Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 septembre 2004 et 31 janvier 2005 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS dont le siège est 2 rue André Boulle, à Créteil (94017) ; la SOCIETE VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 4 juin 2002 rejetant sa demande en réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle reste assujettie au titre de 1999 à raison de locaux situés à Angers ;
2°) statuant au fond, de lui accorder la réduction d'imposition demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Loloum, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par acte du 30 juin 1983, la société Motorola Automobile a vendu à trois sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie en indivision un immeuble à usage industriel et de bureaux situé à Angers dont elles lui ont concédé immédiatement la jouissance pour une durée de quinze ans dans le cadre d'une opération de crédit-bail immobilier assortie d'une promesse de vente ; que le 30 juin 1998, la société VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS, venant aux droits de la société Motorola Automobile, a levé l'option d'achat ; que l'administration fiscale, estimant que cette dernière opération avait le caractère d'une cession d'établissement, a fixé la valeur locative des immobilisations corporelles servant au calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour 1999 aux quatre cinquièmes de la valeur locative de l'année précédente par application de l'article 1518 B du code général des impôts ; que la société demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui, confirmant le jugement du tribunal administratif de Nantes, a rejeté sa requête tendant à la réduction de l'imposition litigieuse ;
Considérant qu'il ressort des termes du contrat conclu le 30 juin 1983 que la vente et le crédit-bail assorti d'une promesse de vente ne portaient que sur un ensemble de bâtiments à l'exclusion de tous biens d'équipement, exploitation et notamment convoyeurs, compresseurs et installations téléphoniques ; qu'en jugeant que la levée d'option réalisée le 30 juin 1998 avait pour objet l'acquisition non pas de locaux nus à l'exclusion de tous biens d'équipement mais de bâtiments pourvus d'équipements permettant une exploitation industrielle, la cour a dénaturé les termes du contrat et, en l'absence d'autre élément d'information, les pièces du dossier ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat... ; qu'aux termes de l'article 1518 B du même code, dans sa rédaction applicable en 1999 : A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. ... / Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération... ;
Considérant, d'une part, comme il a été dit ci-dessus, que la société requérante n'a acquis, lors de la levée d'option en 1998, que des locaux nus à l'exclusion de tous les biens d'équipement ; que la cession de locaux nus ne peut être regardée comme une cession d'établissement au sens des dispositions précitées de l'article 1518 B du code général des impôts ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que la société crédit-preneuse poursuivait une activité industrielle depuis 1974 dans les locaux en cause et que les installations et outillages nécessaires à l'exploitation n'avaient pas été cédés à des tiers mais étaient sa propriété est sans incidence sur la qualification de l'opération de cession réalisée en 1998 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la valeur locative des locaux acquis en 1998 par la société requérante devait être calculée d'après leur prix d'acquisition, sans qu'il soit fait application de la règle fixée par l'article 1518 B ; que l'administration ne conteste pas que la base imposable déterminée selon les règles prévues aux articles 1388 et 1499 du code général des impôts devait être fixée à 49 451 F (7 538,76 euros) ; qu'ainsi le montant de la réduction à laquelle la société a droit, après le dégrèvement partiel obtenu en réponse à sa réclamation, s'élève à 66 365, 79 euros ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 juin 2002, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande de réduction ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre des frais exposés par la société devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 28 juin 2004 et le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 4 juin 2002 sont annulés.
Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS une réduction, à hauteur de 66 365, 79 euros, de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de 1999 à raison des locaux industriels dont elle est propriétaire à Angers.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.