre Ier du livre II du code de l'environnement. Les autorisations délivrées avant le 18 octobre 1919 réglementaient des droits à l'usage de l'eau qui avaient la nature de droits réels immobiliers antérieurement acquis par les propriétaires des installations hydrauliques et distincts des droits fondés en titre. Il en résulte que le droit d'usage de l'eau est, pour les installations autorisées au titre du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919, attaché à l'installation elle-même. Un tel droit se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau, alors même que l'autorisation qui en réglemente l'usage n'aurait pas été abrogée ou retirée, comme le permettent les dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919.

ENERGIE - ÉNERGIE HYDRAULIQUE - INSTALLATIONS HYDRAULIQUES AUTORISÉES À LA DATE DU 18 OCTOBRE 1919 ET DONT LA PUISSANCE NE DÉPASSE PAS 150 KILOWATTS - MAINTIEN DE L'AUTORISATION CONFORMÉMENT À LEUR TITRE ET SANS AUTRE LIMITATION DE DURÉE QUE CELLE RÉSULTANT DE LA POSSIBILITÉ DE LEUR SUPPRESSION EN VERTU DU TITRE IER DU LIVRE II DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT (ART - 18 DE LA LOI DU 16 OCTOBRE 1919 - AUJOURD'HUI CODIFIÉ À L'ART - L - 511-9 DU CODE DE L'ÉNERGIE) - PORTÉE DES AUTORISATIONS DÉLIVRÉES AVANT LE 18 OCTOBRE 1919 - RÉGLEMENTATION DU DROIT D'USAGE DE L'EAU AYANT LA NATURE DE DROIT RÉEL IMMOBILIER ET ATTACHÉ À L'INSTALLATION ELLE-MÊME - CAS DANS LESQUELS LA FORCE MOTRICE DU COURS D'EAU N'EST PLUS SUSCEPTIBLE D'ÊTRE UTILISÉE PAR SON DÉTENTEUR - DU FAIT DE LA RUINE OU DU CHANGEMENT D'AFFECTATION DES OUVRAGES ESSENTIELS - PERTE DU DROIT D'USAGE DE L'EAU - EXISTENCE - ALORS MÊME QUE L'AUTORISATION N'AURAIT PAS ÉTÉ ABROGÉE OU RETIRÉE [RJ1].

29-02 En vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique, aujourd'hui codifiées à l'article L. 511-9 du code de l'énergie, les installations hydrauliques autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts demeurent autorisées conformément à leur titre et sans autre limitation de durée que celle résultant de la possibilité de leur suppression dans les conditions prévues par les lois en vigueur sur le régime des eaux et désormais fixées au titre Ier du livre II du code de l'environnement. Les autorisations délivrées avant le 18 octobre 1919 réglementaient des droits à l'usage de l'eau qui avaient la nature de droits réels immobiliers antérieurement acquis par les propriétaires des installations hydrauliques et distincts des droits fondés en titre. Il en résulte que le droit d'usage de l'eau est, pour les installations autorisées au titre du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919, attaché à l'installation elle-même. Un tel droit se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau, alors même que l'autorisation qui en réglemente l'usage n'aurait pas été abrogée ou retirée, comme le permettent les dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur les conditions d'extinction du droit d'usage de l'eau, CE, 5 juillet 2004, S.A. Laprade Energie, n° 246929, p. 294.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2013, n° 356321
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:356321.20131213
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