Attendu que Claude Y... est décédé le 15 octobre 1990 ; qu'il laissait sa veuve, Mme Z..., trois enfants issus de leur mariage, Claude-Julien, Ariane et Marisa Y..., ainsi que trois enfants nés de deux mariages précédents, John Y..., Anne-Marie, épouse A..., et Marie-Thérèse, épouse X... ; qu'à la requête de ces deux dernières, le président du tribunal de Paris a, par ordonnance du 19 novembre 1990, nommé un administrateur provisoire de la succession avec mission, notamment, de faire l'inventaire des biens meubles et immeubles, situés tant en France qu'à l'étranger, " dont Claude Y... disposait de son vivant, qu'il en ait, ou non, fait donation ", et de faire tous actes d'administration nécessaires ; que, se prévalant de la qualité d'exécuteur testamentaire qui leur avait été reconnue par une décision du " tribunal de successions et de tutelles du comté de New-York ", saisi d'une procédure d'homologation du testament de Claude Y..., Mme Z... et M. Claude-Julien Y... ont saisi le président du tribunal de Paris pour qu'il rétracte son ordonnance du 19 novembre 1990 ; que, le 4 juillet 1991, ce magistrat a rétracté sa décision à l'exception des dispositions relatives à l'établissement d'un inventaire des biens à la date du décès ; que Mmes A... et X... ont formé appel ; que Mme Z... et ses enfants, agissant en leurs noms personnels et en leur qualité d'exécuteur testamentaire, ont encore saisi le juge des référés pour voir dire que les mesures prises par l'administrateur provisoire étaient devenues sans effet par suite de la rétractation de l'ordonnance du 19 novembre 1990, de sorte que les sociétés dont ils étaient créanciers devaient leur verser les sommes leur revenant ; que John Y... est intervenu ; que, le 20 août 1991, le juge des référés a ordonné que les sommes dues par les sociétés qu'il désignait, " tant à la succession de Claude Y... qu'à ses héritiers ", et " à quelque titre que ce soit ", seraient placées sous séquestre ; que les demandeurs ont formé appel de cette décision ; que l'arrêt attaqué (Paris,8 novembre 1991) a joint les deux procédures ; qu'infirmant l'ordonnance du 4 juillet 1991, la cour d'appel a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 19 novembre 1990 et a complété cette dernière en précisant que l'administrateur provisoire pourrait, " notamment en France ", gérer et administrer les biens dépendant de la succession, y inclus les valeurs ou titres ayant fait l'objet de donations et susceptibles d'être rapportables, et qu'il en percevrait les fruits ; que la cour d'appel a, d'autre part, confirmé l'ordonnance du 20 août 1991 ;
Sur le premier moyen, qui est recevable, pris en ses huit branches :
Attendu que Mme Z..., veuve de Claude Y..., et leurs enfants reprochent à la cour d'appel d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, que, d'abord, en faisant d'office application de l'article 815-6 du Code civil, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'intérêt commun des indivisaires, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de deuxième part, la désignation et les pouvoirs des personnes chargées de l'administration de la succession sont soumis à la loi successorale, de sorte qu'en faisant application de l'article 815-6 du Code civil, bien qu'elle eût constaté que la loi successorale n'était pas déterminée, la cour d'appel a méconnu la règle de conflit précitée ; alors que, de troisième part, elle a fait une fausse application de l'article 815-6 du Code civil en l'état de l'indétermination de la loi successorale et de l'incertitude pesant sur l'identité des indivisaires, l'héritier, régulièrement exhérédé au regard de la loi étrangère applicable à la succession, qui exerce sur les biens situés en France son droit de prélèvement, ne participant pas à l'indivision ; alors que, de quatrième part, la cour d'appel, qui avait constaté que la loi applicable à la succession et à son administration n'était pas déterminée, ne pouvait désigner un administrateur chargé de la gestion de tous les biens en quelque lieu qu'ils se trouvent, sans violer les articles 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile et la règle de conflit ; alors que, de cinquième part, la cour d'appel avait constaté que la juridiction américaine avait confirmé à titre provisoire la qualité d'exécuteur testamentaire de Mme Z... et de M. Claude-Julien Y... ; que cette décision produisant ses effets en France, nonobstant l'absence d'exequatur et l'indétermination de la loi applicable à la succession et à son administration, le juge des référés ne pouvait désigner un administrateur de la succession doté de prérogatives concurrentes sans méconnaître les règles applicables à la reconnaissance internationale des jugements ; alors que, de sixième part, la cour d'appel, en se bornant à relever que les exécuteurs testamentaires pourraient se faire envoyer en possession de leurs legs par le juge américain, a statué par motifs inopérants et n'a pas caractérisé l'urgence ou l'existence d'un dommage imminent, privant sa décision de base légale au regard des articles 815-6 du Code civil,808 et 809 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de septième part, la cour d'appel ne s'est pas expliquée, comme elle y était invitée, sur le contrôle judiciaire exercé sur l'administration de la succession par la juridiction américaine et les garanties de bonne administration apportées par les exécuteurs testamentaires ; alors, enfin, qu'en l'absence de désignation de la loi américaine pour régir la succession et d'exequatur de la décision désignant les exécuteurs testamentaires, ceux-ci ne pouvaient se faire envoyer en possession des biens situés en France et le droit français ne permettant pas à l'exécuteur testamentaire d'exercer ses droits sur la réserve, la cour d'appel n'a pas caractérisé le risque de détournement allégué privant sa décision de base légale au regard des textes précités ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté l'existence d'un litige quant à la détermination de la loi successorale applicable, la juridiction des référés, qui n'avait pas le pouvoir de trancher cette difficulté, pouvait néanmoins prescrire, à titre conservatoire, les mesures urgentes nécessaires à la protection des droits éventuels que les héritiers pouvaient tirer de la loi française ; que l'existence d'une décision de justice étrangère nommant exécuteurs testamentaires Mme Z... et M. Claude-Julien Y... ne faisait pas obstacle à ce que le juge français fasse usage de son pouvoir d'apprécier si cette mesure protégeait suffisamment les intérêts des descendants exhérédés au profit de ces mêmes personnes, en méconnaissance des dispositions du droit français ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que l'intérêt commun des cohéritiers rendait nécessaire que fût immédiatement ordonnée une mesure de séquestre et désigné un administrateur provisoire de la succession, " notamment sur le territoire français ", rien ne s'opposant à ce que les pouvoirs de cet administrateur puissent le conduire, dans la mesure où ils seraient reconnus sur un territoire étranger, à y effectuer des actes conservatoires qui trouveraient nécessairement leur limite dans le respect de la loi et des décisions judiciaires locales ; que, ce faisant, la cour d'appel n'a pas relevé d'office le moyen tiré de l'article 815-6 du Code civil, dont tous les éléments d'application avaient fait l'objet d'une discussion contradictoire, Mme Z... et ses enfants ayant notamment soutenu qu'ils avaient les mêmes intérêts que les enfants des premiers lits et que, la gestion de la succession étant assurée, les mesures prescrites par le président du tribunal de Paris n'étaient pas justifiées par l'urgence ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, qui est recevable :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir précisé et complété la mission de l'administrateur, alors que, selon le moyen, le juge saisi en référé d'une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête n'a que la faculté de rétracter celle-ci ; que l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire les mesures antérieurement ordonnées à l'initiative de l'une des parties en l'absence de son adversaire ; que la saisine du juge doit être nécessairement définie dans les limites de cet objet, de sorte que la cour d'appel ne pouvait déclarer recevables les demandes additionnelles des requérants sans violer l'article 497 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance désignant un administrateur provisoire est investi des pouvoirs appartenant à l'auteur de l'ordonnance ; que c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré recevable la demande aux fins d'extension de la mission de l'administrateur provisoire qui avait été désigné par l'ordonnance rendue sur requête, partiellement rétractée par l'ordonnance dont il avait été formé appel ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.