LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 2 mai 2000 en qualité de chauffeur-routier par la société de droit espagnol Trans Team Grupo Vialle Iberica (la société), et licencié pour faute grave le 24 octobre 2000, a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ; que la société a soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions espagnoles et fait valoir que le contrat de travail était soumis à la loi espagnole, choisie par les parties ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 3, paragraphe 3 et 6, paragraphe 1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;
Attendu que, dès lors que le salarié n'est pas privé du droit d'accès au juge, les règles de procédure aménageant les délais de saisine des juridictions du travail ne portent pas atteinte aux dispositions impératives de la loi française qui auraient été applicables en l'absence de choix d'une loi étrangère applicable au contrat de travail ;
Attendu que pour dire la loi française applicable au litige, l'arrêt constate que, permettant au salarié de contester son licenciement en justice pendant trente ans, elle est plus favorable que la loi espagnole choisie par les parties, qui limite ce délai à vingt jours, et retient que ce choix ne pouvait avoir pour effet de priver le salarié de la protection que lui assuraient les dispositions impératives de la loi française qui auraient été applicables à défaut d'option, M. X... accomplissant habituellement son travail en France ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié n'était pas privé du droit d'accès au juge et que, dès lors, le délai de procédure, non contraire à l'ordre public international, qui lui était imposé par la loi espagnole pour saisir la juridiction compétente, ne le privait pas de la protection d'une disposition impérative de la loi française, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour la société Trans Team Grupo Vialle Iberica
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le Conseil de prud'hommes de FOIX était compétent pour connaître de l'initiative procédurale de Monsieur Emmanuel X... à l'encontre de la Société TTI ;
AUX MOTIFS QU' en application de l'article 19 § 2 a) du règlement communautaire 44/2001 applicable aux litiges portés devant les juridictions à compter du 1er mars 2002, un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait par un travailleur devant le Tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, c'est-à-dire, selon l'interprétation donnée par la Cour de justice des communautés européennes (Arrêt WEBER du 27 février 2002) celui où il accomplit la majorité de son temps de travail, à partir duquel il organise ses activités et où il retourne après chaque voyage ; qu'en l'espèce, M. Emmanuel X... qui travaillait hors de tout établissement justifie par nombreuses attestations de ce qu'il ramenait chaque fin de semaine son ensemble routier à CASTILLON, lieu à partir duquel il reprenait son service, qu'il n'est pas contesté par l'employeur qu'ainsi qu'il le soutient, ce salarié recevait les ordres et directives de celui-ci à son domicile, de sorte que la compétence du Conseil de Prud'hommes de FOIX, dans le ressort duquel se trouve le lieu à partir duquel M. Emmanuel X... organisait ses activités et auquel il revenait, doit être retenue ;
ALORS QUE D'UNE PART la Cour se réfère à de nombreuses attestations sans rien préciser à cet égard si bien qu'il est impossible de savoir si lesdites attestations ont été régulièrement communiquées, fut-ce le jour de l'audience, à la société intimée en sorte que l'arrêt ne permet pas de savoir si ont été satisfaites les exigences de l'article 16 du Code de procédure civile, violé ;
ALORS QUE D'AUTRE PART et en toute hypothèse si un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait par un travailleur devant le Tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard de cette dernière condition en se bornant à relever que le salarié recevait des ordres et directives de l'employeur à son domicile situé en France, affirmation qui ne permet pas de savoir ce qu'il en était de l'accomplissement de son travail s'agissant d'un chauffeur routier ; qu'ainsi l'arrêt est privé de base légale au regard de l'article 19 § 2 A du règlement communautaire 44 2001.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport au premier) :Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la loi applicable au litige était la loi française ;
AU MOTIF QU' en vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties peuvent convenir de choisir la loi applicable à leur contrat, et il est établi en l'espèce qu'au moment de la signature du contrat de travail, les parties ont fait référence à la loi espagnole ; que toutefois, en application de l'article 6 §1 de la Convention de ROME dont l'Espagne et la France sont signataires, le choix fait par les parties ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu de l'article 2 §2, c'est-à-dire en l'espèce la loi française, loi du lieu habituel d'exécution du travail ; que sont qualifiées d'impératives, selon l'article 3 §3 de la convention, les "dispositions auxquelles la loi d'un pays ne permet pas de déroger par contrat"; qu'il s'agit donc de toutes les dispositions de droit privé marquées du sceau de l'ordre public ; que tel est te cas de la procédure de licenciement, de ses effets, de la liberté d'agir en justice, liberté fondamentale à laquelle il ne saurait être porté atteinte par contrat, en application de l'article L 120-2 du Code du travail ; qu'en revendiquant l'application de la loi espagnole, la société T.T.I entend opposer à Monsieur Emmanuel X... la forclusion de son action au motif que le recours du salarié est enfermé dans le délai d'un mois à compter de' la réception de la lettre de licenciement ; qu'il résulte clairement de ce moyen que la loi espagnole fait obstacle aux dispositions impératives plus favorables de la loi française, qui n'enferme l'action en contestation du licenciement que dans le délai trentenaire, et celle-ci doit dès lors être retenue comme applicable ;
ALORS QU' un délai de forclusion pour saisir une juridiction ne concerne ni la procédure de licenciement, ni ses effets, ni la liberté d'agir en justice, mais il s'agit d'un délai de procédure qui en tant que tel ne fait pas partie des lois de police et un délai de procédure fixé par un Etat membre de l'Union européenne, pour saisir sa juridiction d'une contestation - fut-il d'un mois à compter de la réception de la lettre de licenciement ce que ne pouvait ignorer le salarié qui avait soumis son contrat à la loi espagnole - n'est pas contraire à l'ordre public au sens international étant observé que l'article L 120 – 2 du Code du travail était étranger à la cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour viole par fausse application l'article précité, ensemble viole également par fausse application les articles 6 §1, 3 §3 et 2§2 de la Convention de ROME et viole les règles et principes qui gouvernent la liberté contractuelle et la détermination de la loi applicable, d'où une méconnaissance des exigences de l'article 12 du Code de procédure civile.