LA COUR :
Sur le premier moyen :
Attendu que Frauciel, gardien de nuit à l'usine de la Société Général Motors France, étant décédé le 21 mars 1965 dans son poste de gardiennage, des suites de l'ingestion d'un composé cyanuré, la Caisse Primaire centrale d'Assurance Maladie de la région parisienne a reconnu à ce décès un caractère professionnel ; que l'arrêt attaqué a rejeté le recours formé par la Société Général Motors France contre cette décision ;
Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué, aux motifs que le décès était survenu au temps et au lieu du travail, à un moment où la victime n'avait pas abandonné ses fonctions et ne s'était pas soustraite entièrement à l'autorité de l'employeur, alors que, d'une part, il ne s'agit pas d'un accident produit par une cause étrangère à la victime, mais d'un acte volontaire de celle-ci ; que, d'autre part, il n'entrait pas dans l'exercice normal des fonctions de la victime de prendre au laboratoire, dans une armoire destinée à contenir des produits toxiques qu'elle n'était pas autorisée à manipuler, la substance cyanurée dont l'absorption a causé la mort ; qu'enfin la direction ne l'autorisant pas à se servir dudit produit pour quelque usage que ce soit, la victime s'était soustraite à l'autorité de son employeur en accomplissant un acte interdit ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que le décès de Frauciel, survenu dans le local à un moment où il assurait son service, était présumé imputable au travail, les juges du fond, recherchant les circonstances dans lesquelles il était survenu, relèvent que l'hypothèse de l'absorption volontaire par Frauciel d'un produit nocif ne constituait qu'une simple supposition et que celle de l'ingestion accidentelle dudit produit ne pouvait être écartée ; qu'ils observent que s'il était "probable" qu'il avait "apporté à un moment indéterminé de la nuit, la boîte de poison, Frauciel qui en raison de ses fonctions avait accès au laboratoire ne s'était pas pour autant soustrait entièrement à l'autorité de son employeur, qu'ils ont pu de là déduire qu'à la tenir même pour établie, la faute qu'il aurait commise en se rendant dans un local où l'employeur exerçait son pouvoir disciplinaire n'aurait pas été de nature à faire échec à la présomption d'imputation et par suite à faire perdre au décès son caractère professionnel ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir refusé de reconnaître que l'accident était dû à la faute intentionnelle de la victime, alors que, en admettant même qu'un certain mystère entoure le décès et que la victime n'ait pas eu l'intention de se donner la mort, il n'en est pas moins établi par toutes les circonstances de la cause et d'ailleurs reconnu par l'arrêt, que la victime a commis une faute en s'emparant intentionnellement d'une boîte de substances toxiques dont elle n'avait pas été autorisée à faire usage ;
Mais attendu qu'analysant le sens et la portée des éléments de conviction soumis à son examen, l'arrêt, loin de tenir pour établi que Frauciel s'était procuré le produit toxique dans le laboratoire de l'usine, n'a envisagé cette circonstance que comme une probabilité et a relevé que l'ingestion par l'intéressé de ce produit avait pu être accidentelle ; que de ces appréciations de fait, elle a pu déduire que l'employeur n'avait pas apporté de preuve que l'accident fut dû à une faute intentionnelle de la victime ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI formé contre l'arrêt rendu le 7 décembre 1973 par la Cour d'appel de Paris ;