Vu, enregistrée à son secrétariat le 11 juin 2003, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la SOCIETE CLPK AIRCRAFT FUNDING à Aéroports de Paris devant le tribunal de commerce de Paris à la suite des décisions, en date du 6 février 2003, de rétention de deux aéronefs lui appartenant, en raison du non paiement, par l'exploitant de ces aéronefs, des redevances aéroportuaires ;
Vu le déclinatoire de compétence, en date du 28 février 2003, présenté par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente par les motifs que l'organisation, le fonctionnement et l'activité d'Aéroports de Paris relèvent d'une mission de service public, que le litige a pour origine le défaut de paiement des redevances aéroportuaires revenant à l'établissement public qui sont perçues par un comptable public et que le droit de rétention exercé par Aéroports de Paris est l'utilisation d'une prérogative de puissance publique et ne saurait revêtir le caractère d'une voie de fait ;
Vu le jugement du 31 mars 2003 par lequel le tribunal de commerce a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 17 avril 2003 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu, enregistrées le 25 août 2003, les observations déposées par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;
Vu, enregistré le 10 septembre 2003, le mémoire présenté pour Aéroports de Paris tendant, à titre principal, à ce que le Tribunal dise n'y avoir lieu à statuer, l'objet du litige ayant disparu dès lors que le requérant a obtenu satisfaction, la levée de la rétention des deux aéronefs de la SOCIETE CLPK AIRCRAFT FUNDING ayant été ordonnée le 19 juillet 2003, et, à titre subsidiaire, à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que les décisions de rétention des aéronefs ont été adoptées par le directeur général d'Aéroports de Paris en sa qualité de commandant de l'aérodrome chargé des services de sécurité de la navigation aérienne ;
Vu, enregistré le 20 octobre 2003, le mémoire présenté pour la SOCIETE CLPK AIRCRAFT FUNDING tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que la rétention des deux aéronefs lui appartenant a porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de propriété constitutive d'une voie de fait et que le litige sur la réparation du préjudice qui en est résulté relève de la compétence des tribunaux judiciaires ; qu'à supposer même que l'existence d'une voie de fait ne soit pas reconnue, le litige portant sur le recouvrement de redevances pour services rendus, qui sont des services à caractère industriel et commercial, pour le recouvrement desquelles Aéroports de Paris a cru devoir solliciter de l'autorité responsable la mise en oeuvre du droit de rétention de l'article R. 224-4 du code de l'aviation civile, les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes ;
Vu, enregistré le 12 décembre 2003, le mémoire en réplique déposé pour Aéroports de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu les articles R. 224-4, R. 252-17 et R. 252-19 du code de l'aviation civile ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mazars, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Roger Sevaux, avocat de la SOCIETE CLPK AIRCRAFT FUNDING et de la SCP Piwnica Molinié, avocat d'Aéroports de Paris,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la compagnie Air Lib ne s'étant pas acquittée des redevances aéroportuaires, le directeur général d'Aéroports de Paris a décidé, le 6 février 2003, de retenir au sol deux aéronefs qu'elle exploitait ; que la SOCIETE CLPK AIRCRAFT FUNDING (CLPK), qui voulait reprendre possession de ses deux avions après résiliation du contrat de location en raison de la perte, par la compagnie Air Lib, de sa licence d'exploitation, estimant que leur rétention était abusive et constitutive d'une voie de fait, a assigné l'établissement Aéroports de Paris devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la levée de la mesure de rétention ainsi que sa condamnation à réparer le préjudice qu'elle subissait ;
Sur les conclusions d'Aéroports de Paris aux fins de non-lieu à statuer :
Considérant que si, par décision du 17 juillet 2003, le directeur général d'Aéroports de Paris a levé les mesures de rétention des deux avions appartenant à la SOCIETE CLPK AIRCRAFT FUNDING, le litige subsiste sur la demande aux fins d'indemnisation du préjudice financier découlant de l'immobilisation des appareils ;
Sur la compétence :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 224-4 du code de l'aviation civile : Les redevances sont dues par le seul fait de l'usage des ouvrages, installations, bâtiments et outillages qu'elles rémunèrent. En cas de non-paiement de redevances dues par l'exploitant de l'aéronef, l'exploitant de l'aérodrome est admis à requérir de l'autorité responsable de la circulation aérienne sur l'aérodrome que l'aéronef y soit retenu jusqu'à consignation du montant des sommes en litige ; qu'il résulte des articles R. 252-17 et R. 252-19 du même code que, dans les aérodromes exploités par Aéroports de Paris et leurs dépendances, la charge d'assurer la responsabilité de la circulation aérienne est confiée au directeur général d'Aéroports de Paris ;
Considérant que si la décision de recourir à une mesure de rétention des avions avait pour origine le défaut de paiement, par l'exploitant des aéronefs, des redevances aéroportuaires recouvrées par l'établissement public Aéroports de Paris en rémunération de services à caractère industriel et commercial, le litige qui oppose la SOCIETE CLPK, propriétaire des avions immobilisés, à Aéroports de Paris, ne concerne que la mise en oeuvre des décisions administratives de rétention prises en application de l'article R. 224-4 du code de l'aviation civile par son directeur général ; qu'un tel litige n'est pas au nombre de ceux qui relèvent de la compétence judiciaire au titre des relations entre un établissement industriel et commercial et ses usagers ;
Considérant qu'il n'y a voie de fait justifiant par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l'un ou l'autre de ces effets à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ;
Considérant qu'à supposer que la décision de rétention ou le maintien d'une telle mesure, au préjudice de la SOCIETE CLPK, soient considérées comme une atteinte grave à son droit de propriété, il est constant que la décision a été prise par le directeur général d'Aéroports de Paris en sa qualité d'autorité responsable de la circulation aérienne sur l'aéroport, par application des articles R. 252-17 et R. 252-19 du code de l'aviation civile et dans l'exercice du pouvoir qui lui est conféré par l'article R. 224-4 du code de l'aviation civile, issu de l'article 20 du décret n° 53-893 du 24 septembre 1953 lui même pris en application de la loi d'habilitation du 11 juillet 1953 ; qu'en conséquence, l'application des décisions en cause ne saurait constituer une voie de fait ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le conflit a été élevé ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 17 avril 2003 par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par la SOCIETE CLPK AIRCRAFT FUNDING contre Aéroports de Paris devant le tribunal de commerce de Paris et le jugement de cette juridiction en date du 31 mars 2003.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice qui est chargé d'en assurer l'exécution.