LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2008) que M. X... a été engagé le 1er mars 2004 en qualité de chef d'exploitation et de flux des marchandises ; que le contrat prévoyait une période d'essai de deux mois et une clause stipulant qu'il était "établi pour une durée déterminée de six ans minimum" ; que le 2 août 2004, M. X... a été changé de poste pour être affecté à la gestion de la zone de traitement ; que le 20 septembre, l'employeur lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnité pour non-respect de cette clause et subsidiairement de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de garantie d'emploi inscrite à son contrat de travail et pour non-respect de la procédure de licenciement alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a relevé une modification substantielle des fonctions du salarié prévues par le contrat de travail ; qu'en déclarant cependant applicable la clause de garantie d'emploi stipulée à ce contrat pour l'exécution précise des fonctions convenues initialement et en considération de l'expérience du salarié à ce poste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a relevé que le salarié n'avait pas formulé de demande au titre d'une rupture abusive de son contrat de travail ; qu'en justifiant cependant l'allocation d'une somme correspondant à soixante-quatre mois de salaire au titre de la violation de la clause de garantie d'emploi par l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que faute d'apprécier l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, dont ceux tirés des insuffisances professionnelles de M. X... en sa qualité de chef d'exploitation et des flux de marchandises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1149 du code civil et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que l'indemnité destinée à réparer la violation d'une clause de garantie d'emploi ne se cumule pas avec le revenu de remplacement servi par l'assurance chômage ; que la cour d'appel a écarté le caractère manifestement excessif de l'indemnisation allouée correspondant aux soixante-quatre mois de salaire que M. X... aurait perçus jusqu'au terme de la période de garantie d'emploi, au motif inopérant de l'insuffisance du revenu de remplacement perçu par le salarié et sa limitation dans le temps ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1149 du code civil ;
Mais attendu d'abord, qu'interprétant la clause litigieuse, la cour d'appel a retenu que la commune intention des parties a été de garantir l'emploi de M. X..., jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la retraite, ce dont il résulte que le changement de fonctions intervenue a été sans incidence sur cette garantie d'emploi ;
Attendu, ensuite que, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêt qui accorde une indemnisation pour violation de la clause de garantie d'emploi relève que la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive est subsidiaire ;
Attendu, enfin, que les juges du fond ont évalué souverainement le montant de la réparation du préjudice subi par le salarié en conséquence de la rupture prématurée du contrat de travail ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche dès lors que la cour d'appel a constaté qu'aux termes du contrat de travail l'employeur ne pouvait rompre le contrat que pour faute grave ou lourde, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sauerbrei logistics France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Sauerbrei logistics France
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SAUERBREI à payer à Monsieur X... les sommes de 195.915,52 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de garantie d'emploi inscrite à son contrat de travail et de 2.904 € pour non-respect de la procédure de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE la commune intention des parties a été, en inscrivant cette clause au contrat, de garantir l'emploi de monsieur X... à tout le moins jusqu'à l'âge de 60 ans, étant relevé que cette clause n'était pas illicite et laissait possible, selon l'article 11 du contrat de travail, « une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave ou lourde », « en cas de violation des règles et consignes applicables au sein de l'entreprise » ; qu'en conséquence, en rompant prématurément le contrat de travail de monsieur X..., en l'absence de faute celui ci, au motif d'une insuffisance professionnelle, alors qu'après une période d'essai de deux mois le contrat s'était normalement poursuivi, l'employeur n'a pas respecté l'engagement contractuel qu'il avait pris en inscrivant la clause de garantie d'emploi sus-visée au contrat de travail signé avec Monsieur X... ; que la rupture du contrat de travail est donc une rupture abusive ; que la somme de 195.915,52 € correspondant très exactement aux 64 mois qui restaient à courir entre le moment où monsieur X... a été licencié et le moment où il a atteint ses 60 ans, la somme réclamée par ce dernier n'apparaît manifestement pas excessive, l'intéressé ne réclamant pas par ailleurs, sauf à titre subsidiaire, de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail ; qu'en effet monsieur X... n'a pas réussi depuis lors à retrouver un emploi, sa prise en charge par les ASSEDIC lui a occasionné une baisse sensible de revenus, cette prise en charge prendra fin prochainement sans indemnisation dans l'attente de l'âge de sa retraite et sa retraite sera diminuée du fait de la réduction de ses cotisations à la suite de son licenciement ; que l'employeur n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail dans la mesure où il a modifié unilatéralement et de façon substantielle, les fonctions de monsieur X... quelques mois après son embauche mais sans rapporter la preuve du moindre reproche formulé, ni formulable, pendant la période où il a été affecté au poste de chef d'exploitation pour lequel il avait été recruté et justifiait d'une importante expérience ; que l'employeur l'a licencié un mois et demi après ce changement de fonction, pour insuffisance professionnelle, motif dont il ne rapporte aucune preuve, se bornant à produire un « tableau graphique de production » du 4 juin au 29 octobre 2004 d'où il ressort que pendant le mois d'août, très exactement du 9 au 24 août, la production du service auquel venait d'être affecté le 2 août monsieur X... aurait baissé de 30% ; qu'un tel élément est non pertinent pour établir une insuffisance professionnelle, s'agissant tout d'abord de fonctions fort différentes, qui venaient d'être confiées à l'intéressé et que celui-ci n'avait pas sollicitées, mais étant surtout relevé que cette baisse d'activité du mois d'août n'est que la traduction de la baisse générale d'activité des entreprises pendant cette période de congés d'été ; que comme le plaide subsidiairement monsieur X..., ce licenciement apparaît donc également, eu égard aux griefs qui lui sont faits, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, au-delà de son préjudice strictement économique, monsieur X..., qui avait démissionné de son précédent emploi, assuré depuis 10 ans sans problèmes, pour rejoindre, sur sollicitation, la société SAUERBREI, a également subi un important préjudice moral du fait de la rupture de son contrat de travail dans de telles circonstances et après quelques mois seulement ;
1°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé une modification substantielle des fonctions du salarié prévues par le contrat de travail ; qu'en déclarant cependant applicable la clause de garantie d'emploi stipulée à ce contrat pour l'exécution précises des fonctions convenues initialement et en considération de l'expérience du salarié à ce poste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé que le salarié n'avait pas formulé de demande au titre d'une rupture abusive de son contrat de travail ; qu'en justifiant cependant l'allocation d'une somme correspondant à 64 mois de salaire au titre de la violation de la clause de garantie d'emploi par l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE faute d'apprécier l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, dont ceux tirés des insuffisances professionnelles de Monsieur X... en sa qualité de chef d'exploitation et des flux de marchandises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1149 du Code civil et L 122-14-3 recodifié 1235-1 du Code du travail ;
4°) ALORS QUE l'indemnité destinée à réparer la violation d'une clause de garantie d'emploi ne se cumule pas avec le revenu de remplacement servi par l'assurance chômage ; que la cour d'appel a écarté le caractère manifestement excessif de l'indemnisation allouée correspondant aux 64 mois de salaire que Monsieur X... aurait perçus jusqu'au terme de la période de garantie d'emploi, au motif inopérant de l'insuffisance du revenu de remplacement perçu par le salarié et sa limitation dans le temps ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1149 du Code civil.