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20/03/2006 | FRANCE | N°C3505

France | France, Tribunal des conflits, 20 mars 2006, C3505


Vu, enregistrée à son secrétariat le 4 novembre 2005, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. José A et l'établissement public Voies Navigables de France devant le tribunal d'instance de Castelsarrasin ;

Vu le déclinatoire présenté le 28 juin 2005 par le préfet de Tarn et Garonne, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que le dommage subi par M. A est un dommage de travaux publics et que les usagers de la voie d'eau sont les usagers d'u

n service public administratif ;

Vu le jugement du 8 septembre 20...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 4 novembre 2005, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. José A et l'établissement public Voies Navigables de France devant le tribunal d'instance de Castelsarrasin ;

Vu le déclinatoire présenté le 28 juin 2005 par le préfet de Tarn et Garonne, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que le dommage subi par M. A est un dommage de travaux publics et que les usagers de la voie d'eau sont les usagers d'un service public administratif ;

Vu le jugement du 8 septembre 2005 par lequel le tribunal d'instance de Castelsarrasin a rejeté le déclinatoire de compétence et statué au fond ;

Vu l'arrêté du 29 septembre 2005 par lequel le préfet a élevé le conflit ;

Vu, enregistré le 4 novembre 2005, le mémoire présenté par M. A tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que la procédure de conflit est irrégulière, le déclinatoire de compétence étant postérieur à l'audience du 2 juin 2005 et au premier jugement du 12 mai 2005 ; que Voies Navigables de France est un établissement public industriel et commercial ; que le litige est relatif à sa responsabilité contractuelle ;

Vu, enregistré le 4 janvier 2006, le mémoire présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer tendant à l'annulation du jugement du 8 septembre 2005 en tant qu'il a statué au fond en méconnaissance des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828, et à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que la procédure de conflit est régulière et que le litige repose sur une carence supposée de l'établissement public à prendre des mesures de police relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;

Vu la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991 ;

Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 ;

Vu le décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 modifié ;

Vu le décret n° 91-797 du 20 août 1991 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Martin , membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Jacques Duplat, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure de conflit :

Considérant, d'une part, que la procédure de conflit est régie par l'ordonnance du 1er juin 1828 ; qu'en vertu de l'article 6 de cette ordonnance, le préfet présente un déclinatoire de compétence sous forme de mémoire adressé au procureur de la République, qui le transmet au tribunal saisi ; que ce déclinatoire peut être présenté jusqu'à ce que ce tribunal se soit prononcé sur la compétence ; qu'ainsi le préfet de Tarn et Garonne pouvait régulièrement adresser le 21 juin 2005 au procureur de la République un déclinatoire reçu le 28 juin 2005 par le tribunal d'instance de Castelsarrasin, alors même que ce tribunal avait déjà tenu son audience le 2 juin 2005 et qu'en vertu de l'article 843 du nouveau code de procédure civile la procédure devant le tribunal d'instance est orale ;

Considérant, d'autre part, que le tribunal d'instance de Castelsarrasin, en se bornant, par son premier jugement du 12 mai 2005, à reporter les débats à l'audience du 2 juin 2005 après avoir constaté l'absence d'une des parties à la première audience, ne s'est pas prononcé sur la compétence ; que le déclinatoire de compétence en date du 21 juin 2005 n'est donc pas tardif ;

Sur la régularité du jugement du tribunal d'instance de Castelsarrasin :

Considérant qu'il résulte de l'article 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence doit surseoir à statuer pendant le délai laissé au préfet pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit ; qu'il s'ensuit que le jugement du tribunal d'instance de Castelsarrasin en date du 8 septembre 2005 doit être déclaré nul et non avenu en tant qu'il statue au fond sur la demande d'indemnité de M. A, après avoir écarté comme irrecevable le déclinatoire présenté par le préfet ;

Sur la compétence :

Considérant que lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatif à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique ;

Considérant que selon l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991, l'établissement public qui se substitue à l'Office national de la navigation et prend le nom de Voies Navigables de France constitue un établissement public industriel et commercial ;

Considérant que M. A, dont le bateau a heurté un véhicule automobile immergé dans le canal latéral de la Garonne sur lequel il naviguait, a recherché la responsabilité de Voies Navigables de France, chargé de l'exploitation et de l'entretien de ce canal en application de l'article 124 de la loi de finances pour 1991 ;

Considérant, d'une part, qu'un éventuelle carence de Voies Navigables de France en matière de signalisation du danger résultant de la présence du véhicule immergé se rattacherait à l'exploitation et l'entretien du canal et non à l'exercice d'un pouvoir de police ;

Considérant, d'autre part, que l'exploitation et l'entretien des voies navigables et de leurs dépendances, confiés à Voies Navigables de France par l'article 124 de la loi de finances pour 1991, ne ressortissent pas, en eux-mêmes, de prérogatives de puissance publique ; que M. A étant un usager du service de la navigation, il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître du litige qui l'oppose à Voies Navigables de France, même si le dommage est imputable à une carence dans l'entretien, notamment en matière de signalisation, du canal, ouvrage public concourant à l'activité de l'établissement public industriel et commercial ; que, par suite, c'est à tort que le conflit a été élevé ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 29 septembre 2005 par le préfet de Tarn et Garonne est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal d'instance de Castelsarrasin en date du 8 septembre 2005 est annulé en tant qu'il statue sur la demande d'indemnisation de M. A.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3505
Date de la décision : 20/03/2006
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - PROBLÈMES PARTICULIERS POSÉS PAR CERTAINES CATÉGORIES DE SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL - ACTIVITÉ D'EXPLOITATION ET D'ENTRETIEN DES VOIES NAVIGABLES PAR L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL VOIES NAVIGABLES DE FRANCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE D'UNE ACTION EN RÉPARATION D'UN DOMMAGE CAUSÉ PAR UN DÉFAUT DE SIGNALISATION SUR LE CANAL ALORS MÊME QUE CE DERNIER CONSTITUE UN OUVRAGE PUBLIC [RJ2].

17-03-02-07-02 Voies Navigables de France tenant de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique. L'exploitation et l'entretien des voies navigables, auxquels se rattache la signalisation d'un danger résultant de la présence d'un véhicule immergé dans le canal, ne ressortissent pas à l'exercice de prérogatives de puissance publique. Dès lors, il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître du litige qui oppose un usager du service à Voies Navigables de France, même si le dommage subi par cet usager du fait de la collision avec le véhicule immergé est imputable à une carence dans l'entretien, notamment en matière de signalisation, du canal, ouvrage public concourant à l'activité de l'établissement public industriel et commercial.

PROCÉDURE - TRIBUNAL DES CONFLITS - CONFLIT POSITIF - DÉCLINATOIRE DE COMPÉTENCE - MÉMOIRE ADRESSÉ APRÈS L'AUDIENCE TENUE PAR LE TRIBUNAL D'INSTANCE - TARDIVETÉ - ABSENCE - ALORS MÊME QUE LA PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL D'INSTANCE EST ORALE [RJ1].

54-09-01-02 La procédure de conflit est régie par l'ordonnance du 1er juin 1828. En vertu de l'article 6 de cette ordonnance, le préfet présente un déclinatoire de compétence sous forme de mémoire adressé au procureur de la République, qui le transmet au tribunal saisi. Ce déclinatoire peut être présenté jusqu'à ce que ce tribunal se soit prononcé sur la compétence. Ainsi le préfet peut régulièrement adresser au procureur de la République un déclinatoire alors même que le tribunal d'instance a déjà tenu son audience et qu'en vertu de l'article 843 du nouveau code de procédure civile la procédure devant le tribunal d'instance est orale pourvu que ce déclinatoire parvienne au tribunal avant que ce dernier ne se prononce sur la compétence.


Références :

[RJ1]

Cf. s'agissant de la recevabilité d'un déclinatoire déposé après la clôture des débats, TC, 18 décembre 1947, Sieur Juvin, p. 513 ;

TC, 2 avril 1973, Epoux Chapoulaud, p. 846 ;

Rappr., pour un autre cas de dérogation au nouveau code de proécdure civile, 29 décembre 2004, Mme Durand, p. 524.,,

[RJ2]

Cf. TC, 29 décembre 2004, Epoux Blanckeman c/ Voies navigables de France, p. 525 ;

TC, 12 décembre 2005, EURL Croisières lorraines La Bergamote c/ Voies navigables de France, n° 3455 à publier au recueil, feuilles oranges p. 16.


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Rapporteur public ?: M. Duplat

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2006:C3505
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