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24/11/2003 | FRANCE | N°250436

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 24 novembre 2003, 250436


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre 2002 et 20 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LE CADORET, dont le siège est au camping Chadotel , 90, avenue Clemenceau à Jard-sur-Mer (85520), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE LE CADORET demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 23 juillet 2002 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui, annulant le jugement en date du 30 novembre 2000 du tribunal administratif de Poitiers, a rejeté sa demand

e de condamnation de la commune de Fouras (Charente-Maritime) à lui v...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre 2002 et 20 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LE CADORET, dont le siège est au camping Chadotel , 90, avenue Clemenceau à Jard-sur-Mer (85520), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE LE CADORET demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 23 juillet 2002 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui, annulant le jugement en date du 30 novembre 2000 du tribunal administratif de Poitiers, a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Fouras (Charente-Maritime) à lui verser une indemnité de 4 926 443 F (751 031,39 euros) en conséquence de la résiliation du contrat de concession la liant à la commune pour l'exploitation du camping municipal du Cadoret, rejetant de surcroît les conclusions de son appel incident tendant à l'augmentation de l'indemnité de 2 614 604 F (398 593,81 euros) allouée par le tribunal administratif ainsi que sa demande tendant à l'exécution du jugement dudit tribunal ;

2°) de régler l'affaire au fond et de condamner la commune de Fouras à lui payer une indemnité de 522 358 euros avec les intérêts de droit à compter du 28 octobre 1998 et la capitalisation de ces intérêts courus depuis plus d'un an ;

3°) de condamner en outre la commune à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de la SOCIETE LE CADORET et de Me Odent, avocat de la commune de Fouras,

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commune de Fouras a résilié le 29 décembre 1995 le contrat par lequel elle avait concédé, à partir du 1er mars 1991, l'exploitation du terrain de camping municipal dit du Cadoret à la SOCIETE LE CADORET ; que par jugement en date du 30 novembre 2000 le tribunal administratif de Poitiers a accordé à cette société une indemnité de 2 614 604 F (398 593,81 euros) mais que, sur appel de la commune, la cour administrative d'appel de Bordeaux a par un arrêt en date du 23 juillet 2002 annulé ce jugement et refusé toute indemnité à la SOCIETE LE CADORET ;

Considérant qu'en vertu de l'article 3 du cahier des charges régissant la concession, le concédant pouvait résilier celle-ci en cas de non respect des clauses contractuelles ; que l'article 4 n'excluait l'indemnisation du concessionnaire que dans le cas de faute grave de sa part ; que par suite la cour administrative d'appel de Bordeaux a dénaturé la portée de cette pièce soumise à son examen en écartant tout droit de la SOCIETE LE CADORET à une indemnisation au motif que celle-ci avait manqué à ses obligations contractuelles, sans rechercher si elle avait commis une faute grave ; qu'il y a lieu par suite d'annuler l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que selon le contrat de concession le terrain de camping du Cadoret devait accueillir deux types d'habitations légères de loisirs, d'une part des chalets de bois au nombre maximal de 60, d'autre part des résidences mobiles au nombre de 35 au maximum, ces deux limites numériques pouvant être relevées après cinq ans d'application de la concession ; qu'en fait la réalisation des chalets s'est révélée impossible à cause des dispositions communales d'urbanisme et que, par contre, ont été implantées dès les premières années de la concession des résidences mobiles nombreuses et groupées, atteignant le nombre de 140 environ à partir de la saison touristique 1994, cependant que par ailleurs le concessionnaire réalisait d'importants investissements dans les infrastructures et les équipements de ce terrain municipal ;

Considérant toutefois que lors des réunions de la commission conjointe des 19 mai 1994 et 20 octobre 1995 les représentants de la commune, admettant que cet accroissement des habitations légères de loisir pouvait favoriser la politique touristique municipale, se sont bornés à négocier pour augmenter fortement la redevance due par le concessionnaire en contrepartie d'une autorisation formelle de cet accroissement ; que c'est seulement après l'échec de cette discussion que le maire a, le 20 novembre 1995, résilié la concession ; que dans ces conditions l'inobservation par la SOCIETE LE CADORET de son obligation relative à la limitation du nombre total d'habitations légères de loisir ne peut être qualifiée de faute grave excluant toute indemnité ; que par suite la commune de Fouras n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement en date du 30 novembre 2000 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il reconnaît à la SOCIETE LE CADORET le droit d'être indemnisée du préjudice résultant pour elle de la résiliation de la concession ;

Considérant que la commune de Fouras n'apporte aucune justification à l'appui de ses conclusions, d'ailleurs non chiffrées, tendant à la réduction du montant de 2 614 604 F (398 593,81 euros) retenu par les premiers juges, sur la base de documents comptables non contestés, quant à la valeur non encore amortie des immobilisations réalisées par la SOCIETE LE CADORET ; que celle-ci ne présente pas davantage d'éléments probants au soutien de sa demande incidente d'ajouter à la somme mentionnée ci-dessus un montant de 117 621 F (17 931,20 euros) représentant la valeur résiduelle de certains équipements qu'elle aurait abandonnés ; que par suite la somme déterminée par le jugement du tribunal administratif de Poitiers doit être entièrement confirmée, l'indemnité ainsi fixée devant porter intérêts à compter du 28 octobre 1998 ; que les intérêts échus doivent être capitalisés à compter du 19 septembre 2002, date à laquelle cette capitalisation a été demandée par la SOCIETE LE CADORET, puis à chaque échéance annuelle à partir de cette date, sans qu'il soit besoin pour la société requérante de formuler une nouvelle demande ;

Sur les conclusions présentées devant la juridiction d'appel par la SOCIETE LE CADORET tendant à la prise de mesures d'exécution du jugement du tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 reproduit à l'article L. 911-9 du code de justice administrative : Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet à la SOCIETE LE CADORET, en cas d'inexécution de la présente décision dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que la commune de Fouras est condamnée à lui verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction présentées par la société requérante devant la cour administrative d'appel ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE LE CADORET, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Fouras la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune de Fouras à verser à la SOCIETE LE CADORET la somme de 4 000 euros que celle-ci demande au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 23 juillet 2002 est annulé.

Article 2 : L'appel formé par la commune de Fouras devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.

Article 3 : Les intérêts de la somme de 398 593,81 euros que la commune de Fouras est condamnée à payer à la SOCIETE LE CADORET en application du jugement en date du 30 novembre 2000 du tribunal administratif de Poitiers porteront eux-mêmes intérêts à compter du 19 septembre 2002. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : La commune de Fouras est condamnée à payer la somme de 4 000 euros à la SOCIETE LE CADORET au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE LE CADORET et de son appel incident devant la cour administrative d'appel est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LE CADORET, à la commune de Fouras et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 250436
Date de la décision : 24/11/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-07-01-02 PROCÉDURE - JUGEMENTS - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - ASTREINTE - REJET AU FOND - CONDAMNATION AU VERSEMENT D'UNE SOMME PAR UNE DÉCISION JURIDICTIONNELLE PASSÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE - POSSIBILITÉ POUR LA PARTIE PERDANTE D'OBTENIR LE MANDATEMENT D'OFFICE DE LA SOMME FAUTE DE PAIEMENT DANS LE DÉLAI PRESCRIT (ART. L. 911-9 DU CODE DE JUSTICE ADMINISRATIVE) - CIRCONSTANCE FAISANT OBSTACLE AU PRONONCÉ D'UNE INJONCTION SOUS ASTREINTE - EXISTENCE [RJ1].

54-06-07-01-02 Dès lors que les dispositions du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980, reproduites à l'article L. 911-9 du code de justice administrative, permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que la partie perdante est condamnée à lui verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la première tendant à ce qu'il soit enjoint à celle-ci, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de payer cette somme sous astreinte.


Références :

[RJ1]

Cf. 6 mai 1998, Lother, T. p. 1115.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 2003, n° 250436
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : ODENT ; RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:250436.20031124
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