Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 23 décembre 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, en tant qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire de 200 000 euros et a ordonné sa publication au bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le règlement COB n° 90-08 homologué le 17 juillet 1990 ;
Vu le règlement général de l'AMF homologué le 12 novembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A, et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A, et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 90-08 de la Commission des opérations de bourse homologué le 17 juillet 1990, en vigueur à l'époque des faits litigieux : Toute personne qui, en connaissance de cause, possède une information privilégiée provenant directement ou indirectement d'une personne mentionnées aux articles 2, 3 et 4 du présent règlement, ne doit pas exploiter, pour compte propre ou pour compte d'autrui, une telle information sur le marché ; qu'aux termes de l'article 622-1 du règlement de l'Autorité des marchés financiers, homologué le 12 novembre 2004 : Toute personne mentionnée à l'article 622-2 doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d'acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés (...) ; qu'aux termes de l'article 622-2 du même règlement : Les obligations d'abstention prévues à l'article 622-1 s'appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : / 1° Sa qualité de membre des organes d'administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l'émetteur ; / 2° Sa participation dans le capital de l'émetteur ; / 3° Son accès à l'information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l'exécution d'une opération financière (...) / Ces obligations d'abstention s'appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu'il s'agit d'une information privilégiée (...) ; que, le règlement du 12 novembre 2004 ayant élargi la définition du comportement incriminé, la définition du manquement ayant donné lieu à la sanction infligée à M. A par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) demeure régie par le règlement n° 90-08 du 17 juillet 1990 ;
Considérant que M. A conteste le recours à la méthode du faisceau d'indices employée par la commission des sanctions à son égard pour établir l'existence d'un manquement d'initié en qualité d'initié tertiaire , c'est-à-dire n'ayant aucun lien avec l'émetteur ; qu'il estime qu'en l'absence de preuve formellement établie de l'origine de la source d'information mentionnée aux articles 2, 3 ou 4 de ce règlement, il ne pouvait être regardé comme détenteur d'une information privilégiée qu'il aurait ensuite illégalement exploitée, alors que sa connaissance des marchés pouvait par ailleurs parfaitement expliquer l'opération d'achat à laquelle il s'est livré ;
Considérant qu'à défaut de preuve matérielle à l'encontre d'une personne mentionnée à l'article 5 du règlement n° 90-08, la détention d'une information privilégiée peut être établie par un faisceau d'indices concordants, desquels il résulte que seule la détention d'une information privilégiée peut expliquer les opérations litigieuses auxquelles la personne mise en cause a procédé, sans que la commission des sanctions de l'AMF n'ait l'obligation d'établir précisément les circonstances dans lesquelles l'information est parvenue jusqu'à la personne qui l'a utilisée ; que dès lors, et alors que le caractère nécessairement secret et volontairement dissimulé des opérations fautives ne permet généralement pas de disposer de preuves directes à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 5 de ce règlement, la commission des sanctions pouvait légalement réunir un faisceau d'indices concordants en vue d'établir, à l'égard de M. A, un manquement aux dispositions du règlement n° 90-08 de la Commission des opérations de bourse ;
Considérant, toutefois, que, si le règlement AMF du 12 novembre 2004 a pour effet d'encadrer de manière plus stricte les obligations d'abstention d'utilisation d'une information privilégiée par toute personne qui la détient, sans qu'il soit besoin d'établir la source à l'origine de cette information, la sanction litigieuse demeure régie, ainsi qu'il a été dit, par les dispositions antérieures de l'article 5 du règlement n° 90-08 ; que dès lors, la commission des sanctions de l'AMF devait, pour établir le comportement fautif de M. A, d'une part, établir, à défaut de preuve matérielle tangible, au moins par des indices précis et concordants, la transmission de cette information privilégiée par l'une des personnes mentionnées aux articles 2, 3 et 4 de ce règlement, c'est-à-dire par une ou des personnes ayant la qualité de membres des organes d'administration, de direction, de surveillance d'un émetteur, ou ayant accès à cette information à raison des fonctions qu'elles exercent au sein d'un tel émetteur, ou une ou des personnes participant à la préparation de l'opération financière ou à qui a été communiquée cette information dans le cadre de leurs fonctions, d'autre part établir que cette information avait été exploitée en connaissance de cause ;
Considérant que, pour infliger la sanction litigieuse à M. A, la commission des sanctions a retenu qu'il avait pu recevoir l'information privilégiée, dont il a fait usage en connaissance de cause, de l'une des personnes visées à l'article 2 du règlement n° 90-08, laquelle la détenait depuis le 17 juin 2003, mais aussi par l'intermédiaire notamment du père de ce dernier ou du conseiller en investissement de celui-ci, qui ne sont mis en cause ni l'un ni l'autre ; que, toutefois, d'une part, la personne détentrice, à titre secondaire, de l'information non encore publique sur l'opération envisagée a été mis hors de cause, faute que son rôle dans la transmission de l'information privilégiée ait pu être clairement démontré ; que, d'autre part, s'il résulte de l'instruction que des contacts téléphoniques ont eu lieu le 4 juillet 2003, entre le conseiller en investissement mandataire de gestion du père de la personne mise hors de cause, comme il vient d'être dit, et M. A, ce dernier était chargé de conseiller cet investisseur par l'intermédiaire de son mandataire, ce qui ne pouvait faire ni du premier, client de M. A, ni du second la source de l'information détenue par le requérant ; que dès lors, et quand bien même M. A aurait exploité une information privilégiée en connaissance de cause, il est fondé à soutenir qu'en l'absence d'indices suffisants et sans équivoque sur la source probable de l'information détenue - laquelle, pour l'application du règlement n° 90-08, devait être l'une des personnes mentionnées à l'article 2, 3 ou 4 de ce règlement - c'est à tort que la commission des sanctions a estimé qu'il avait commis un manquement aux règles relatives aux initiés et prononcé, pour ce motif, la sanction litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision du 23 décembre 2008, en tant qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire de 200 000 euros et a ordonné sa publication ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par l'Autorité des marchés financiers ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement au requérant d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La sanction prononcée par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers à l'encontre de M. A par la décision du 23 décembre 2008 est annulée.
Article 2 : L'Autorité des marchés financiers versera la somme de 2 000 euros à M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Autorité des marchés financiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A et à l'Autorité des marchés financiers.
Copie en sera adressée à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.