LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé l'existence d'un dialogue entre l'employeur et le médecin du travail, tout au long du contrat de travail et postérieurement au second avis d'inaptitude du 29 octobre 2009, notamment sur les possibilités d'aménagement des postes disponibles, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur justifiait de recherches effectives de reclassement au regard des préconisations du médecin du travail, au sein tant de l'entreprise que du groupe auquel elle appartient, a, sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Devillé avait respecté son obligation de recherche de reclassement et d'avoir débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir son licenciement jugé sans cause réelle ni sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement adressée le 15 décembre 2009 à Mme X... est ainsi libellée : « Nous faisons suite à notre entretien du 10 décembre 2009 au cours duquel nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisagions la rupture de votre contrat de travail, à savoir votre inaptitude à l'emploi de cariste et l'impossibilité de vous proposer un reclassement au sein de l'entreprise et du groupe. En effet, par avis du 22 octobre 2009, faisant suite à un précédent avis du 5 octobre, le médecin du travail a conclu à votre inaptitude à votre emploi. En concertation avec le médecin du travail, nous avons recherché les solutions de reclassement (en) lui exposant la structure et la nature des postes existants dans l'entreprise et dans le groupe, en lui faisant part des postes disponibles. Le médecin du travail a maintenu sa position, l'inaptitude à votre poste et les restrictions émises dans ses précédents avis. Compte-tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur votre aptitude et en l'absence de poste disponible susceptible de vous être proposé, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement (...) » ; que le licenciement a été prononcé pour inaptitude physique d'origine professionnelle, consécutive à la maladie professionnelle prise en charge par la caisse d'assurance maladie le 29 décembre 2006 et impossibilité de reclassement ; que trouvent donc à s'appliquer au licenciement litigieux les dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail ; que, quoique reposant sur une inaptitude physique d'origine professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement n'est légitime que si l'employeur a préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par I'article L 1226-10 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 1226-10, l'employeur doit proposer au salarié déclaré inapte par le médecin du travail un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition devant prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les propositions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, l'emploi proposé devant « être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » ; que l'obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l'employeur s'analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe, dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible ; que ni la formulation de l'avis d'inaptitude par le médecin du travail, ni la position adoptée par le salarié, ni la petite taille de l'entreprise, ni la faiblesse de l'effectif ne sont de nature à dispenser l'employeur de rechercher activement le reclassement du salarié déclaré inapte au moyen de l'une des mesures prévues par la loi ; que Mme X... a été initialement engagée comme magasinier cariste, en 1999, puis qu'ayant subi un grave accident de la circulation elle a été déclarée apte à la reprise du travail le 2 juillet 2003 sur un emploi d'agent de production-accrochage de pièces, en mi-temps thérapeutique ; qu'après un nouvel arrêt de travail, elle a occupé un poste de tri, à mi-temps, en novembre 2003 puis en janvier 2004, à temps complet, un poste de cariste ; qu'après deux arrêts de travail, elle a été déclarée apte à la reprise en avril 2004 avec des restrictions : pas de port de charges supérieures ou égales à 7 kg, pas de geste répétitif ; qu'elle a subi un arrêt de travail du 3 septembre 2007 au 14 mars 2008 et été examinée le 5 février 2008 par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de pré-reprise, lequel a émis les restrictions suivantes : « chariot élévateur inférieur à 50 % du temps de travail, pas de port de charge supérieure à 8 kg, pas de travail avec le bras au-dessus de la ligne des épaules » ; que le médecin du travail a ensuite aggravé les restrictions en limitant le temps de chariot élévateur à 20 % du temps de travail, puis le 11 mars 2008 il a déclaré Mme X... apte à la reprise à mi-temps thérapeutique, au poste visité le 11 mars 2008 avec les restrictions suivantes : « pas de port de charge supérieure à 8 kg, pas d'activité avec les bras au-dessus de la ligne des épaules, alternance assis et debout, aide à la manutention » ; que Mme X... a occupé ce poste jusqu'au 26 mai 2008 date à laquelle elle a été en arrêt maladie jusqu'au 30 septembre 2009 ; que contrairement à ce que soutient Mme X..., le poste que le médecin du travail a appelé « agent de fabrication-cariste », et pour lequel elle a fait l'objet d'un avis d'inaptitude temporaire le 5 octobre 2009, puis d'un avis d'inaptitude totale le 22 octobre 2009, est bien le poste de cariste qu'elle occupait en mars 2008 ; qu'ainsi que le relève justement l'employeur, la situation de Mme X... n'a pas été la même en mars 2008, et en octobre 2009, puisqu'en mars 2008 elle a été déclarée apte avec réserves, et en octobre 2009 totalement inapte au poste ; qu'il est donc inexact de dire que la société Devillé pouvait encore, en octobre 2009, reclasser Mme X... dans le poste aménagé tel qu'elle l'occupait en mars 2008 ; qu'un échange de courrier électronique des 26 et 27 mars 2009 entre M. Y..., responsable logistique et production du site de Beauregard, et M. Z..., médecin du travail, témoigne de l'évolution de la situation de Mme X... ; qu'on y lit, de la part du médecin du travail : « Comme vous le savez, Mmes X... et A... présentent des contre-indications difficiles à gérer avec des risques de rechute (d'où arrêt maladie) importants ; pour Mme X... une reprise serait possible en mi-temps, avec les restrictions poste assis-debout (ou alternance des 2 postures possibles), pas de port de charges de plus 10 kg répétitif plus d'une heure par journée de travail. Comme je le disais hier en CHSCT, ces 2 personnes font partie des patients qui veulent " à tout prix " conserver une activité dans l'entreprise sans accepter le fait que les postes adaptés à leur handicap n'existent pas à temps plein. Le risque de rechute est volontairement éludé dans leur discours, ce qui les place dans une posture paradoxale : " je souffre mais je veux travailler quand même ". Mon problème est le suivant : s'il n'existe pas de possibilité d'affecter ces personnes à temps complet sur des postes comportant ces restrictions, je ne peux pas prendre le risque les remettre au travail, ce qui implique l'inaptitude ; en effet, le médecin conseil n'acceptera aucun arrêt supplémentaire. En clair, si je décide de valider une tentative de reprise alors que ces restrictions ne peuvent pas être appliquées, cela revient à repousser l'échéance de l'inaptitude. Afin de gérer au mieux leur reprise et d'éviter toute erreur et contestation possible, je souhaiterais que vous me donniez une réponse ferme et définitive quant à la possibilité de les maintenir sur des postes avec restrictions et de leur en faire part également, afin qu'il y ait une réelle prise de conscience de leur part des efforts qui sont réalisés par vous et moi et de la limite des possibilités éventuelles » ; que l'employeur répond : « M. Z..., pour répondre à votre mail et pour avoir évoqué ce sujet de vive voix avec vous lors de notre entrevue du 2 mars dernier, nous essayons toujours au maximum de répondre favorablement aux reprises avec restrictions. Sous votre impulsion, nous engageons une démarche de cotation des postes de travail, toutefois le nombre de poste accessibles aux personnes présentant une ou plusieurs restrictions est limité. Les postes respectant les restrictions : « poste assis-debout (ou alternance des 2 postures possibles), pas de port de charges de plus de 10 kg répétitif plus d'une heure par journée de travail » ainsi que « pas de travail répétitif plus d'une heure par jour des 2 membres supérieurs au-dessus de la ligne des épaules », sont déjà occupés par des personnes présentant les mêmes restrictions. C'est pourquoi nous ne voyons pas comment répondre favorablement à la reprise de Mmes X... dans les conditions énoncées dans votre mail » ; qu'il ressort de ces éléments que la société Devillé a, au cours des années d'emploi de Mme X..., établi un dialogue avec le médecin du travail, et que celui-ci s'est poursuivi après l'arrêt de travail de mai 2008 ; qu'en octobre 2009, il apparaît que le médecin du travail ne préconise pas un aménagement du temps de travail, que la salariée ne souhaite pas, mais émet un avis d'inaptitude au poste de travail ; que l'avis d'inaptitude du 22 octobre 2009, qui concerne bien le poste de cariste, est ainsi libellé : « Poste : Agent de fabrication : emploi : Cariste. Type de visite : Reprise après M. P conclusion : Inapte Totale-confirmation de l'inaptitude au poste. Absence de proposition de reclassement de la part de l'employeur en adéquation avec les aptitudes résiduelles mentionnées sur la fiche du 5 octobre 2009 : pas de port de charges supérieures à 10 kg répétitif de plus d'une heure par journée de travail ; Travail sur une posture " assis-debout " (alternance des 2 postures possible). 2ème visite réalisée conformément à l'article 4624-31 du code du travail » ; que si la société Devillé a, le 21 octobre 2009, et donc avant le second avis d'inaptitude émis par le médecin du travail, interrogé celui-ci sur les possibilités d'aménagement des postes disponibles dans l'entreprise, elle a poursuivi ses recherches de reclassement après réception de cet avis, puisqu'elle a à nouveau interrogé le médecin du travail le 29 octobre 2009 sur les possibilités d'aménagements à effectuer sur les postes disponibles, soit un poste de responsable d'outillage et un poste de directeur de production, sur le site de Poznan, en Pologne, ainsi que sur les postes existants à Baugé, dont elle a dressé la liste ; que les contrats conclus en intérim à Baugé sur la période du licenciement de Mme X... ne caractérisent pas l'existence d'un poste à temps plein, qui n'aurait pas été pourvu ; qu'il s'agit en effet de contrats conclus pour des motifs variés, et notamment pour remplacer des salariés malades, ainsi que sur des emploi diversifiés ; que les contrats à durée indéterminée également invoqués par Mme X... correspondent à des transferts d'emplois entre le site de la ZI du Beauregard et le site de la route de La Flèche, ainsi qu'il apparaît dans les pièces produites par l'employeur ; que la société Devillé justifie donc de l'effectivité de la recherche de reclassement sur les postes disponibles et au regard des préconisations posées par le médecin du travail, en ce qui concerne l'entreprise de Baugé ; que le site polonais de Poznan a été interrogé non seulement les 13 et 19 octobre 2009, soit avant le second avis d'inaptitude, ainsi que le relève Mme X..., mais aussi et à nouveau le 19 novembre 2009, avec envoi du texte complet de l'avis d'inaptitude du médecin du travail ; que M. Piotr B..., directeur du site, a répondu en confirmant l'existence des deux postes déjà cités par lui ; qu'il s'agit de deux postes requérant des compétences dont Mme X... ne disposait pas, et en outre nécessitant la pratique de la langue polonaise, parlée par les ouvriers du site ; que la société Devillé justifie également de l'interrogation, le 19 novembre 2009, de son site de Nogent en Haute-Marne, la société Outils Pam, dont le directeur, M. C..., a répondu en confirmant l'absence de poste disponible, qu'il avait énoncée dans des écrits précédents, en exposant les difficultés économiques rencontrées par ce site et l'absence de tout recrutement sur la période ; que la société Devillé produit les pièces comptables attestant de ces difficultés économiques, ainsi que le registre des entrées et des sorties du personnel, montrant une absence de poste disponible et d'embauche ; qu'elle établit l'existence d'un plan social ayant abouti à 32 licenciements ; que la société Devillé justifie dans ces conditions avoir satisfait à son obligation de recherche du reclassement de la salariée déclarée inapte et que ce reclassement s'est avéré impossible ;
1°) ALORS QUE l'inaptitude du salarié ne suffit pas à justifier son licenciement ; que pour que celui-ci ait une cause réelle et sérieuse, il faut encore que l'employeur se trouve dans l'impossibilité de le reclasser ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'impossibilité pour la société Devillé de mettre en oeuvre des mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, pour reclasser Mme X... sur son site de Baugé ; qu'ainsi, en jugeant que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L 1226-10 et L 1226-12 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles Mme X... faisait valoir que la société Devillé avait procédé de façon prématurée à son licenciement pour inaptitude, sans prendre en considération les propositions du médecin du travail relatives à l'intérêt de faire procéder à une étude ergonomique pour étudier les possibilités d'adapter le poste du salarié (concl., p. 6 in fine), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.