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18/06/2010 | FRANCE | N°318143

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 18 juin 2010, 318143


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 7 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES (SAPHIR), dont le siège est 24, rue du Faubourg Poissonnière à Paris (75010) ; le SAPHIR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2008 portant extension de l'accord national professionnel du 10 mai 2007 sur le traitement social des revenus complémentaires des journalistes reporters-photographes

tirés de l'exploitation de leurs oeuvres photographiques dans la pr...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 7 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES (SAPHIR), dont le siège est 24, rue du Faubourg Poissonnière à Paris (75010) ; le SAPHIR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2008 portant extension de l'accord national professionnel du 10 mai 2007 sur le traitement social des revenus complémentaires des journalistes reporters-photographes tirés de l'exploitation de leurs oeuvres photographiques dans la presse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 382-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES (SAPHIR),

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES (SAPHIR) ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, les journalistes professionnels auteurs d'oeuvres photographiques bénéficient, pour leurs revenus complémentaires tirés de l'exploitation de leurs oeuvres photographiques dans la presse, du régime général de sécurité sociale en qualité d'artistes-auteurs dans des conditions à prévoir par des accords professionnels distincts dans le secteur des agences de presse et dans celui des publications de presse ou, à l'issue d'une période de deux ans à compter de la date de promulgation de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 (...), par décret en Conseil d'Etat ; qu'eu égard à la portée que le législateur a ainsi conférée aux accords professionnels conclus sur le fondement de ces dispositions, ces accords ne peuvent produire d'effet que s'ils sont rendus obligatoires, en vertu des dispositions de l'article L. 2261-15 du code du travail, pour tous les salariés et les employeurs compris dans leur champ d'application ;

Considérant que, par un accord du 10 mai 2007, la Fédération nationale des agences de presse photos et informations et plusieurs organisations syndicales représentant les journalistes reporters-photographes ont, sur le fondement de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, fixé les conditions dans lesquelles les revenus complémentaires des journalistes des agences de presse photographiques seraient soumis aux règles du régime général de sécurité sociale ; que, par l'arrêté du 5 mai 2008 dont le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES demande l'annulation, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a, pour l'application de ce même article et en vertu des pouvoirs que lui confère l'article L. 2261-15 du code du travail, procédé à l'extension de cet accord à l'ensemble des employeurs et salariés du secteur des agences de presse photographiques ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 2261-15 du code du travail, l'extension des stipulations d'un accord professionnel ne peut intervenir qu'après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective ; que l'avis émis par la sous-commission des conventions et accords de cette commission lors de ses séances des 12 février et 22 avril 2008 rappelle la procédure suivie et les conditions de négociation ; qu'il mentionne les remarques formulées par certaines organisations syndicales et indique que l'extension a recueilli l'avis favorable de l'ensemble des organisations représentées à l'exception de l'une d'entre elles ; qu'une telle motivation répond aux exigences de l'article L. 2261-15 du code du travail ;

Considérant qu'en ayant prévu l'intervention d'accords professionnels distincts dans le secteur des publications de presse et celui des agences de presse , l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale cité ci-dessus ne faisait pas obstacle à ce que soient négociés, signés et étendus des accords professionnels portant sur des secteurs plus restreints, y compris pour des accords se fixant pour objet de fixer les conditions requises par cet article ; que le syndicat requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'en tant qu'il ne porte que sur les seules agences de presse photographiques, l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 133-8 du code du travail, devenu son article L. 2261-15, dès lors que, ainsi qu'il a été dit, il ne procède à l'extension de l'accord du 10 mai 2007 que dans le seul champ des agences de presse photographiques, couvertes par cet accord ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 2261-19 du code du travail prévoit que, pour pouvoir être étendu, un accord professionnel doit avoir été négocié et conclu en commission composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'accord en litige a été conclu à l'issue de réunions d'une commission constituée entre plusieurs organisations syndicales de salariés et une organisation d'employeur, dont la représentativité dans le secteur des agences de presse photographiques n'est pas contestée, d'autre part, que le syndicat requérant a été convié à cette négociation et a d'ailleurs participé à l'une des réunions de la commission ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté d'extension litigieux serait illégal au motif que l'accord aurait été conclu au terme d'une procédure irrégulière ;

Considérant, en troisième lieu, que si le syndicat requérant invoque la méconnaissance des règles de la libre concurrence, il n'apporte au soutien de ce moyen aucun élément précis quant aux effets de l'accord du 10 mai 2007 sur les charges d'exploitation des agences de presse ou quant au marché qui serait affecté par l'éventuelle distorsion de concurrence ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que l'accord du 10 mai 2007, pris pour l'application de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, se borne à définir la notion de revenus complémentaires tirés de l'exploitation dans la presse des oeuvres photographiques des journalistes reporters-photographes au sens de cet article ; que, par suite, les définitions d'oeuvres photographiques ou de journalistes pigistes qu'il retient doivent s'entendre comme ne valant que pour l'application de la législation de la sécurité sociale ; que, de même, en exigeant un contrat de mandat entre le journaliste et l'agence qui l'emploie ou l'établissement systématique d'un bon de commande, l'accord se borne à fixer des critères permettant de qualifier un revenu de revenu complémentaire, au sens de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale ; que ses stipulations doivent ainsi être regardées comme n'ayant ni pour objet ni pour effet d'imposer de manière générale un certain type de relations contractuelles entre les agences de presse photographiques et les journalistes photographes ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, l'arrêté qui en prononce l'extension ne méconnaît de ce fait ni les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives à la notion d'oeuvre photographique, ni les principes de liberté du commerce et de l'industrie et de liberté d'information, ni celles du code du travail relatives à la définition de journaliste professionnel ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE PHOTOGRAPHIQUES D'INFORMATION ET DE REPORTAGES et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Copie en sera adressée pour information à la Fédération nationale des agences de presse photos et informations (FNAPPI), au Syndicat national des journalistes (SNJ), au Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), à l'Union syndicale des journalistes CFDT (USJ-CFDT), au Syndicat des journalistes CFTC, au Syndicat général des journalistes FO (SGJ-FO), au Syndicat des journalistes FO et au Syndicat de la presse-communication CFE-CGC.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 318143
Date de la décision : 18/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCES CONCURRENTES DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CONTENTIEUX DE L'APPRÉCIATION DE LA LÉGALITÉ - CAS OÙ UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE NE S'IMPOSE PAS - 1) ACCORDS COLLECTIFS DONT L'ENTRÉE EN VIGUEUR EST SUBORDONNÉE À LEUR EXTENSION - OBLIGATION POUR LE JUGE - SAISI D'UN RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR CONTRE L'ARRÊTÉ D'EXTENSION - DE SE PRONONCER SUR L'ENSEMBLE DES MOYENS DE LÉGALITÉ INVOQUÉS - QUESTION PRÉJUDICIELLE - ABSENCE (SOL - IMPL - ) [RJ1] - 2) APPLICATION - ACCORDS PROFESSIONNELS RELATIFS À L'AFFILIATION DES JOURNALISTES PROFESSIONNELS AUTEURS D'OEUVRES PHOTOGRAPHIQUES AU RÉGIME GÉNÉRAL DE SÉCURITÉ SOCIALE (ART - L - 382-1 CSS).

17-04-02-02 1) Dès lors que l'entrée en vigueur d'un accord collectif de travail est subordonnée par le législateur à son extension, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté d'extension soulevant une contestation sérieuse sur la validité ou l'interprétation de ces accords, de se prononcer sur l'ensemble des moyens invoqués devant lui, et non de renvoyer au juge judiciaire l'examen d'une question préjudicielle. 2) Tel est le cas des accords professionnels conclus sur le fondement de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale (CSS), qui fixent les conditions dans lesquelles les journalistes professionnels auteurs d'oeuvres photographiques bénéficient du régime général de sécurité sociale pour une partie de leurs revenus, ces accords ne pouvant produire d'effets que s'ils sont rendus obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans leur champ d'application (extension).

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION DES CONVENTIONS COLLECTIVES - 1) ACCORDS PROFESSIONNELS RELATIFS À L'AFFILIATION DES JOURNALISTES PROFESSIONNELS AUTEURS D'OEUVRES PHOTOGRAPHIQUES AU RÉGIME GÉNÉRAL DE SÉCURITÉ SOCIALE (ART - L - 382-1 CSS) - ENTRÉE EN VIGUEUR SUBORDONNÉE À LEUR EXTENSION - EXISTENCE - 2) CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LE JUGE - SAISI D'UN RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR CONTRE L'ARRÊTÉ D'EXTENSION - DE SE PRONONCER SUR L'ENSEMBLE DES MOYENS DE LÉGALITÉ INVOQUÉS - QUESTION PRÉJUDICIELLE - ABSENCE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

66-02-02 1) Eu égard à la portée que le législateur a conférée aux accords professionnels conclus sur le fondement de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale (CSS), qui fixent les conditions dans lesquelles les journalistes professionnels auteurs d'oeuvres photographiques bénéficient du régime général de sécurité sociale pour une partie de leurs revenus, ces accords ne peuvent produire d'effets que s'ils sont rendus obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans leur champ d'application (extension). 2) Dès lors que l'entrée en vigueur de ces accords est subordonnée par le législateur à leur extension, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté d'extension soulevant une contestation sérieuse sur la validité ou l'interprétation de ces accords, de se prononcer sur l'ensemble des moyens invoqués devant lui, et non de renvoyer au juge judiciaire l'examen d'une question préjudicielle.


Références :

[RJ1]

Cf. 28 décembre 2009, Guillot, n° 311421, à mentionner aux tables. Comp., s'agissant des accords collectifs dont l'entrée en vigueur n'est pas subordonnée à leur extension, Section 4 mars 1960, Société anonyme Le Peignage de Reims, n° 39554, p. 168.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2010, n° 318143
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Alain Boulanger
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:318143.20100618
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