Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 15 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant au... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT01295 du 3 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre le jugement n° 0800287-4 du 19 mars 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 novembre 2007 du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité annulant la décision du 11 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé à l'association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics (AFORPROBA) d'Indre-et-Loire l'autorisation de le licencier et accordant cette autorisation ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'AFORPROBA d'Indre-et-Loire la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. B...et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics d'Indre-et-Loire ;
1. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 1233-4 : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de rechercher les possibilités de reclassement du salarié dans l'entreprise, l'autorité administrative ne peut prendre en compte que les propositions écrites de l'employeur ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., délégué syndical, était employé comme professeur en métallerie par l'association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics d'Indre-et-Loire ; que dans le cadre de la fermeture de la section métallerie, l'association a demandé le licenciement pour motif économique de M. B...; que le ministre chargé du travail a autorisé ce licenciement par une décision du 27 novembre 2007 ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de M. B...contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
3. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'obligation de reclassement avait été satisfaite par l'employeur, la cour a tenu compte d'une proposition de poste d'animateur éducateur au centre des apprentis de Saint-Pierre-des-Corps, en date du 18 février 2006, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond, sans que cela soit d'ailleurs contesté, que cette offre n'avait été faite qu'oralement à M. B... ; que par suite, en prenant en compte une telle proposition, par un motif qui n'avait pas un caractère surabondant, pour en déduire que l'obligation de reclassement avait été satisfaite, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant que les possibilités de reclassement dans l'entreprise, et éventuellement au sein du groupe, s'apprécient antérieurement à la date d'autorisation du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé ; que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de rechercher les possibilités de reclassement du salarié, des propositions de postes faites par l'employeur ne peuvent être prises en compte qu'à la condition que le salarié ait connaissance que de telles offres, faites par l'employeur au cours de cette période, le sont dans le cadre du reclassement prévu par l'article L. 1233-4 du code du travail ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le principe d'une fermeture de la section métallerie du centre de formation des apprentis de Saint-Pierre-des-Corps a été retenu par l'employeur dès la mi-2004 et qu'une telle fermeture impliquait nécessairement la suppression du poste de M. B...; que les offres de nouveaux postes qui lui ont été présentées à compter de cette date lui permettaient d'avoir connaissance qu'elles étaient faites dans le cadre d'un reclassement au titre des dispositions précitées du code du travail ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que de telles offres ne pouvaient légalement être prises en compte pour apprécier si l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement ;
7. Considérant que, si M. B...soutient que des postes de formateur en métallerie, d'animateur et de professeur de dessin ont donné lieu à des recrutement au centre de formation des apprentis d'Indre et Loire, réorganisé avec celui de Blois, mais ne lui ont pas été proposées, il ressort des pièces du dossier que ces postes ne correspondaient pas aux qualifications de l'intéressé ; que dès lors, le moyen doit être écarté ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure de licenciement engagée à l'encontre de M. B...ait été en rapport avec son mandat de délégué syndical ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail autorisant son licenciement ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de l'association professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics d'Indre-et-Loire, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que demande l'association au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er: L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 3 juin 2010 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. B...devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'association professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics d'Indre-et-Loire tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à l'association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics d'Indre-et-Loire et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.