Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier 1990 et 29 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Busy (Doubs) ; la commune de Busy demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement, en date du 27 novembre 1989, par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du maire de Busy refusant d'abroger son arrêté du 10 septembre 1987 ;
2°) de rejeter le déféré du préfet du Doubs présenté devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de la commune de Busy,
- les conclusions de M. Descoings, Commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non recevoir opposées par la commune de Busy au déféré du préfet du Doubs devant le tribunal administratif de Besançon :
Considérant que, si la lettre du maire de Busy, en date du 27 juillet 1989, répondant à la lettre du préfet du Doubs, en date du 28 juin 1989, lui demandant d'abroger l'arrêté du 10 septembre 1987, ne peut, eu égard à ses termes, être regardée comme une décision susceptible de recours, une décision implicite de rejet est résultée du silence gardé pendant quatre mois par le maire sur la demande du préfet ; que l'intervention de cette décision implicite a eu pour effet de lier le contentieux pendant l'instance engagée devant le tribunal administratif de Besançon par un déféré du préfet ;
Considérant que l'autorité compétente saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal est tenue d'y déférer, soit que le règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; qu'une telle demande peut être faite à tout moment et sans condition de délai à l'autorité compétente ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'affirme la commune de Busy, la demande du préfet du Doubs, en date du 28 juin 1989, tendant à ce que le maire de Busy abroge son arrêté du 10 septembre 1987 interdisant sur le territoire de la commune la circulation des engins blindés à chenilles, n'était pas tardive ;
Considérant qu'aux termes des deux derniers alinéas de l'article 26 de la loi du 7 janvier 1983 : "Si le représentant de l'Etat estime qu'un acte pris par les autorités communales, départementales et régionales, soumis ou non à l'obligation de transmission, est de nature à compromettre de manière grave le fonctionnement ou l'intégrité d'une installation ou d'un ouvrage intéressant la défense, il peut en demander l'annulation par la juridiction administrative pour ce seul motif. Le représentant de l'Etat dans le département ou dans la région défère l'acte en cause, dans les deux mois suivant sa transmission ou sa publication, à la section du contentieux du Conseil d'Etat, compétente en premier et dernier ressort. Il assortit si nécessaire son recours d'une demande de sursis à exécution ; le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet, statue dans un délai de 48 heures" ; que la décision litigieuse du maire de Busy ne constituant pas, au sens de ces dispositions, un acte de "nature à compromettre de manière grave le fonctionnement ou l'intégrité d'une installation ou d'un ouvrage intéressant la défense", la procédure qu'elles prévoient n'était pas applicable ; qu'ainsi la commune de Busy n'est pas fondée à soutenir que la possibilité d'utiliser la procédure particulière prévue par ces dispositions faisait obstacle à ce que le préfet du Doubs pût, dans le cadre de la procédure de droit commun de contrôle de la légalité des actes des collectivités locales, déférer ladite décision au tribunal administratif de Besançon ;
Sur la légalité de la décision litigieuse du maire de Busy :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 26 de la loi du 7 janvier 1983 susmentionnée : "Les collectivités territoriales exercent leurs compétences propres dans le respect des sujétions imposées par la défense nationale" et qu'en vertu des dispositions des articles L.131-1 à L.131-4 du code des communes le maire peut réglementer la circulation des véhicules sur le territoire de la commune, en vue d'assurer le bon ordre, la sûreté et la sécurité publiques ; qu'il résulte de la combinaison desdites dispositions que ce pouvoir de réglementation doit être exercé dans le respect des sujétions imposées par la défense nationale ;
Considérant que la circulation d'engins blindés entre le camp du Valdahon et l'école des ponts de Thoraise est indispensable aux activités d'entraînement et de formation des unités qui stationnent dans ce camp ; qu'elle constitue à ce titre une sujétion imposée par la défense nationale de nature à limiter les pouvoirs de police du maire d'une commune qui, comme la commune de Busy, est traversée par le chemin départemental emprunté habituellement par les véhicules militaires ;
Considérant que, si les engins blindés à chenilles occasionnent en traversant la commune de Busy d'importants dommages à la voirie et entraînent des nuisances pour les immeubles riverains, cette circonstance n'était pas, par elle-même, de nature à justifier légalement l'interdiction faite aux engins blindés de traverser le territoire de ladite commune, dès lors, notamment, qu'il ressort des pièces du dossier que la réalisation de travaux d'aménagement appropriés, permettrait de prévenir de tels dommages et que l'utilisation d'autres itinéraires entraînerait pour les véhicules militaires et pour les usagers normaux des voies publiques des inconvénients tels qu'ils ne peuvent être regardés comme des itinéraires de substitution appropriés ;
Considérant que, dans ces conditions, le maire de Busy, en interdisant le passage d'engins blindés à chenille sur le territoire de sa commune, a méconnu les sujétions de la défense nationale qui s'imposent à lui dans l'exercice de son pouvoir de police ; et que, par suite, il était tenu, à la demande du préfet du Doubs, d'abroger son arrêté au 10 septembre 1987 édictant une telle interdiction ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Busy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision de son maire refusant d'abroger son arrêté du 10 septembre 1987 ;
Article 1er : La requête de la commune de Busy est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Busy, au préfet du Doubs et au ministre de l'intérieur.