LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 25 mai 2012), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-43. 103), que la société Manufacture de confection de Soultz (MCS), qui faisait partie du groupe Big Star international, a décidé en 2004 de mettre fin à son activité de délavage de vêtements et de supprimer les quarante-huit postes de travail qui relevaient de cette unité, en soumettant aux représentants du personnel un plan de sauvegarde de l'emploi, contenant notamment des mesures destinées à favoriser des départs volontaires de l'entreprise, acceptés par Mme X... et onze autres salariés, dont les contrats de travail ont été rompus pour motif économique par lettres du 16 avril 2004 ; que par la suite, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société MCS le 15 juin 2004, un plan de cession étant ultérieurement arrêté le 11 avril 2005, désignant M. Y... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien fondé des licenciements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors qu'elles résultent d'une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l'employeur ou d'une situation artificiellement créée par lui, les difficultés économiques ne peuvent justifier des licenciements sur le fondement de l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'en se bornant en l'espèce, à relever, pour conclure à l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la réalité des difficultés économiques rencontrées par la société MCS, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant formellement invitée par les salariés quelle était l'origine de ces difficultés et si elles ne résultaient pas exclusivement des agissements du groupe Big Star international auquel l'entreprise appartenait, et qui, exerçant une gestion de fait de sa filiale, l'avait dépossédée de ses moyens à son profit ou à celui de filiales étrangères ayant des coûts de production inférieurs, en la plaçant artificiellement dans une situation déficitaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;
2°/ que pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en concluant que le motif économique ayant présidé à la rupture des contrats de travail était réel, dans la mesure où dans son arrêt du 15 décembre 2010, la Cour de cassation avait dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le deuxième moyen soulevé par vingt autres salariés de l'entreprise qui n'avaient pas opté pour un départ volontaire, moyen qui était relatif à l'absence de motif économique valable, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'activité de délavage de vêtements exploitée sur le site de Soultz, avait été touchée par une concurrence exacerbée en provenance de pays à faible coût de main-d'oeuvre peu favorable à son maintien, que le bilan économique et social dressé par M. Y..., ès qualités, faisait état d'une importante baisse de chiffre d'affaires dès 2002 et d'une diminution de commande de plus de cinquante pour cent entre 2000 et 2003, ce qui a entraîné l'ouverture d'un redressement judiciaire moins de deux mois après la rupture des contrats de travail, la cour d'appel a caractérisé l'existence d'une cause économique écartant ainsi toute fraude ou légèreté blâmable de l'employeur ; que le moyen, qui dans sa seconde branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X... et autres
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mesdames X..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F... et G... ainsi que Messieurs H..., I... et J... de leur demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que le licenciement de salariés qui se sont portés volontaires pour un départ de l'entreprise, pour des raisons économiques dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ne constitue pas une résiliation amiable du contrat de travail dispensant l'employeur de toute obligation, notamment en matière de reclassement ; que s'agissant du motif économique, les salariés soutiennent que la Société MCS ne présentait pas réellement de difficultés économiques mais qu'elle a été victime des agissements des décideurs du Groupe BIG STAR INTERNATIONAL qui, en exerçant une gestion de fait sur l'entreprise, l'aurait dépossédée de ses moyens à son profit la plaçant dans des difficultés de trésorerie artificielle, une telle fraude ne pouvant justifier les licenciements économiques, et ce corrélativement avec des embauches et extensions de sites à l'étranger ; que pour autant, et ainsi que l'a relevé la Cour d'appel de COLMAR, il ne peut être sérieusement contesté que l'activité de délavage de jeans telle qu'exploitée sur le site de SOULTZ a été touchée par une concurrence exacerbée en provenance de pays à faible coût de main d'oeuvre peu favorable à son maintien, le bilan économique et social dressé par Maître Y... faisant état d'une importante baisse du chiffre d'affaires de l'ordre de 25 % dès 2002 et d'une diminution de commandes de ¿ 53, 7 % entre 2000 et 2003 ; que la réalité des difficultés économiques est corroborée par l'ouverture de la procédure collective de redressement judiciaire ordonnée le 14 juin 2004 succédant à la procédure d'alerte déclenchée courant 2003, soit moins de deux mois après la rupture des contrats de travail en date du 16 avril 2004 ; qu'en tout état de cause, il est à relever que le deuxième moyen soulevé en cassation par les salariés n'ayant pas opté pour un départ volontaire et consistant en l'absence de motif économique, n'a pas été remis en cause par l'arrêt de cassation du 15 décembre 2010 aux termes duquel il n'y avait pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'était pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; qu'il s'ensuit que le motif économique ayant présidé à la rupture des contrats de travail des salariés est réel ;
ALORS, D'UNE PART, QUE dès lors qu'elles résultent d'une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l'employeur ou d'une situation artificiellement créée par lui, les difficultés économiques ne peuvent justifier des licenciements sur le fondement de l'article L. 1233-3 du Code du travail ; qu'en se bornant en l'espèce, à relever, pour conclure à l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la réalité des difficultés économiques rencontrées par la Société MCS, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant formellement invitée par les salariés (conclusions en appel, p. 8 et suivantes) quelle était l'origine de ces difficultés et si elles ne résultaient pas exclusivement des agissements du Groupe BIG STAR INTERNATIONAL auquel l'entreprise appartenait, et qui, exerçant une gestion de fait de sa filiale, l'avait dépossédée de ses moyens à son profit ou à celui de filiales étrangères ayant des coûts de production inférieurs, en la plaçant artificiellement dans une situation déficitaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en concluant que le motif économique ayant présidé à la rupture des contrats de travail était réel, dans la mesure où dans son arrêt du 15 décembre 2010, la Cour de cassation avait dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le deuxième moyen soulevé par 20 autres salariés de l'entreprise qui n'avaient pas opté pour un départ volontaire, moyen qui était relatif à l'absence de motif économique valable, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mesdames X..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F... et G... ainsi que Messieurs H..., I... et J... de leur demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant de l'obligation de reclassement, il est fait grief à l'employeur de n'avoir proposé aucune mesure concrète et précise de reclassement, les mesures mentionnées dans le plan social ne manifestant pas la volonté de l'employeur de trouver des solutions de nature à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre, les salariés fustigeant le caractère dérisoire de l'offre de dix postes d'aides magasiniers pour l'ensemble du personnel ; qu'il est constant qu'en vertu de l'article L. 1233-4 du Code du travail, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que par ailleurs, dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur reste tenu, même quand un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités des reclassement, prévues ou non dans le plan social, au sein du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutabilité de tout ou partie de son personnel ; qu'il ressort de l'examen attentif du dossier que, contrairement à ce qu'affirment les salariés, des propositions concrètes ont été proposées à chaque salarié, qu'il soit ou non volontaire au départ, telle que l'offre de postes d'aide magasinier au sein de la Société BIG STAR FRANCE en date du 13 mars 2004 à laquelle aucun salarié n'a entendu donner suite, les sociétés du groupe consultées dans leur ensemble n'ayant pu donner de réponse favorable aux demandes de reclassement ainsi qu'il ressort des courriers en réponse des diverses entreprises du groupe situées en ALLEMAGNE, AUTRICHE, SUISSE, HOLLANDE, ROUMANIE et POLOGNE produits aux débats ; que comme ci-dessus observé, il apparaît également que le deuxième moyen pris en sa seconde branche soulevé par les salariés n'ayant pas opté pour un départ volontaire et consistant en l'absence de reclassement, n'a pas davantage été remis en cause par l'arrêt de cassation du 15 décembre 2010 aux termes duquel il n'y avait pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'était pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; que sur la base de tous ces éléments, il doit donc être considéré que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement des douze salariés concernés par la présente instance est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le jugement les ayant déboutés de leur demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il incombe à l'employeur de formuler à chaque salarié concerné une proposition personnelle en procédant à un examen individuel des possibilités de reclassement et qu'il ne peut, en conséquence, se borner à lui adresser une unique offre de poste, également proposée à l'ensemble des collègues concernés par les licenciements ; qu'en affirmant, dès lors, pour conclure au respect par l'employeur de son obligation de reclassement, que des propositions concrètes auraient été formulées à chaque salarié, telle que l'offre d'un poste d'aide magasinier au sein de la Société BIG STAR FRANCE, quand cet emploi avait été le seul proposé et l'avait été, par un courrier strictement identique, à l'ensemble des salariés de l'entreprise dont le licenciement était envisagé, de sorte que cette proposition générale n'avait pas été individualisée et que le cas de chacun des 12 exposants n'avait pas été envisagé à titre personnel en prenant en compte leurs caractéristiques professionnelles, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant, pour conclure au bien-fondé du licenciement pour motif économique de chacun des 12 salariés, que leur avait été adressée, par lettre du 13 mars 2004, une proposition de poste d'aide magasinier au sein de la Société BIG STAR FRANCE qu'ils avaient refusée, quand cette seule offre, strictement identique à celle formulée à l'ensemble des salariés concernés par la suppression de leur poste n'était de ce fait pas adapté au profil particulier de chacun des salariés et ne pouvait constituer à elle seule un effort suffisant de reclassement de la part du Groupe BIG STAR, la Cour d'appel a encore violé les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QUE pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en concluant que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où, dans son arrêt du 15 décembre 2010, la Cour de cassation avait dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le deuxième moyen soulevé par 20 autres salariés de l'entreprise qui n'avaient pas opté pour un départ volontaire, relatif à l'insuffisance des efforts de reclassement, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.