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05/05/2010 | FRANCE | N°08-45502

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mai 2010, 08-45502


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que se plaignant d'un prélèvement dit abattement de zone sur leur salaire de 0,7 % et depuis le 1er janvier 2007 de 0,4 %, M. X... et trente-neuf autres salariés de l'établissement de Montpellier de la société nationale de télévision France 3 (la société France 3) ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire ;
Attendu que la société France 3 fait grief à l'arrêt (Montpellier, 22 octobre 2008) de l'avoir condamnée à leur verser un rappel de salai

re correspondant à la retenue pour abattement de zone et à l'indemnité de co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que se plaignant d'un prélèvement dit abattement de zone sur leur salaire de 0,7 % et depuis le 1er janvier 2007 de 0,4 %, M. X... et trente-neuf autres salariés de l'établissement de Montpellier de la société nationale de télévision France 3 (la société France 3) ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire ;
Attendu que la société France 3 fait grief à l'arrêt (Montpellier, 22 octobre 2008) de l'avoir condamnée à leur verser un rappel de salaire correspondant à la retenue pour abattement de zone et à l'indemnité de congés payés afférente, dans la limite de la prescription quinquennale, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen :
1°/ que la Convention collective nationale de travail des personnels techniques et administratifs de la société France Régions du 1er février 1976 était applicable à «tous les collaborateurs permanents de celle-ci» et notamment «aux agents de l'ex ORTF qui ont été soumis jusqu'à cette date ou au plus tard jusqu'au 31 décembre 1975, en application de l'article 32 de la loi du 7 août 1974, au décret n° 64-738 du 22 juillet 1964 modifié» ; qu'en affirmant que «les salariés non journalistes ne sont pas régis par ce texte mais par la convention collective de la communication et la production audiovisuelles », lorsque la convention collective des personnels techniques et administratifs de la société France Régions du 1er février 1976 était la convention collective applicable à tout le personnel de la société France 3, y compris le personnel non journaliste, avant la conclusion de la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle intervenue en 1984, la cour d'appel a violé l'article 1er de la convention collective de travail des personnels techniques et administratifs de la société France Régions du 1er février 1976 ;
2°/ que l'accord salarial du 10 mai 1990 a été conclu dans le cadre des dispositions de la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle ; que dès lors, en portant réduction des taux d'abattements de zone en vigueur à TDF, France 3 et Radio France, il établit l'existence d'un abattement de zone de source conventionnelle ; qu'en jugeant que cet accord, parce qu'il ne porte que sur la réduction du taux d'abattement de zone, ne peut constituer une convention instaurant un tel abattement, pour en déduire qu'il n'existe aucun texte permettant d'opérer une retenue sur salaire au titre d'un abattement de zone, la cour d'appel a violé l'accord salarial du 10 mai 1990 et la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle ;
3°/ que l'accord salarial du 10 mai 1990 a été conclu dans le cadre des dispositions de la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle ; que dès lors, en portant réduction des taux d'abattements de zone en vigueur à TDF, France 3 et Radio France, il établit l'existence d'un abattement de zone de source conventionnelle ; qu'en jugeant que cet accord, parce qu'il ne porte que sur la réduction du taux d'abattement de zone, ne peut constituer une convention instaurant un tel abattement, pour en déduire qu'il n'existe aucun texte permettant d'opérer une retenue sur salaire au titre d'un abattement de zone, la cour d'appel a violé l'accord salarial du 10 mai 1990 et la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle ;
4°/ que la différence de coût de la vie entre la région parisienne et la province constitue un fait constant et incontestable ; qu'en exigeant néanmoins de la société France 3 qu'elle justifie de cette affirmation, non, contestée et incontestable, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
5°/ que les salariés présents à l'instance sollicitaient le remboursement intégral de la retenue opérée sur leur salaire au titre de l'abattement de zone et non pas la soumission à un autre taux d'abattement applicable dans une autre région ; qu'en exigeant néanmoins de la société France 3 qu'elle justifie par des éléments objectifs l'application jusqu'au 31 décembre 2006 de deux zones avec des taux d'abattement différents, lorsqu'il importait seulement qu'elle justifie de la différence de traitement existant entre les salariés demandeurs et ceux ne bénéficiant d'aucun abattement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-5 4 (devenu L. 2261-22 4), L. 136-2 8 devenu L. 2271-1 8) et L. 140-2 devenu les articles L. 3221-2, L. 3221-3 et L. 3221-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'il ne peut y avoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;
Et attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'allégation de la société relative au niveau du coût de la vie plus élevé à Paris qu'en Province n'était fondée sur aucun élément objectif, d'autre part, que l'existence de taux d'abattement de 0,4 et 0,7 % selon les régions à partir du 31 décembre 2006 n'était pas justifiée, non plus que l'absence d'abattement dans certaines régions, la cour d'appel a exactement décidé que la différence de traitement subie par les salariés de l'établissement de Montpellier par rapport aux salariés d'autres établissements de France 3 qui exerçaient un même travail, ne reposait pas sur des raisons pertinentes ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nationale de télévision France 3 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nationale de télévision France 3 à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Nationale de télévision France 3.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société France 3 à verser aux salariés un rappel de salaire correspondant à la retenue pour abattement de zone et à l'indemnité de congés payés afférente, dans la limite de la prescription quinquennale, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS OUE «La société France 3 opérait sur le salaire de base de ses salariés (journalistes et personnels techniques) un abattement de zone selon trois zones :- zone 1 (Paris et région IIe-de-France) dans lesquels aucun abattement de zone n'était pratiqué, - zone 2 (régions Nord, Rhône-Alpes, Alsace et Lorraine) auxquelles était appliqué un abattement de zone de 0,4 % du salaire brut,- zone 3 (régions Limousin, Poitou-Charentes, Ouest, Aquitaine, Sud et Bourgogne Franche-Comté) dans lesquelles l'abattement de zone pratiqué correspondait à 0,7% de la rémunération brute. Depuis le ler janvier 2007, la zone 3 a été supprimée et les salariés qui en relevaient ont eu leur abattement de zone ramené à 0,4 %.Sur les textes applicables :Pour justifier cet abattement de zone la société France 3 invoque les décrets des 4 février 1960, 22 juillet 1964 et 30 mars 1972. Mais ces textes qui portaient statuts des personnels de la Radio télévision française puis de l'Office de radiodiffusion télévision française, ont été abrogés avec la disparition de ces organismes notamment par la loi du 7 août 1974.Elle s'appuie sur les conventions collectives. La convention collective des journalistes contient simplement une allusion à cet abattement de zone en son article 23-2 qui édicté «L'abattement de zone auquel sont encore assujettis les salaires réels (salaire de base plus prime d'ancienneté) est en principe celui du chef-lieu de région dans laquelle se trouve le lieu de travail habituel du journaliste concerné ». Si la convention collective de la société nationale de programme France Régions contient à son article 41 une disposition similaire, les salariés non journalistes ne sont pas régis par ce texte mais par la convention collective de la communication et la production audiovisuelles dont l'accord du 31 mars 1984 dispose seulement : «En attendant, pour les domaines dans lesquels des négociations doivent se poursuivre, demeurent applicables les règles antérieures y compris celles des conventions ou dispositions déjà expirées ou devant expirer dans la période intermédiaire».Les accords des 6 mars 1987 et 1 0 mai 1990 ne portent que sur la réduction du taux d'abattement de zone et ne peuvent constituer une convention sur l'instauration d'un tel abattement. Lors des négociations annuelles obligatoires en 2003, 2004 et 2006, le problème de l'abattement de zone a été discuté, mais aucun accord n'a pu intervenir, les organisations représentatives du personnel exigeant sa suppression.Ainsi n'existe aucun texte permettant d'opérer une retenue sur salaire au titre d'un abattement de zone. Au surplus, un tel texte contreviendrait au principe «à travail égal salaire égal» auquel il ne peut être dérogé par convention ou accord collectifs.
Sur le principe «à travail égal, salaire égal» :S'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » tel que découlant des articles L. 2261-22 9° et L. 2271-1 8° du code du travail, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.Ces abattements de zone le sont sur les salaires tels qu'ils sont fixés au niveau de l'entreprise sous forme de barèmes tenant compte des classifications professionnelles. Il résulte de leur application une différence de traitement entre les salariés de la société France 3 exerçant des fonctions identiques et classés au même niveau selon qu'ils sont rattachés à tel ou tel établissement. Ces salariés sont cependant réputés fournir un travail identique.La politique salariale de la société France 3 se trouve définie au niveau, non pas de chaque établissement, mais de l'entreprise laquelle doit donc, en l'espèce, servir de cadre à l'appréciation du respect de la règle «à travail égal, salaire égal».Pour expliquer la différence d'abattement de zone, la société France 3 allègue le coût de la vie plus élevé en Ile-de-France qu'en Province.Mais d'une part, elle ne saurait se limiter à cette pétition de principe sans fournir d'éléments objectifs. D'autre part cette différence ne peut expliquer l'application jusqu'au 31 décembre 2006 de deux zones avec des taux d'abattement de 0,4 % et 0,7 % en l'absence de tout élément montrant une différence de coût de la vie entre les diverses régions situées dans l'une ou l'autre de ces deux zones.Egalement, les salariés ne sont pas démentis lorsqu'ils soutiennent que certaines régions comme la Côte-d'Azur ou la Normandie ne subissent aucun abattement malgré leur situation en Province. Il n'est pas sans intérêt de relever que depuis le ler septembre 2008, la société France 3 a renoncé à appliquer l'abattement de zone.Ainsi il n'existe aucune donnée objective propre à justifier cette différence de traitement liée à l'application d'abattements de zone.L'application unilatérale par l'employeur d'abattements de zone, en ce qu'il crée entre les salariés de la société France 3 placés dans une situation professionnelle identique, une différence de traitement sans raison objective, porte atteinte à la règle d'égalité de salaire.Contrairement à ce que prétend la société France 3, l'abattement de zone a entraîné une réduction du salaire. Il convient de réformer les jugements déférés et de condamner la société France 3 à payer à chacun des salariés le rappel de salaire correspondant dans les limites de la prescription à la retenue pour abattement de zone et de l'indemnité de congés payés, sommes non contestées en leur quantum.Pour obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires, les salariés doivent établir, conformément à l'article 1153 du code civil, que la société France 3, débiteur en retard, leur a causé par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, le caractère alimentaire du salaire ne pouvant à lui seul justifier un dommage notamment en raison de la modicité de la retenue pratiquée.La société France 3 doit être condamnée à établir un bulletin de paie portant sur les sommes allouées à chacun des salariés.L'abattement de zone ayant été supprimé depuis le ler septembre 2008, la demande de sa cessation devient sans objet.L'équité commande de condamner la société France 3 à payer à chacun des salariés une indemnité de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile».
1. ALORS QUE la convention collective nationale de travail des personnels techniques et administratifs de la société FRANCE REGIONS du 1er février 1976 était applicable à «tous les collaborateurs permanents de celle-ci» et notamment « aux agents de l'ex ORTF qui ont été soumis jusqu'à cette date ou au plus tard jusqu'au 31 décembre 1975, en application de l'article 32 de la loi du 7 août 1974, au décret n° 64-738 du 22 juillet 1964 modifié» ; qu'en affirmant que « les salariés non journalistes ne sont pas régis par ce texte mais par la convention collective de la communication et la production audiovisuelles », lorsque la convention collective des personnels techniques et administratifs de la société FRANCE REGIONS du 1er février 1976 était la convention collective applicable à tout le personnel de la société France 3, y compris le personnel non journaliste, avant la conclusion de la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle intervenue en 1984, la Cour d'appel a violé l'article 1er de la convention collective de travail des personnels techniques et administratifs de la société FRANCE REGIONS du 1er février 1976 ;
2. ALORS QUE l'accord salarial du 10 mai 1990 a été conclu dans le cadre des dispositions de la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle ; que dès lors, en portant réduction des taux d'abattements de zone en vigueur à TDF, France 3 et Radio France, il établit l'existence d'un abattement de zone de source conventionnelle; qu'en jugeant que cet accord, parce qu'il ne porte que sur la réduction du taux d'abattement de zone, ne peut constituer une convention instaurant un tel abattement, pour en déduire qu'il n'existe aucun texte permettant d'opérer une retenue sur salaire au titre d'un abattement de zone, la Cour d'appel a violé l'accord salarial du 10 mai 1990 et la convention collective de la production et de la communication audiovisuelle ;
3. ALORS QU'il était constant qu'une partie au moins des salariés présents à l'instance relevaient de la convention collective des journalistes (jugement p 13 ; conclusions d'appel des salariés p 4); qu'ayant par ailleurs constaté que l'article 23-2 de cette convention collective prévoit que «L'abattement de zone auquel sont encore assujettis les salaires réels (salaire de base plus prime d'ancienneté) est en principe celui du chef-lieu de région dans laquelle se trouve le lieu de travail habituel du journaliste concerné», la Cour d'appel ne pouvait en conclure qu'il n'existe aucun texte permettant d'opérer une retenue sur salaire au titre d'un abattement de zone ; qu'en statuant pourtant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 23-2 de la convention collective des journalistes
4. ALORS QUE la différence de coût de la vie entre la région parisienne et la province constitue un fait constant et incontestable; qu'en exigeant néanmoins de la société France 3 qu'elle justifie de cette affirmation, non, contestée et incontestable, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
5. ALORS QUE les salariés présents à l'instance sollicitaient le remboursement intégral de la retenue opérée sur leur salaire au titre de l'abattement de zone et non pas la soumission à un autre taux d'abattement applicable dans une autre région ; qu'en exigeant néanmoins de la société France 3 qu'elle justifie par des éléments objectifs l'application jusqu'au 31 décembre 2006 de deux zones avec des taux d'abattement différents, lorsqu'il importait seulement qu'elle justifie de la différence de traitement existant entre les salariés demandeurs et ceux ne bénéficiant d'aucun abattement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 133-5 41 devenu L 2261-22 4), L 136-2 8) devenu L 2271-I 8) et L 140-2 devenu les articles L3221-2, L3221-3 et L322I-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45502
Date de la décision : 05/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Montpellier, 22 octobre 2008, 08/02995

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 22 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mai. 2010, pourvoi n°08-45502


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45502
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