Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 mai 1994 et 15 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 17 mars 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 19 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer avec intérêts, une somme de 1 218 830 F en réparation du préjudice que lui a causé le déclassement de ses terrains dans le plan d'occupation des sols de la commune de Béthemont-la-Forêt ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son protocole additionnel ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 160-5 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Costa, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, "N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code ... et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte aux droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage matériel, direct et certain ..." ;
Considérant que M. X... critique l'arrêt attaqué pour n'avoir pas écarté ces prescriptions législatives au motif qu'elles seraient incompatibles avec l'article 1er du Protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui stipule : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. - Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ..." ;
Considérant que si les stipulations ci-dessus reproduites ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ;
Considérant que, d'une part, l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme subordonne le principe qu'il édicte de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme à la condition que celles-ci aient été instituées légalement, aux fins de mener une politique d'urbanisme conforme à l'intérêt général et dans le respect des règles de compétence, de procédure et de forme prévues par la loi ; que, d'autre part, cet article ne pose pas un principe général et absolu, mais l'assortit expressément de deux exceptions touchant aux droits acquis par les propriétaires et à la modification de l'état antérieur des lieux ; qu'enfin, cet article ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme serait incompatible avec les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il ne ressort pas du dossier soumis aux juges du fond que ni par son contenu ni par les conditions dans lesquelles il est intervenu le classement des terrains de M. X... en zone inconstructible par le plan d'occupation des sols de la commune de Béthemont-la-Forêt ait fait peser sur le requérant une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles reposait ce document d'urbanisme ; que c'est, par suite, par une exacte qualification des faits de la cause, contrairement à ce que soutient le requérant, que la cour administrative d'appel a considéré que M. X... n'avait pas droit à indemnité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 17 mars 1994 de la cour administrative d'appel de Paris ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.