Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistrés les 15 mai et 13 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 8 février 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 14 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Nice a accordé à M. et Mme Aldo X la décharge des rappels d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1991 et 1992 ainsi que des intérêts de retard au titre de l'année 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et l'Italie le 29 octobre 1958 ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Principauté de Monaco le 18 mai 1963 ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume Uni le 22 mai 1968 ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et l'Italie le 5 octobre 1989 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 164 C du code général des impôts : Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers, sont assujetties à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme X, qui sont respectivement de nationalité italienne et britannique, résident à Monaco ; qu'à l'issue du contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, l'administration fiscale a constaté qu'ils disposaient en 1991 et 1992 de deux habitations situées à Roquebrune Cap Martin et à Isola 2000 ; que, par notification de redressement adressée à M. et Mme X le 30 avril 1993, ils ont été informés de ce que l'administration envisageait de les assujettir à l'impôt sur le revenu en application de l'article 164 C du code général des impôts sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle des deux habitations dont ils disposaient pendant les années 1991 et 1992 ; que M. et Mme X ont été assujettis à des rappels d'impôt sur le revenu au titre des années 1991 et 1992 assortis d'intérêts de retard au titre de 1991 ; que la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 8 février 2000, confirmé le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mai 1998 qui avait accordé la décharge de ces impositions, ainsi que des intérêts de retard, au motif qu'elles étaient contraires aux clauses de non-discrimination contenues dans les conventions fiscales franco-italienne et franco-britannique ;
En ce qui concerne l'année 1991 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;
Considérant que M. et Mme X ont invoqué respectivement les clauses de non-discrimination contenues dans les conventions franco-italienne et franco-britannique ;
Considérant qu'en 1991 était applicable la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 et non la convention franco-italienne du 5 octobre 1989, qui n'est applicable à l'impôt sur le revenu, en vertu de son article 31, qu'à compter des impositions au titre de 1992 ; que la cour administrative d'appel a donc commis une erreur de droit en jugeant que la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 était applicable dès l'année 1991 ; que son arrêt doit être annulé en tant qu'il a prononcé la décharge des impositions et des intérêts de retard auxquels M. et Mme X ont été assujettis au titre de l'année 1991 sur le fondement de l'article 164 C du code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention du 29 octobre 1958 : La présente convention est applicable aux personnes physiques domiciliées en France ou en Italie (...) ; que l'article 22 bis, ajouté le 6 décembre 1965 par un avenant modifiant la convention franco-italienne, stipule que : Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article 1er et de l'article 22 bis que la clause de non-discrimination contenue à l'article 22 bis de la convention franco-italienne n'était applicable qu'aux nationaux des Etats contractants qui résidaient dans l'un des Etats contractants ; qu'elle n'était pas invocable par M. X, qui résidait à Monaco ; que, si le tribunal administratif de Nice a jugé à bon droit que la convention franco-italienne du 29 octobre 1958 était applicable aux impositions établies au titre de l'année 1991, il a cependant commis une erreur de droit en jugeant que cette convention pouvait être invoquée par M. X, qui ne résidait pas dans l'un des Etats contractants ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués en première instance et en appel par M. et Mme X ;
Sur les textes applicables :
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 : 1. Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui soit différente ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. 2. Le terme national désigne : a) en ce qui concerne le Royaume Uni, tout citoyen britannique ou tout sujet britannique ne possédant pas la citoyenneté d'un autre pays ou territoire du Commonwealth, à condition qu'il bénéficie d'un droit de séjour au Royaume Uni, et toute personne morale, société de personnes, association ou autre entité constituée conformément à la législation en vigueur au Royaume Uni ; que la convention franco-britannique ne contient aucun article limitant son champ d'application aux seuls nationaux résidents de l'un des Etats contractants ; que l'article 25 est applicable aux nationaux britanniques, même s'ils ne résident pas dans l'un des Etats contractants, comme l'administration l'a d'ailleurs reconnu dans une instruction du 14 avril 1970 ; que Mme X entre donc dans le champ de la clause de non-discrimination contenue à l'article 25 précité ;
Considérant qu'en revanche, ainsi qu'il a été dit, M. X n'est pas fondé à invoquer pour l'année 1991 les stipulations de l'article 22 bis de la convention franco-italienne du 25 octobre 1958 ; qu'il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 11 mars 1994 qui commente l'article 25 de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que l'article 7 de la convention franco-monégasque conclue le 18 mai 1963 stipule que : 1. Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France ;
Considérant que l'article 25 de la convention fiscale franco-britannique s'oppose à ce que les nationaux de l'un des Etats contractants soient imposés différemment de nationaux de l'autre Etat contractant placés dans la même situation ; que l'existence éventuelle d'une violation de cette clause de non-discrimination s'apprécie en prenant en compte non seulement les dispositions fiscales de droit interne mais également les règles fiscales qui pourraient découler d'autres conventions fiscales ; que Mme X, résidente de Monaco depuis 1982, était dans la même situation qu'un ressortissant français résidant à Monaco depuis la même année, et disposant également d'une habitation en France ; que l'application combinée de l'article 164 C du code général des impôts et du paragraphe 1 de l'article 7 de la convention franco-monégasque a conduit l'administration fiscale à soumettre Mme X à l'imposition d'un revenu forfaitaire égal à trois fois la valeur locative réelle des habitations dont elle disposait en France, alors qu'un ressortissant français résidant à Monaco n'aurait pas été soumis à cette imposition ; que cette différence d'imposition ne résulte que d'une différence de nationalité ; que Mme X est donc fondée à soutenir que c'est en violation de l'article 25 de la convention franco-britannique qu'elle a été assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 164 C du code général des impôts au titre de l'année 1991 ;
Considérant en revanche qu'il n'est pas contesté que M. X, qui avait son domicile fiscal à Monaco, a disposé de deux habitations situées à Roquebrune Cap Martin et à Isola 2000 ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de l'article 164 C du code général des impôts ; qu'il ne soutient pas avoir disposé de revenus de source française supérieurs à cette base ; qu'ainsi c'est à bon droit qu'il a été assujetti pour l'année 1991 à l'impôt sur le revenu en application de l'article 164 C du code général des impôts ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accordé à M. et Mme X la décharge des impositions et des intérêts de retard établis au titre de l'année 1991 ;
En ce qui concerne l'année 1992 :
Considérant que la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 est applicable aux impositions à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1992 ; que son article 25 stipule que : 1. Les nationaux d'un Etat, qu'ils soient ou non résidents de l'un des Etats, ne sont soumis dans l'autre Etat à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat qui se trouvent dans la même situation ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article que M. X peut se prévaloir de ses stipulations alors même qu'il n'était pas résident de l'un des Etats contractants ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'assujettissement de M. et Mme X à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 164 C du code général des impôts est contraire au principe de non-discrimination invocable pour l'année 1992 sur le fondement des article 25 des conventions franco-britannique du 22 mai 1968 et franco-italienne du 5 octobre 1989 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est donc pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Marseille aurait commis une erreur de droit en prononçant, par l'arrêt attaqué, la décharge de l'imposition à laquelle M. et Mme X ont été assujettis au titre de l'année 1992 ;
Sur les conclusions de M. et Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X une somme de 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 8 février 2000 est annulé en tant qu'il a statué sur l'imposition à l'impôt sur le revenu et les intérêts de retard auxquels ont été assujettis M. et Mme X au titre de l'année 1991.
Article 2 : La cotisation d'impôt sur le revenu et les intérêts de retard auxquels M. et Mme X ont été assujettis au titre de l'année 1991 sont remis à leur charge.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 14 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. et Mme Aldo X.