LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes d'Amiens, 24 avril 2008) que M. X... et quatorze autres salariés, ont été engagés par la société Goodyear Dunlop Tires France par contrat à durée indéterminée ; que l'employeur a décidé de fermer l'entreprise, en raison de difficultés économiques, pour la période du 24 décembre 2005 au 1er janvier 2006, ce dont il a informé le comité d'entreprise au cours du mois de septembre 2005 ; qu'il a demandé aux salariés de prendre des congés payés pour couvrir cette période, ces congés payés pouvant être pris sous différentes formes (RTT, journées statutaires, congés payés, récupération), qu'il a été précisé à chaque salarié que s'il ne bénéficiait plus de congés payés, il devait faire expressément une demande au titre du chômage partiel ; que la direction départementale du travail ayant refusé ces demandes, les quinze salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir une indemnité " pour privation d'emploi " ;
Attendu que l'employeur fait grief au jugement d'avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen :
1° / qu'en affirmant à l'appui de sa décision que l'employeur aurait dû anticiper la fermeture de l'usine et en informer les salariés bien plus tôt dans l'année, et qu'il n'aurait pas dû accorder toutes les demandes de congés payés formulés par les salariés antérieurement, sans préciser d'où il tirait que l'employeur avait ou aurait dû avoir connaissance, avant le 6 septembre 2005, des difficultés financières l'ayant conduit à fermer l'usine du 26 au 30 décembre 2005, ce qui n'était d'ailleurs pas allégué par les salariés, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2° / que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, s'agissant de M. Y..., la société avait souligné, preuves à l'appui, qu'il avait été admis au chômage partiel les 27, 28, 29 et 30 décembre 2005 ; qu'en accordant cependant à ce salarié un rappel de salaire et de congés payés pour ces quatre journées, sans répondre à ce chef de conclusions, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° / que l'exposante faisait valoir (sans être démentie) qu'avant d'engager MM. X..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et F... en contrat à durée indéterminée, elle avait eu recours à leurs services par le biais d'une entreprise de travail temporaire dans le cadre de missions d'intérim, qu'ils avaient ainsi travaillé durant toute la période de référence d'acquisition des congés payés allant du 1er juin 2004 au 31 mai 2005, et qu'ils avaient reçu de l'entreprise de travail temporaire une indemnité de congés payés de 10 % correspondant aux droits à congés acquis durant la période d'intérim, qui avait au demeurant été remboursée par l'exposante à l'entreprise de travail temporaire ; que l'exposante en déduisait qu'elle était en droit de mettre ces salariés en congé sans solde durant les jours de fermeture de l'entreprise, pour lesquels ils avaient reçu par le truchement de leur précédent employeur une indemnité de congés payés ; qu'en faisant cependant droit à la demande de ces salariés, sans répondre à ce chef de conclusions, le conseil de prud'hommes a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4° / que l'employeur contestait subsidiairement les montants sollicités par les salariés et proposait son propre calcul ; qu'en entérinant purement et simplement le montant réclamé par ces salariés, sans répondre aux conclusions de l'employeur, le conseil de prud'hommes a de plus fort violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'est sans incidence sur la solution du litige, la circonstance que les salariés aient été indemnisés au titre des congés payés dans le cadre du contrat de travail temporaire les liant à l'entreprise de travail temporaire ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir exactement énoncé que l'employeur a l'obligation de fournir du travail à ses salariés, le jugement qui constate que la société avait décidé de fermer l'entreprise pour raisons économiques du 24 décembre 2005 au 1er janvier 2006 et que les salariés, qui n'avaient pas de droits à congé pour cette période, n'avaient pu, du fait de l'employeur, percevoir l'indemnisation de ce chômage partiel, a pu en déduire que celui-ci était tenu de les indemniser de leur perte de rémunération dont il a fixé le montant au vu des pièces qui lui étaient produites ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Goodyear Dunlop Tires France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne payer à chaque salarié la somme de 200 ~ euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Goodyear Dunlop Tires France
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE à payer à chaque salarié visé en tête des présentes un rappel de salaire et de congés payés, outre une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
AUX MOTIFS QU'au cours de l'hiver 2005, la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE a décidé de fermer l'usine pendant plusieurs jours soit la période du 24 décembre 2005 au 1er janvier 2006 ; qu'il a été demandé à chacun des salariés de prendre des congés payés au cours de cette période ; que dans le cas où il n'en disposerait plus, le salarié devrait faire une demande de chômage partiel ; que les demandes de chômage partiel formulées par l'employeur auprès de la Direction Départementale du travail ont été rejetées ; que les salariés ont été ainsi privés de rémunération pour certains jours pendant la période de fermeture et ont saisi le Conseil de Prud'hommes de céans aux fins de voir rétablis dans leurs droits ; que dans le cadre de ses obligations contractuelles l'employeur a l'obligation de fournir du travail au salarié et de lui assurer le versement de son salaire ; qu'en l'espèce, l'employeur a décidé de fermer l'entreprise pour la période du 24 décembre 2005 au 1er janvier 2006 par raison économique ; qu'il a informé le comité d'entreprise au cours du mois de septembre 2005, lui exposant les difficultés financières qu'il rencontrait ; qu'il a été demandé aux salariés de prendre des congés payés pour couvrir cette période, ces congés payés pouvant être pris sous différentes formes (RTT, journées statutaires, congés payés, récupération) ; qu'il a été précisé à chaque salarié que s'il ne bénéficiait plus de congés payés, il devait faire expressément une demande de chômage partiel auprès de l'employeur ; qu'en l'espèce la Direction Départementale du Travail a refusé la demande de chômage partiel au motif que les salariés disposaient d'un quota de jour de congés annuels et que le fait qu'ils n'en disposaient plus au moment de la fermeture de l'usine relevait de l'organisation de l'employeur ; que la société GOODYEAR DUNLOP TIRES aurait dû anticiper la fermeture de l'usine et en informer les salariés bien plus tôt dans l'année ; qu'il est en effet de la responsabilité de l'employeur d'accorder ou non les jours de congés payés formulés par les salariés ; que l'employeur a accordé toutes les demandes de congés payés formulés par les salariés et qu'il ne peut ainsi reprocher aux salariés de ne plus en disposer ; que l'employeur avait bien conscience de la situation de chaque salarié concernant le fait qu'il allait se trouver dans l'impossibilité de poser des congés pour l'intégralité de la période de fermeture de l'usine puisqu'il leur a demandé de faire une demande de chômage partiel ; que l'employeur n'avait pas envisagé le refus de la Direction Départementale du travail ; qu'en conséquence le Conseil dit que l'employeur ne peut pas imposer des congés sans solde aux salariés alors qu'il est responsable de la gestion des congés payés et qu'il convient de ce fait de le condamner à verser aux salariés les sommes suivantes (…) ;
1. ALORS QU'en affirmant à l'appui de sa décision que l'employeur aurait dû anticiper la fermeture de l'usine et en informer les salariés bien plus tôt dans l'année, et qu'il n'aurait pas dû accorder toutes les demandes de congés payés formulés par les salariés antérieurement, sans préciser d'où il tirait que l'employeur avait ou aurait dû avoir connaissance, avant le 6 septembre 2005, des difficultés financières l'ayant conduit à fermer l'usine du 26 au 30 décembre 2005, ce qui n'était d'ailleurs pas allégué par les salariés, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, s'agissant de Monsieur Y..., la société avait souligné, preuves à l'appui, qu'il avait été admis au chômage partiel les 27, 28, 29 et 30 décembre 2005 (conclusions, p. 4-5 ; note en délibéré ; V. prod. 6 et 7, notamment la décision d'attribution du chômage partiel) ; qu'en accordant cependant à ce salarié un rappel de salaire et de congés payés pour ces quatre journées, sans répondre à ce chef de conclusions, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QUE l'exposante faisait valoir (conclusions, p. 5-6) sans être démentie qu'avant d'engager Messieurs X..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et F... en contrat à durée indéterminée, elle avait eu recours à leurs services par le biais d'une entreprise de travail temporaire dans le cadre de missions d'intérim, qu'ils avaient ainsi travaillé durant toute la période de référence d'acquisition des congés payés allant du 1er juin 2004 au 31 mai 2005, et qu'ils avaient reçu de l'entreprise de travail temporaire une indemnité de congés payés de 10 % correspondant aux droits à congés acquis durant la période d'intérim, qui avait au demeurant été remboursée par l'exposante à l'entreprise de travail temporaire ; que l'exposante en déduisait qu'elle était en droit de mettre ces salariés en congé sans solde durant les jours de fermeture de l'entreprise, pour lesquels ils avaient reçu par le truchement de leur précédent employeur une indemnité de congés payés ; qu'en faisant cependant droit à la demande de ces salariés, sans répondre à ce chef de conclusions, le conseil de prud'hommes a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4. ALORS en tout état de cause QUE l'employeur contestait subsidiairement les montants sollicités par les salariés et proposait son propre calcul (conclusions, p. 6) ; qu'en entérinant purement et simplement le montant réclamé par ces salariés, sans répondre aux conclusions de l'employeur, le conseil de prud'hommes a de plus fort violé l'article 455 du Code de procédure civile.