LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 septembre 2008), que la société Allo pressing, dont M. X... était le gérant depuis le 24 décembre 2003, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 17 décembre 2004 ; que lors de l'homologation du plan de redressement par jugement du 3 juin 2005, le tribunal de commerce a confié la gérance à M. Y... qui, par contrat du 4 juin, a engagé M. X... en qualité de directeur d'exploitation ; que la société a été mise en liquidation judiciaire le 12 juin 2006, et que M. X..., licencié par le liquidateur le 23 juin, a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt de reconnaître à M. X... la qualité de salarié de la société Allo pressing, alors, selon le moyen :
1° / que lorsque la qualité de salarié de l'intéressé est contestée à l'occasion d'une procédure de liquidation judiciaire, il appartient à celui-ci d'établir qu'il exerçait son activité dans le cadre d'un lien de subordination ; qu'en affirmant que, dans la mesure où M. X... était titulaire d'un contrat de travail écrit et de bulletins de salaire, il appartenait au liquidateur judiciaire de la Sarl Allo pressing et à L'AGS-CGEA d'Ile-de-France d'apporter la preuve de l'absence de lien de subordination, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du code du travail ;
2° / que l'existence d'un contrat de travail écrit ne fait pas obstacle à ce que la qualité de dirigeant de fait soit reconnue à son titulaire ; que le contrat de travail de M. X... comporte une " liste des tâches " englobant l'ensemble des fonctions de direction et de gestion de l'entreprise (fonctionnement général du magasin, règlement des litiges, relations avec les clients et les fournisseurs, relations avec la banque, établissement du planning du personnel, suivi des affaires administratives, compétence en matière de sélection du personnel et des mesures de sanction, suivi de la comptabilité, suivi des procédures collectives engagées devant les tribunaux de commerce, etc.) ; qu'en relevant que la mission ainsi dévolue à M. X... était " large ", sans rechercher si l'intéressé n'assumait pas, au regard de cette liberté d'intervention qui lui était reconnue, la fonction de gérant de fait de la société Allo pressing, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du code du travail ;
3° / que le gérant de fait est celui qui assume la direction de l'entreprise sans mandat social explicite ; qu'en estimant que M. X... ne pouvait se voir qualifier de gérant de fait dès lors que ce rôle de dirigeant n'apparaissait pas à la lecture des pièces comptables et sociales, cependant que cette situation est précisément caractéristique de la gérance de fait, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation parfaitement inopérante et a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du code du travail ;
4° / que le lien de subordination est nécessaire à l'existence d'un contrat de travail ; qu'en affirmant que le contrat de travail de M. X... se trouvait justifié par la volonté de la Sarl Allo pressing de conserver, dans le cadre du plan de continuation, la compétence technique de l'intéressé, cependant que les compétences techniques prêtées à M. X... pouvaient également s'exprimer dans le cadre d'une gestion de fait de la Sarl Allo pressing, la cour d'appel s'est là encore déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du code du travail ;
Mais attendu qu'en présence d'un contrat de travail apparent il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif d'en rapporter la preuve ; que la cour d'appel, qui n'a pas dit que l'existence d'une relation salariale se trouvait justifiée par la volonté de la Sarl Allo pressing de conserver, dans le cadre du plan de continuation, la compétence technique de l'intéressé, mais qui a relevé que l'importance et la variété des tâches de direction confiées au salarié n'étaient pas exclusives d'un lien de subordination, a fait ressortir, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, que le liquidateur judiciaire était défaillant dans l'administration de cette preuve ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. A..., ès qualités, à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. A..., ès qualités.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir reconnu à Monsieur X... la qualité de salarié de la SARL ALLO PRESSING ;
AUX MOTIFS QU'il existe à compter du 4 juin 2005 un contrat de travail écrit et que des bulletins de paie ont été délivrés ; qu'il s'en déduit que Monsieur X... est titulaire apparent d'un contrat de travail ; que c'est donc à la partie qui en conteste la réalité d'apporter la preuve de l'absence de lien de subordination ; que le lien de subordination juridique est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements à son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail et que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'à compter du 4 juin 2005, Monsieur X... n'a plus de fonction sociale et que ses pouvoirs tels que définis au contrat de travail, pour être large, sont compatibles avec la notion de subordination dès lors que, d'une part, ni le liquidateur ni l'UNEDIC-délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France ne rapportent la preuve qu'il eut excédé ses pouvoirs et qu'il se soit immiscé dans la gestion de la société dont la gérance était nouvellement confié à une autre personne et, d'autre part, que c'est à tort que les intimés, à la suite des premiers juges, tirent argument de ce qu'il était anciennement le gérant pour lui dénier de ce seul fait la qualité de salarié après sa démission de ces mandants sociaux ; que la cour relève également que, alors que le mandataire liquidateur a accès aux documents sociaux et comptables et qu'un juge commissaire ainsi qu'un commissaire à l'exécution du plan étaient en charge du plan de continuation, les intimés n'apportant aucune pièces comptables ni rapport du commissaire à l'exécution du plan qui vienne expliquer que Monsieur X... aurait un rôle de dirigeant de fait et non de simple salarié ; que si Monsieur X... a été conservé dans l'entreprise dans le cadre du plan de continuation homologué par le tribunal de commerce, c'est à raison de ses compétences techniques supposées, compétences mises en oeuvre dans le cadre du contrat de travail sans que les intimés ne démontrent qu'il ait agit hors de toute subordination ; que faute pour les intimés de rapporter la preuve que le contrat de travail de Monsieur X... ne repose pas sur un lien de subordination, la cour infirme le jugement et reconnaît à cet appelant la qualité de salarié du 4 juin 2005 au 23 juin 2006 ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE lorsque la qualité de salarié de l'intéressé est contestée à l'occasion d'une procédure de liquidation judiciaire, il appartient à celui-ci d'établir qu'il exerçait son activité dans le cadre d'un lien de subordination ; qu'en affirmant que, dans la mesure où Monsieur X... était titulaire d'un contrat de travail écrit et de bulletins de salaire, il appartenait au liquidateur judiciaire de la SARL ALLO PRESSING et à l'AGS-CGEA d'Ile-de-France d'apporter la preuve de l'absence de lien de subordination, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 du Code civil et L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du Code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE l'existence d'un contrat de travail écrit ne fait pas obstacle à ce que la qualité de dirigeant de fait soit reconnue à son titulaire ; que le contrat de travail de Monsieur X... comporte une " liste des tâches " englobant l'ensemble des fonctions de direction et de gestion de l'entreprise (fonctionnement général du magasin, règlement des litiges, relations avec les clients et les fournisseurs, relations avec la banque, établissement du planning du personnel, suivi des affaires administratives, compétence en matière de sélection du personnel et des mesures de sanction, suivi de la comptabilité, suivi des procédures collectives engagées devant les tribunaux de commerce, etc.) ; qu'en relevant que la mission ainsi dévolue à Monsieur X... était " large " (arrêt attaqué, p. 5 § 3), sans rechercher si l'intéressé n'assumait pas, au regard de cette liberté d'intervention qui lui était reconnue, la fonction de gérant de fait de la Société ALLO PRESSING, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du Code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE le gérant de fait est celui qui assume la direction de l'entreprise sans mandat social explicite ; qu'en estimant que Monsieur X... ne pouvait se voir qualifier de gérant de fait dès lors que ce rôle de dirigeant n'apparaissait pas à la lecture des pièces comptables et sociales (arrêt attaqué, p. 5 § 4), cependant que cette situation est précisément caractéristique de la gérance de fait, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation parfaitement inopérante et a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du Code du travail ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE le lien de subordination est nécessaire à l'existence d'un contrat de travail ; qu'en affirmant que le contrat de travail de Monsieur X... se trouvait justifié par la volonté de la SARL ALLO PRESSING de conserver, dans le cadre du plan de continuation, la compétence technique de l'intéressé (arrêt attaqué, p. 5 § 4), cependant que les compétences techniques prêtées à Monsieur X... pouvaient également s'exprimer dans le cadre d'une gestion de fait de la SARL ALLO PRESSING, la cour d'appel s'est là encore déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du Code du travail.