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28/01/1986 | FRANCE | N°84-95184

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 janvier 1986, 84-95184


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... (Monique) veuve Y..., partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, Chambre correctionnelle, en date du 11 octobre 1984 qui, dans les poursuites suivies contre Z... (Eric) du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 108, 214, 1537 et 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'

arrêt infirmatif attaqué a décidé que Mme veuve Y... n'avait subi aucun p...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... (Monique) veuve Y..., partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, Chambre correctionnelle, en date du 11 octobre 1984 qui, dans les poursuites suivies contre Z... (Eric) du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 108, 214, 1537 et 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a décidé que Mme veuve Y... n'avait subi aucun préjudice patrimonial du fait du décès accidentel de son mari,
" aux motifs que M. et Mme Y..., mariés en 1979 sous le régime de la communauté des biens réduite aux acquêts ont, sur leur demande, été placés sous le régime de la séparation de biens, par jugement du 2 mars 1982 ; que les époux Y... vivaient dans des domiciles séparés ; qu'un compte joint leur a été ouvert le 29 juillet 1982, date du décès de M. Y... ; qu'aucune déclaration conjointe de revenus n'a pu être faite par les époux Y... après le prononcé du jugement susvisé ; que dans le courant de l'année 1981, Mme Y... est devenue commerçante ; qu'à la date du décès de son mari, elle avait des revenus sensiblement égaux à ceux de son mari ; qu'un changement de situation des époux, envisagé en termes vagues, appartient au domaine des hypothèses et ne justifie pas la somme de 160 000 F allouée par le tribunal et encore moins celle de 415 387,50 F qu'elle demande ;
" alors que la circonstance que M. et Mme Y... aient adopté le régime de la séparation de biens et aient vécu dans des domiciles distincts était à elle seule sans incidence sur l'existence du lien conjugal ;
" qu'en se fondant sur ces seuls éléments qui n'établissaient pas que toute communauté de vie avait cessé entre les époux, pour dénier l'existence de tout préjudice économique subi par Mme Y..., la Cour a insuffisamment motivé sa décision ;
" alors, en tout état, que même séparés de biens et vivant dans des domiciles distincts, chacun des époux est tenu de contribuer aux charges du mariage selon ses facultés, même si son conjoint n'est pas dans le besoin ;
" d'où il suit que la Cour ne pouvait dénier l'existence de tout préjudice économique subi par Mme Y... qui, en l'état des constatations de l'arrêt, pouvait se prévaloir de la perte du montant du salaire de son mari dans la mesure où il constituait sa contribution à l'entretien du ménage " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 212 du Code civil ;
Attendu que si les juges apprécient souverainement le préjudice causé par l'infraction à celui qui s'en prétend victime, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ;
Attendu que les époux peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ; qu'ils se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance, et qu'ils contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives ;
Attendu que statuant sur les conséquences dommageables d'un accident dont Z..., reconnu coupable d'homicide involontaire sur la personne de Michel Y..., avait été déclaré entièrement responsable, la Cour d'appel, pour rejeter la demande en réparation du préjudice économique invoqué par Monique X... Veuve Y..., énonce que les époux Y...vivaient lors de l'accident dans des domiciles distincts et que, mariés en 1979 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, ils avaient opté peu de temps avant les faits pour le régime de la séparation de biens ; qu'elle observe ensuite que lesdits époux avaient ouvert un compte joint dans une banque le jour même du décès de Michel Y... ; qu'elle ajoute enfin que Monique X..., devenue commerçante en 1981, percevait des revenus professionnels " au moins sensiblement égaux à ceux de son mari ", et " qu'un changement de situation des époux, envisagé en des termes vagues et généraux, appartient au domaine des hypothèses " ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, et alors que les circonstances relevées par l'arrêt attaqué n'établissaient nullement que toute communauté de vie avait cessé entre les conjoints et que les devoirs et droits nés du mariage avaient pris fin, les juges du second degré ont méconnu les textes et principes susvisés ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction entre les motifs et le dispositif ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré, dans son dispositif, Mme Y... mal fondée en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, tout en constatant qu'il n'apparaissait pas équitable de laisser à la charge de Mme veuve Y... les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens, entachant ainsi son arrêt d'une contradiction entre les motifs et le dispositif " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; qu'une contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ;
Attendu que des motifs de l'arrêt attaqué il résulte que les juges d'appel ont estimé qu'il n'était pas équitable de laisser à la charge de la partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens ; que néanmoins, dans son dispositif, le même arrêt déboute Monique X... de sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Qu'il s'ensuit qu'en raison de cette contradiction, la cassation de l'arrêt attaqué est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 11 octobre 1984, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice économique et la demande fondée sur les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Agen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-95184
Date de la décision : 28/01/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice certain - Perte du droit de secours - Conjoints ayant des domiciles distincts.

Voir le sommaire suivant.

2) ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice certain - Perte de la contribution aux charges du mariage - Conjoints ayant des domiciles distincts.

Encourt la cassation l'arrêt qui, pour écarter la demande en réparation du préjudice économique invoqué par une veuve à la suite du décès accidentel de son mari, se fonde sur l'absence de communauté de vie des conjoints qu'il déduit notamment du fait que ceux-ci vivaient dans des domiciles distincts, alors que les obligations de secours et de contribution aux charges du mariage subsistaient entre les époux (1).


Références :

Code civil 108, 214, 1382, 1537

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, 11 octobre 1982

A rapprocher : (1). Cour de cassation, chambre criminelle, 1985-05-22, Bulletin criminel 1985 N. 197 p. 502 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jan. 1986, pourvoi n°84-95184, Bull. crim. criminel 1986 N° 35 p. 81
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 35 p. 81

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Berthiau Conseiller le plus ancien faisant fonctions
Avocat général : Av.Gén. M. Rabut
Rapporteur ?: Rapp. M. Guirimand
Avocat(s) : Av. demandeur : Me Ancel, Me Blanc

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.95184
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