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30/07/2010 | FRANCE | N°316757

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 30 juillet 2010, 316757


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER, dont le siège est 15 bis rue de Dronckaert à Roncq (59223) et M. Alfred A, demeurant 15 ... ; la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 8 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 26 avril 2007 rejetan

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER, dont le siège est 15 bis rue de Dronckaert à Roncq (59223) et M. Alfred A, demeurant 15 ... ; la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 8 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 26 avril 2007 rejetant leur demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société au titre de la période de janvier 1997 à janvier 2000, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été assignée en application des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions devant la cour administrative d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 juillet 2010, présentée pour la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER et M. A ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 novembre 1966 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, modifiée notamment par la directive 91/680/CEE du 16 décembre 1991 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER et de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE TURBO'S A TRUCK CENTER et de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au titre de la période allant de janvier 1997 à mai 2000, l'administration fiscale a remis en cause les droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée exercés par la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER à raison de l'acquisition, entre juin 1998 et mars 1999, de 76 poids lourds auprès des sociétés Altus Trading et Orca International, situées comme elle en France, et que la société requérante déclarait avoir revendus sous le régime d'exonération des livraisons intracommunautaires ; que, pour remettre en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont prétendait bénéficier la société requérante, l'administration s'est fondée sur le fait qu'elle était impliquée dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER et M. A se pourvoient en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 8 avril 2008 refusant d'admettre l'intervention à l'instance de M. A et rejetant l'appel de la société requérante dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 26 avril 2007 rejetant sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de janvier 1997 à mai 2000 ainsi que de la pénalité régie par l'article 1740 ter du code général des impôts ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu le principe d'indépendance des procédures fiscale et pénale en fondant exclusivement les rappels de droits litigieux sur des éléments recueillis auprès de l'autorité judiciaire, la cour administrative d'appel de Douai a relevé d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne s'opposait à ce que l'administration fiscale exploite de tels éléments et d'autre part, que le vérificateur avait également exploité des informations communiquées par les autorités belges en application de l'assistance administrative internationale ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la cour n'aurait pas suffisamment motivé sa réponse à ce moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il appartenait à la cour d'apprécier librement s'il y avait lieu de surseoir à statuer en attendant l'issue d'une autre instance ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'irrégularité en s'abstenant de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel de Paris se soit prononcée sur les poursuites pénales diligentées contre les requérants doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne l'intervention :

Considérant qu'en se fondant, pour refuser d'admettre l'intervention de M. A, qui invoquait sa qualité de dirigeant de la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER, sur ce qu'il ne pouvait se prévaloir d'un droit propre auquel la décision de la cour administrative d'appel était susceptible de préjudicier dès lors qu'aucune imposition supplémentaire n'avait été mise à sa charge et alors même que les faits à l'origine du litige fiscal étaient identiques à ceux pour lesquels l'intervenant était poursuivi devant le juge pénal, la cour administrative d'appel de Douai n'a commis aucune erreur de droit ; qu'elle n'a pas davantage méconnu le principe de non-discrimination énoncé par l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et les stipulations des articles 54 à 58 de la convention d'application de l'accord de Schengen ;

En ce qui concerne les impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ; qu'aux termes du 4 de l'article 283 du même code : Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ; qu'aux termes du 2 de l'article 272 du code général des impôts : La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu ;

Considérant que les requérants ne sauraient, en tout état de cause, faire grief à l'arrêt attaqué d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 avril 2008, confirmé par la Cour de cassation le 7 octobre 2009, les relaxant des poursuites pénales engagées contre eux à raison des mêmes faits que ceux qui ont motivé les rappels de droits litigieux, dès lors que cet arrêt est postérieur à l'arrêt attaqué ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en méconnaissant l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Paris doit être écarté ;

Considérant qu'en relevant, par une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation, que les sociétés fournisseurs de la société requérante disposaient uniquement d'adresses de domiciliation, étaient dépourvues de moyens matériels et humains de nature à leur permettre d'effectuer des livraisons de poids lourds, que les acquisitions intracommunautaires de véhicules faites par ces sociétés, réalisées toutes taxes comprises, n'avaient donné lieu à aucune déclaration ni à aucun versement au Trésor de la taxe sur la valeur ajoutée, que la société requérante, dont l'objet social n'incluait pas la fourniture de véhicules neufs, n'avait développé cette activité spécifique que pendant une période de dix mois, concomitante à la durée d'existence de ses deux fournisseurs français, qu'alors que cette activité s'était traduite par une forte augmentation de son chiffre d'affaires, la société requérante n'apportait aucune explication à son interruption en mars 1999, que la réalité matérielle des livraisons n'était pas justifiée et que le délai écoulé entre l'achat et la revente des camions ne coïncidait pas, en raison de son extrême brièveté, avec les caractéristiques d'une telle activité, pour en déduire que l'administration apportait la preuve que la société requérante savait ou aurait dû savoir qu'elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'une erreur de droit en ne recherchant pas si le fournisseur défaillant au regard de la taxe sur la valeur ajoutée était son fournisseur direct est nouveau en cassation et n'est pas d'ordre public ; qu'il est par suite irrecevable ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1740 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des infractions : Lorsqu'il est établi qu'une personne a délivré une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % du montant de la facture ; qu'en se fondant, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, sur la circonstance que l'administration établissait le caractère fictif des factures acquittées par la société requérante auprès de ses fournisseurs pour en déduire que les factures qu'elle avait établies présentaient également un caractère fictif, dès lors qu'elles ne correspondaient pas à des livraisons réellement effectuées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, d'une part, que les dispositions précitées de l'article 1740 ter du code général des impôts proportionnaient l'amende qu'elles instituaient au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que l'amende vise à réprimer ; que le code général des impôts prévoyait, notamment en ses articles 1740 ter A et 1740 quater, d'autres pénalités, nettement différenciées par leur assiette et leur taux, applicables, comme l'amende de l'article 1740 ter, à des contraventions aux obligations des contribuables en matière de facturation ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Douai a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que les dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts n'étaient pas incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER et à M. A la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER et de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TURBO'S HOET TRUCK CENTER, à M. Alfred A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316757
Date de la décision : 30/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2010, n° 316757
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:316757.20100730
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