LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2141-5 et L. 1132-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 12 juin 1973 en qualité d'ouvrier spécialisé OS 2, coefficient 145, par la société Alstom transport, a saisi, le 1er avril 2005, la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de cette société à lui verser des dommages-intérêts pour discrimination en raison de ses activités syndicales et à lui attribuer le coefficient TA 255 ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses prétentions, l'arrêt retient que le panel de référence de dix salariés ayant atteint le coefficient 225 en 2000 qu'il produit est sans portée dans la mesure où ni la qualification de ces salariés, ni leurs fonctions, ni leurs diplômes à l'embauche, ni leurs coefficients de départ n'étaient équivalents aux siens, que les tableaux d'évolution comparée des salaires et des coefficients des salariés engagés en 1973 ou 1974 qu'il lui a joints, outre qu'ils révèlent que le salaire de l'intéressé se situait dans la moyenne et que d'autres salariés avaient des coefficients inférieurs au sien, ne comportent en réalité aucun groupe de référence faute d'identification des salariés, et que les attestations selon lesquelles M. X... aurait été victime d'une discrimination en raison de ses activités syndicales ne sont pas probantes faute d'être circonstanciées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la stagnation de la carrière d'un salarié exerçant une activité syndicale constitue un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si la progression de carrière de M. X... ne s'était pas interrompue en 1987 lors de son premier mandat de représentant du personnel, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Alstom transport aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Alstom transport à verser à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la discrimination syndicale dont Monsieur X... prétendait avoir été victime n'était pas établie et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts sur ce fondement et en réparation du préjudice subi ;
AUX MOTIFS QU'il y a lieu de donner acte à Monsieur X... de ce qu'il date à 1987 les premières manifestations de la discrimination, date à laquelle effectivement il s'est investi dans des fonctions syndicales ; que Monsieur X... produit à l'appui de sa demande : une liste de 10 salariés de son atelier, ayant tous atteint le coefficient 225 en 2000 ; que cependant les salariés visés dans ce panel sont entrés dans l'entreprise entre 1968 et 1979 à une qualification se situant entre OS 1 et OP 1, un seul salarié de ce panel, Monsieur Y... est entré comme lui en 1973, avec une qualification de OS2 ; qu'ainsi que l'a constaté le Conseil de prud'hommes, Monsieur X... compare sa situation salariale à celle de salariés dont ni la qualification ni les fonctions, ni les mêmes diplômes à l'embauche ni le coefficient de départ ne sont équivalents même s'ils travaillent dans le même atelier ; qu'il produit un tableau d'évolution comparée des salaires (sans les primes) d'ouvriers entrés en 1973/ 1974, au coefficient 145 dont il résulte que Monsieur X... se situe dans la moyenne basse, cependant d'autres salariés, entrés aux mêmes dates et au même coefficient ont un salaire moindre ; qu'il est cependant précisé que pour ces deux derniers tableaux les salariés ne sont pas identifiés ; qu'en conséquence il n'est pas justifié que les salariés puissent être d'un groupe référent ; qu'il produit trois attestations de salariés qui soulignent que son travail donne toujours entière satisfaction et des attestations de salariés affirmant que Monsieur X... a été victime pendant 30 années d'une discrimination syndicale, attestations qui ne sont pas circonstanciées mais de plus contredisent les propos de Monsieur X... qui fait remonter à 1987 la discrimination syndicale ; que pour sa part, la société ALSTOM TRANSPORT produit un échantillon de 12 salariés ayant la même ancienneté, embauchés sur un coefficient identique à Monsieur X... ; que Monsieur X... conteste la composition du panel et plus particulièrement la présence de Monsieur Z... qui n'exerce pas les mêmes fonctions et de Monsieur B... qui ne figure pas dans la matrice de polyvalence ; que cependant Monsieur Z... est entré en 1973, au coefficient 145 et figure dans la matrice de polyvalence produite par Monsieur X... ; qu'il y a lieu de retenir le nom de Monsieur Z... dans le panel ; qu'il est constant que Monsieur
B...
ne figure pas dans la matrice de polyvalence ; qu'il y a lieu de retenir un panel de 11 salariés ; qu'en 2002, 4 salariés de ce groupe étaient au même coefficient que Monsieur X... et en 2003, 3 salariés, dont Monsieur X... étaient encore au coefficient 190 ; que de même si en 2003, 9 salariés avaient un salaire supérieur, 4 salariés avaient un salaire inférieur ; qu'enfin, l'augmentation de la rémunération accordée par l'entreprise, par application des dispositions de la Charte Ambition 2000 ne prouve en rien une reconnaissance de discrimination, alors de plus qu'aucun élément objectif ;
ALORS D'UNE PART QUE si le juge n'a pas à se substituer à l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, il lui appartient néanmoins de vérifier, en présence d'une discrimination invoquée, les conditions dans lesquelles s'est déroulée la carrière de l'intéressé, notamment en comparant sa situation durant la période antérieure au début de l'exercice de l'activité syndicale avec celle de la période postérieure ; qu'en s'abstenant de rechercher si Monsieur X..., embauché au coefficient 145 en 1973, qui avait atteint le coefficient 190 en 1987, date à laquelle il a débuté ses activités syndicales et se trouvait au même coefficient en 2005, au moment de l'introduction de l'instance prud'homale plus de dix huit ans plus tard, n'avait pas vu sa carrière stoppée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 2141-5 et L 1132-1 du Code du travail, anciens articles L 412-2 alinéa 1 et L 122-45 alinéa 1 du Code du travail ;
ALORS d'autre part QUE le salarié soutenait que, quelle que soit leur classification d'embauche, les salariés ayant intégré le même service, au même moment que lui, avaient bénéficié de la même formation, et effectuaient les mêmes tâches étaient passés agents de maîtrise au coefficient 245 ; que lui seul n'avait pas bénéficié de cet avancement ; qu'en se contentant de se référer à la qualifications, aux fonctions et aux diplômes à l'embauche, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 2141-5 et L 1134-1 du Code du travail, anciens articles L 412-2 alinéa 1 et L 122-45 alinéa 4 du Code du travail ;
QU'en tout cas, en ne précisant pas en quoi les fonctions de ces salariés étaient différentes de celles de Monsieur X... et en se référant aux seules qualifications, précisément contestées, elle a encore privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions ;
ALORS en tout cas QUE s'il appartient au juge saisi d'un litige portant sur une discrimination syndicale de procéder à une étude comparative des salaires et des coefficients du salarié exerçant des fonctions syndicales avec ceux des autres salariés de l'entreprise à catégorie équivalente et même ancienneté, la différence de traitement est d'autant plus probante lorsque des salariés entrés postérieurement à un coefficient moindre bénéficient ultérieurement d'un coefficient supérieur ; que Monsieur X... avait versé aux débats une liste de dix salariés de son atelier ayant tous atteint le coefficient 225 en 2000 et 245, avec le statut d'agent de maîtrise, en 2005, faisant apparaître que deux de ces salariés, embauchés un an après lui avec un coefficient et une qualification moindre, bénéficiaient d'un coefficient nettement supérieur ; que la Cour d'appel, considérant que si ces salariés travaillaient dans le même atelier, ni la qualification, ni les fonctions, ni les diplômes à l'embauche, ni le coefficient de départ n'étaient équivalents, a écarté ces éléments de comparaison ; qu'en statuant ainsi, sans comparer, ainsi qu'elle y était invitée, la situation de Monsieur X... avec trois des salariés visés dans son panel, embauchés en 1973 et 1974, à un coefficient identique, voire inférieur et ayant un coefficient supérieur, la Cour d'appel a entache sa décision d'un manque de base légale au regard desdits articles L 2141-5 et L 1134-1 du Code du travail, anciens articles L 412-2 alinéa 1 et L 122-45 alinéa 4 du Code du travail.