LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 février 2008), que M. X... a été engagé le 23 mai 1997 par la société Framotel Sénégal en qualité de directeur général de l'hôtel Palm Beach à Saly Portudal (Sénégal), les relations de travail étant régies par le droit du travail sénégalais, et en particulier la Convention collective nationale interprofessionnelle (CCNI) des industries hôtelières de la République du Sénégal du 29 septembre 1960, publiée au journal officiel du 31 décembre 1960 ; que la rémunération contractuelle du salarié comportait une partie fixe et une partie variable ; que par note du 20 novembre 2002 adressée au directeur administratif et financier de la société Framotel Sénégal, M. X... a demandé une avance correspondant à deux mois de salaire net pour son épouse et lui-même ; que cette somme lui a été versée par chèques quelques jours plus tard ; que M. X... a été licencié pour faute lourde le 4 mars 2003 aux motifs notamment qu'il s'était personnellement attribué à lui-même ainsi qu'à son épouse, une gratification sans autorisation préalable du président du conseil d'administration de la société, et que contrairement aux usages en vigueur ces gratifications avaient été directement payées à son initiative sur son compte au Sénégal, échappant ainsi à tout contrôle préalable ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution comme à la rupture de son contrat de travail, et dirigées à la fois contre la société Framotel et contre la société Voyages Fram, prise en qualité de co-employeur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Framotel Sénégal et Voyages Fram font grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. X... était abusif et en conséquence de les avoir condamnées solidairement à payer au salarié diverses sommes, alors, selon le moyen, que l'octroi unilatéral par le salarié d'une gratification annuelle, sans autorisation de l'employeur, constitue une faute lourde à tout le moins un motif légitime de licenciement ; d'où il résulte qu'en estimant abusif que le licenciement de M. X... tout en constatant qu'il s'était unilatéralement accordé et fait verser sur son compte sénégalais une gratification annuelle, sans aucune autorisation préalable ou même postérieure de son employeur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 56 du code du travail sénégalais ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 56 du code du travail sénégalais : "Toute rupture abusive du contrat peut donner lieu à des dommages-intérêts. La juridiction compétente constate l'abus par une enquête sur les causes et les circonstances de la rupture du contrat. Les licenciements effectués sans motifs légitimes ... sont abusifs. En cas de contestation, la preuve de l'existence d'un motif légitime de licenciement incombe à l'employeur" ;
Et attendu que sous couvert d'une prétendue violation de ce texte, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des faits et des preuves par les juges du fond, qui ont constaté que le grief formulé contre le salarié n'était pas établi, aucune pièce ne démontrant la nécessité d'une autorisation préalable du président-directeur général de la société, la gratification perçue en novembre 2002 constituant une avance sur le salaire du mois de décembre et étant notablement inférieure à la gratification des années précédentes, l'opération ayant enfin été régulièrement demandée au directeur administratif et financier et mentionnée sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2002 ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les deux sociétés font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer au salarié une indemnité compensatrice de congés payés et des dommages-intérêts pour congés payés non pris, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel qui constatait que le congé supplémentaire de deux semaines par an prévu par l'article 55 de la CCNI supposait non seulement que le travailleur soit logé, mais encore ait la garde de l'établissement et soit astreint à une durée de 24 heures continues par jour ne pouvait retenir que M. X... remplissait cette condition, lorsque s'il était logé et tenu à une obligation de direction de l'hôtel, il n'était nullement astreint à une durée de présence de 24 heures continues par jour, ce que rappelait la société Framotel dans ses conclusions ; d'où il résulte qu'en reconnaissant à M. X... un congé supplémentaire qui ne correspondait pas à sa situation, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 148 et suivants du code du travail sénégalais, l'article 42 et l'annexe 5 de la convention collective des industries hôtelières du Sénégal ;
2°/ que dans ses écritures d'appel, la société Framotel Sénégal faisait valoir et en justifiait par les pièces régulièrement produites que pendant le temps d'exécution du contrat de travail, 198 jours de congés payés avaient été pris ou payés à M. X..., quand il ne pouvait prétendre, en exécution du contrat de travail qu'il avait signé, qu'à 120 jours ; qu'en se bornant à retenir que 90 jours de congés payés restaient dus à M. X..., pour la période mars 2000 à mars 2003, et qu'il avait perdu le bénéfice de 122 jours de congés pour la période de mai 1997 à mars 2000, sans rechercher si M. X... n'avait pas en tout état de cause pris davantage de congés payés que ceux légaux auxquels il pouvait prétendre, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article 42 et de l'annexe 5 de la Convention collective des industries hôtelières du Sénégal ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des faits et des preuves par la cour d'appel, qui a d'une part constaté que le salarié était présent en permanence dans l'établissement où il logeait, d'autre part procédé, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, au calcul du nombre de jours de congés restant dus à l'intéressé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les demanderesses au pourvoi font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Framotel Sénégal, solidairement avec la société Voyage FRAM, à payer à M. X... une certaine somme à titre de rappel de salaire, alors, selon le moyen, qu'il résultait des constatations des premiers juges que le contrat de travail conclu entre la société Framotel Sénégal et M. X... précisait que les parties étaient convenues d'une rémunération mensuelle nette fixée à 1 600 000 francs CFA et que si l'examen des bulletins de paye faisait apparaître que les éléments de la rémunération brute variaient, la rémunération nette avait toujours été versée ; qu'en affirmant qu'au regard des bulletins de salaire M. X... établissait un manque à gagner d'un total de 39 573 euros, sans réfuter les constatations des premiers juges d'où il résultait que la société Framotel Sénégal avait versé à M. X... la totalité du salaire net contractuellement convenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 30 et suivants du code du travail sénégalais ;
Mais attendu que le moyen remet en cause l'appréciation souveraine des faits et des preuves par la cour d'appel, qui, ayant constaté au vu des éléments qui lui étaient soumis, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le salarié demeurait créancier d'un reliquat de salaire qu'elle a évalué, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne solidairement les sociétés Framotel Sénégal et Voyages Fram aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, et les condamne solidairement à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat des sociétés Framotel Sénégal et Voyages Fram.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était abusif et en conséquence d'avoir condamné la société FRAMOTEL Sénégal, solidairement avec la société Voyages FRAM, à payer à M. X... diverses sommes ;
AUX MOTIFS QUE «le droit du travail du Sénégal prévoit la possibilité de rompre sans préavis le contrat de travail à durée indéterminée en cas de faute lourde, celle-ci étant définie comme une faute d'une extrême gravité rendant impossible le maintien du contrat de travail et justifiant un licenciement immédiat. Le licenciement doit en toute hypothèse être fondé sur un motif légitime, à défaut duquel la rupture présente un caractère abusif.
Le premier grief de la lettre de licenciement est ainsi énoncé :
«Vous vous êtes personnellement attribué à vous-même ainsi qu'à votre épouse une gratification sans mon autorisation préalable et ceci à l'encontre des règles élémentaires pratiquées dans ce domaine. Contrairement aux usages en vigueur, ces gratifications ont été directement payées à votre initiative sur votre compte au Sénégal échappant ainsi à tout contrôle au préalable».
Il ressort des pièces produites que, par note du 20 novembre 2002, adressée au directeur administratif et financier de la SA FRAMOTEL Sénégal, M. X... a demandé une avance portant sur la somme de 4.400.000 Frs CFA correspondant à deux mois de salaire net pour son épouse et pour lui-même. Cette somme lui a été versée par chèque tiré sur la banque sénégalaise BICIS. Il a par ailleurs demandé et obtenu par un chèque Société Générale débité le 23 novembre 2002 le paiement de son salaire du mois de novembre 2002.
Il s'ensuit que l'avance correspondait au mois de décembre 2002 et, à hauteur d'une somme identique, soit 1.600.000 Frs CFA et 600.000 Frs CFA pour Mme X..., à la gratification annuelle.
Les premiers juges ont exactement retenu qu'aucune pièce ne venait établir qu'une autorisation préalable du président-directeur général de la SA FRAMOTEL Sénégal était nécessaire à l'attribution de cette gratification. Il n'est pas davantage établi que cette autorisation était intervenue pour ce qui concerne les années précédentes. D'autre part, la gratification perçue en novembre 2002 est notablement inférieure à celle reçue au cours des années précédentes, qui s'était élevée à 2.500.000 Frs CFA en 2001, 4.821.601 Frs CFA en 2000 et à 2.314.369 Frs CFA en 1999.
Enfin, aucune dissimulation n'est intervenue à l'occasion de cette opération, qui a été régulièrement demandée au directeur administratif et financier de la SA FRAMOTEL Sénégal et a été mentionnée sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2002.
Le premier grief n'est donc pas établi» (arrêt, p. 5, §§ 1-8) ;
Alors que l'octroi unilatéral par le salarié d'une gratification annuelle, sans autorisation de l'employeur, constitue une faute lourde à tout le moins un motif légitime de licenciement ;
D'où il résulte qu'en estimant abusif que le licenciement de M. X... tout en constatant qu'il s'était unilatéralement accordé et fait verser sur son compte sénégalais une gratification annuelle, sans aucune autorisation préalable ou même postérieure de son employeur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 56 du Code du travail sénégalais.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société FRAMOTEL Sénégal, solidairement avec la société Voyage FRAM, à payer à M. X... la somme de 15.368 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et des dommages et intérêts d'un montant de 23.734 euros pour congés payés non pris ;
AUX MOTIFS QUE «devant la Cour, M. X... invoque de façon justifiée les dispositions de l'article 55 avant-dernier et dernier alinéa de la convention collective nationale interprofessionnelle du Sénégal qui prévoit des congés supplémentaires de deux semaines par an en sus du congé légal pour les travailleurs logés dans l'établissement dont ils ont la garde et astreints à une durée de 24 heures continues par jour et énonce d'autre part que les travailleurs recrutés hors du territoire de la République du Sénégal et titulaires d'un contrat d'expatrié, auront droit à un congé dont la durée sera déterminée sur la base de cinq jours par mois de services effectifs.
Les dispositions de ces deux textes correspondent à la situation de M. X... qui logeait dans l'établissement et y était présent en permanence, et était par ailleurs titulaire d'un contrat d'expatrié.
Les pièces produites établissent que 90 jours de congés restent dus à M. X... pour la période de mars 2000 à mars 2003. Au regard du montant de sa rémunération mensuelle déterminée précédemment, sa demande est fondée à hauteur de la somme de 15.368 euros.
Pour ce qui concerne la période de mai 1997 à mars 2000, il est établi que M. X... a perdu le bénéfice de 122 jours de congé. Sa demande de dommages-intérêts présentée à hauteur de 23.734 euros est donc justifiée» (arrêt, pp. 6/ 7) ;
ALORS QUE la Cour d'appel qui constatait que le congé supplémentaire de deux semaines par an prévu par l'article 55 de la CCNI supposait non seulement que le travailleur soit logé, mais encore ait la garde de l'établissement et soit astreint à une durée de 24 heures continues par jour ne pouvait retenir que M. X... remplissait cette condition, lorsque s'il était logé et tenu à une obligation de direction de l'hôtel, il n'était nullement astreint à une durée de présence de 24 heures continues par jour, ce que rappelait la société FRAMOTEL dans ses conclusions ;
D'où il résulte qu'en reconnaissant à M. X... un congé supplémentaire qui ne correspondait pas à sa situation, la Cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles L 148 et ss du code du travail sénégalais, l'article 42 et l'annexe 5 de la convention collective des industries hôtelières du Sénégal ;
ALORS EN OUTRE QUE dans ses écritures d'appel, la société FRAMOTEL Sénégal faisait valoir et en justifiait par les pièces régulièrement produites que pendant le temps d'exécution du contrat de travail, 198 jours de congés payés avaient été pris ou payés à M. X..., quand il ne pouvait prétendre, en exécution du contrat de travail qu'il avait signé, qu'à 120 jours ; qu'en se bornant à retenir que 90 jours de congés payés restaient dus à M. X..., pour la période mars 2000 à mars 2003, et qu'il avait perdu le bénéfice de 122 jours de congés pour la période de mai 1997 à mars 2000, sans rechercher si M. X... n'avait pas en tout état de cause pris davantage de congés payés que ceux légaux auxquels il pouvait prétendre, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article 42 et de l'annexe 5 de la Convention collective des industries hôtelières du Sénégal ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société FRAMOTEL Sénégal, solidairement avec la société Voyage FRAM, à payer à M. X... la somme de 39.573 euros à titre de rappel de salaire ;
AUX MOTIFS QU' «au regard des éléments de sa rémunération fixée par son contrat de travail, rappelés ci-dessus, M. X... établit par la production des bulletins de salaire que son manque à gagner a été de 27.549 Frs CFA au titre de son salaire de base, de 21.918.591 Frs CFA au titre du sursalaire et de 4.011.867 Frs CFA au titre de la prime d'expatriation, soit un total de 25.958.007 Frs CFA, soit 39.573 € » (arrêt, p. 7, § 2) ;
Alors qu'il résultait des constatations des premiers juges que le contrat de travail conclu entre la société FRAMOTEL Sénégal et M. X... précisait que les parties étaient convenues d'une rémunération mensuelle nette fixée à 1.600.000 Frs CFA et que si l'examen des bulletins de paye faisait apparaître que les éléments de la rémunération brute variaient, la rémunération nette avait toujours été versée ; qu'en affirmant qu'au regard des bulletins de salaire M. X... établissait un manque à gagner d'un total de 39.573 euros, sans réfuter les constatations des premiers juges d'où il résultait que la société FRAMOTEL Sénégal avait versé à M. X... la totalité du salaire net contractuellement convenu, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 30 et suivants du Code du travail sénégalais.