LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 septembre 2014) et les productions, que M. Y..., agissant en qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de certaines des sociétés du groupe Z..., de commissaire à l'exécution du plan de ces sociétés et de mandataire liquidateur d'une autre société du groupe, a, d'une part, engagé une action devant le tribunal de commerce à l'encontre des dirigeants du groupe Z..., M. Z...et M. X..., pour les voir condamnés à payer les dettes sociales des sociétés, et, d'autre part, une autre action devant le même tribunal à l'encontre de certaines banques pour les voir condamnées au paiement de diverses sommes à raison d'un soutien abusif apporté auxdites sociétés ; que par jugement du 13 octobre 1998, le tribunal de commerce, statuant sur l'action en comblement de passif contre les dirigeants, a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal concernant la procédure contre les organismes bancaires ; que par jugement du 17 décembre 1998, statuant dans l'instance opposant M. Y...aux banques, le tribunal de commerce a condamné les banques à payer à M. Y...l'insuffisance d'actif du groupe Z..., au paiement d'une provision et a désigné un expert afin de déterminer le montant de l'insuffisance d'actif ; que le litige relatif à l'action en comblement de passif ayant été rétabli en 2011 devant le tribunal de commerce, M. Z...et M. X...ont soulevé la péremption de l'instance ;
Sur l'irrecevabilité du mémoire en défense, relevée d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 982 du code de procédure civile ;
Attendu que le mémoire en demande de M. Y...a été déposé et signifié le 3 avril 2015 ; que M. Z...a déposé un mémoire en défense le 3 août 2015 ;
Que le mémoire en défense, déposé après expiration du délai prévu par le texte susvisé, n'est pas recevable ;
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de constater la péremption d'instance et, par conséquent, son extinction et le dessaisissement de la cour ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le tribunal de commerce n'avait pas sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision à caractère définitif intervienne dans l'instance opposant M. Y...aux banques, la cour d'appel, qui a retenu que le tribunal de commerce avait statué dans cette procédure par un jugement du 17 décembre 1998, en a exactement déduit que cette décision, peu important qu'elle ait ou non dessaisi le tribunal du litige, constituait l'événement déterminant le terme du sursis à statuer ;
Et attendu qu'ayant relevé que si dans les deux procédures il était fait référence à une insuffisance d'actif social, la solution du litige opposant M. Y...aux dirigeants sociaux, ayant pour but de leur faire supporter les dettes sociales, n'était pas tributaire et indissociablement liée au litige opposant M. Y...aux banques qui ne pouvaient être tenues qu'au paiement de dommages-intérêts en réparation de l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'elles avaient contribué à créer, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu qu'il n'existait pas de lien de dépendance direct et nécessaire entre les deux instances ;
D'où il suit que le moyen, mal fondé en ses première et quatrième branches, est inopérant pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi :
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. X...la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités,
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la péremption d'instance et, par conséquent, son extinction et le dessaisissement de la cour ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal de commerce avait été saisi par assignations des 3 et 7 octobre 1994 ; que, par décision du 21 janvier 1997, il avait, aux termes du dispositif, sursis à statuer « dans la présente instance dans l'attente de la décision du tribunal concernant ladite procédure contre les orga-nismes bancaires et autres personnes », renvoyant l'affaire à une audience du 24 juin 1997 ; que, par un second jugement en date du 13 octobre 1998, le tribunal avait, dans son dispositif, « sursis à statuer dans la présente instance dans l'attente de la décision du tribunal concernant (la) procédure contre les organismes bancaires », « dit qu'il appartiendrait à la partie la plus diligente de faire réinscrire l'affaire au rôle » et ce après avoir visé la « procédure en cours devant la 1ère chambre de ce tribunal engagée par Me Philippe Y..., ès qualités, à l'encontre des banques pour les voir condamner au paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif constatée et vu la présente instance ayant également pour but de voir condamner les dirigeants au comblement du passif, sachant que les fautes de gestion (avaient) été caractérisées par le tribunal correctionnel » ; que, conformément à l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspendait le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle déterminait ; que l'article 392 du code de procédure civile précisait que le délai de péremption continuait à courir en cas de suspension de l'instance, sauf si celle-ci n'avait lieu que pour un temps ou jusqu'à survenance d'un événement déterminé, auxquels cas un nouveau délai courait à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement ; que, par jugement en date du 17 décembre 1998, le tribunal de commerce de Dijon avait, au visa de l'article 1382 du code civil, constaté que les banques avaient constitué un pool bancaire, qu'elles avaient commis des fautes graves en soutenant abusivement le groupe Z...quand sa situation était définitivement compromise, que ces fautes avaient contribué à l'aggravation du passif du groupe Z...; qu'il avait condamné in solidum quinze banques à payer à Me Philippe Y... l'insuffisance d'actif du groupe Z..., condamné in solidum ces mêmes banques au paiement d'une provision de 420. 000. 000 francs et ordonné une expertise ; que cette décision devait être prise comme le terme du sursis à statuer défini par la décision précitée du 13 octobre 1998, le tribunal n'ayant pas entendu surseoir à statuer jusqu'à déci-sion définitive à intervenir dans le litige opposant Me Philippe Y... ès qualités et les banques ; que celui-ci ne pouvait reporter le terme de ce sursis à la décision rendue sur renvoi après cassation par la cour de Paris le 4 février 2010 en considérant que jusque-là le tribunal restait toujours saisi de la procédure en responsabilité contre les banques, puisque c'était méconnaitre le principe de l'effet dévolutif de l'appel posé par l'article 561 du code de procédure civile ; que, d'ailleurs, le liquidateur judiciaire ne pouvait sans se contredire soutenir désormais cette argumentation tout en se prévalant dans ses conclusions (cf. page 21) de « sa demande de sursis à statuer présentée par Y...
Y... en juillet 2001, avant l'audience du 4 septembre 2001, par laquelle ce dernier demandait au tribunal de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive concernant les établissements bancaires », cette démarche faite en 2001, postérieurement à l'arrêt confirmatif de la cour de Dijon en date du 18 juillet 2000, dénotant manifestement que Me Philippe Y... considérait comme réalisé le terme du sursis tel que fixé par le jugement d'octobre 1998 et donc comme nécessaire une nouvelle décision de sursis à statuer ; qu'un nouveau délai de péremption de deux ans courait ainsi à compter du 17 décembre 1998 ; que si, au dossier du tribunal, ne figuraient pas les conclusions susvisées de Me Philippe Y... de juillet 2001, pour autant il fallait considérer que le demandeur avait bien pris et notifié à la partie adverse de telles écritures puisque, dans le courrier officiel adressé au conseil de Me Philippe Y... le 11 septembre 2008 par l'avocat de M. X...(pièce n° 38 de l'intimé), il était indiqué : « depuis les conclusions que vous avez déposées pour Y... Philippe Y... ès qualités le 23 juillet 2001, je suis sans aucune nouvelle concernant l'état de cette affaire, dont l'origine se trouve être votre assignation en comblement de passif à la requête de Y... Philippe Y..., ès qualités, en date du 3 octobre 1994 » ; que si ces conclusions du 23 juillet 2001 constituaient une diligence procédurale susceptible d'interrompre le délai de péremption, force était cependant de constater qu'à cette date le délai de deux ans courant à compter du 17 décembre 1998 était déjà dépassé ; que des simples demandes de renvoi, même présentées oralement à l'audience du tribunal, sans être étayées d'un quelconque écrit explicitant les nécessités du renvoi demandé, ne constituaient pas des diligences traduisant une impulsion processuelle de nature à interrompre le cours de la péremption ; que certes, en cas de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans l'une interrompaient la péremption de l'autre instance ; que nonobstant ce que soutenait le liquidateur judiciaire, il n'existait pas entre la présente instance tendant à faire supporter aux dirigeants les dettes sociales par application de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 et l'instance engagée en responsabilité contre les banques pour soutien abusif de lien de dépendance directe et nécessaire, la solution du présent litige n'étant pas tributaire et indissociablement liée à celle de cet autre litige ; qu'en effet, dans le cadre de la présente instance, le tribunal était saisi par application de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, tandis que, dans le cadre de l'autre instance, les banques dont la responsabilité était recherchée pour avoir soutenu abusivement la société en liquidation, ne pouvaient être tenues de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'elles avaient contribué à créer ; que si, dans les deux cas, il était fait référence à une insuffisance d'actif social, dans le premier le tribunal mettait à la charge du dirigeant fautif tout ou partie des dettes et dans le second le tribunal condamn (ait) les banques responsables à des dommages et intérêts réparant le préjudice consistant dans l'aggravation de l'insuffisance d'actif ; que c'était précisément à défaut de lien de dépendance direct et nécessaire que le sursis à statuer avait été expressément prononcé, le tribunal estimant simplement utile la connaissance des éléments de l'autre procédure ; que, d'ailleurs, il fallait relever que, dans ses conclusions du 30 mai 1995 par lesquelles M. Philippe Z...sollicitait le sursis à statuer « dans l'attente des procédures engagées par Me Philippe Y... en comblement de passif à l'encontre des banques, établissements financiers » et autres, le défendeur motivait sa demande en énonçant que ces « actions (avaient) pour mérite de démontrer l'absence des fautes de gestion commises par les dirigeants sociaux du groupe Z...et il serait opportun et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'un résultat définitif de ces instances » ; qu'en outre, le liquidateur judiciaire ne pouvait, sans se contredire, et ainsi que le faisait avec pertinence observer Me Philippe Z..., soutenir l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire ¿ qui induirait que le présent litige ne pouvait trouver de solution tant que n'avait pas été tranchée l'action en responsabilité contre les banques ¿ dès lors qu'il avait nécessairement considéré que le présent litige pouvait trouver sa solution sans attendre celle de l'autre instance dans la mesure où il avait conclu, dès le 14 juin 2010 (soit avant même l'arrêt de la cour de Paris) puis le 21 février 2011, à la condamnation de M. Philippe Z...et M. Michel X...au paiement de la somme de 53. 706. 968 ¿ correspon-dant au montant de l'indemnité mise à la charge des banques constituant le pool bancaire par l'arrêt du 30 juin 2011 avant même que ce dernier ne fût devenu définitif suite à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 22 janvier 2013 ; qu'il s'ensuivait que la péremption, courant à compter du 17 décembre 1998, n'avait pas été valablement interrompue par une diligence accomplie dans la présente procédure antérieurement aux conclusions susvisées du 23 juillet 2001 ; que la péremption était en conséquence acquise ; qu'au surplus, la péremption était d'autant plus acquise que, posté-rieurement auxdites conclusions du 23 juillet 2001, aucune diligence n'avait été accomplie par les parties dans la présente instance jusqu'au courrier précité du 11 septembre 2008 émanant de l'avocat de M. Michel X...;
ALORS QUE, d'une part, lorsqu'il a été sursis à statuer dans l'attente d'un jugement à prononcer dans une autre procédure, ce n'est que si ce jugement a entièrement dessaisi son auteur que le sursis à statuer prend fin et le nouveau délai de péremption court ; que, pour retenir que le jugement prononcé par le tribunal de commerce le 17 dé-cembre 1998, dans la procédure en responsabilité introduite à l'encontre des établissements bancaires, constituait le terme du sursis à statuer ordonné par le jugement du même tribunal du 13 octobre 1998 dans la procédure en comblement de passif engagée à l'encontre des dirigeants sociaux, l'arrêt attaqué s'est fondé sur la circonstance que le sursis n'avait pas été ordonné jusqu'à décision définitive ; qu'en se déterminant ainsi, par un motif juridiquement inopérant, la cour d'appel a violé les articles 378 et 392, alinéa 2, ensemble l'article 561 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, d'autre part, lorsqu'il a été sursis à statuer dans l'attente d'un jugement à prononcer dans une autre procédure, ce n'est que si ce jugement a entièrement dessaisi son auteur que le sursis à statuer prend fin et le nouveau délai de péremption court ; que, pour retenir que le jugement prononcé par le tribunal de commerce le 17 décembre 1998, dans la procédure en responsabilité engagée à l'encontre des établissements bancaires, constituait le terme du sursis à statuer ordonné par le jugement du même tribunal du 13 octobre 1998 dans la procédure en comblement de passif exercée à l'encontre des dirigeants sociaux, l'arrêt attaqué s'est fondé sur la circonstance que, par l'effet dévolutif de l'appel, le tribunal de commerce avait été dessaisi de la procédure en responsabilité ; qu'en se déterminant ainsi, quand elle n'avait pas fait usage de son pouvoir d'évocation sur le préjudice dont le premier juge s'était réservé la liquidation après avoir ordonné, avant dire droit, une expertise, ce dont il résultait que, ce dernier n'étant pas dessaisi, le sursis à statuer n'avait pas pris fin, la cour d'appel a violé les articles 378 et 392, alinéa 2, ensemble l'article 561 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, à tout le moins, en retenant que le jugement prononcé par le tribunal de commerce le 17 dé-cembre 1998, dans la procédure en responsabilité engagée à l'encontre des établissements bancaires, constituait le terme du sursis à statuer ordonné par le jugement du même tribunal du 13 octobre 1998 dans la procédure en comblement de passif engagée à l'encontre des dirigeants sociaux au motif que le tribunal de commerce avait été dessaisi de la procédure en responsabilité par l'effet dévolutif de l'appel sans vérifier si, comme le soutenait l'exposant, la cour d'appel avait fait usage de son pouvoir d'évocation sur le préjudice dont le premier juge s'était réservé la liquidation après avoir ordonné avant dire droit une expertise, ce dont il résultait que ce juge n'étant pas dessaisi, le sursis à statuer jusqu'à ce qu'il se soit pro-noncé n'avait pas pris fin, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 378 et 392, alinéa 2, ensemble l'article 561 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, enfin, lorsqu'il existe entre deux ins-tances un lien de dépendance direct et nécessaire, les diligences accomplies dans le cadre de l'une interrompent le délai de péremption dans l'autre ; qu'en déclarant que n'étaient pas dans un tel lien les procédures civiles engagées par le représentant des créanciers, l'une en comblement de passif contre des dirigeants sociaux, l'autre en responsabilité contre les banques, pour la raison que, dans la première, le juge mettait à la charge du dirigeant fautif tout ou partie des dettes, et dans la seconde, condamnait les banques au paiement de dommages et intérêts réparant le préjudice résul-tant de l'aggravation de l'insuffisance d'actif, quand toutes deux étaient fondées sur la même cause, l'existence et la responsabilité d'une insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre