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24/03/2010 | FRANCE | N°08-45322

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 mars 2010, 08-45322


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2008), que M. X... engagé par la société Metin le 6 novembre 2000 en qualité de chef après vente, a été licencié pour faute grave par lettre du 18 mars 2003 ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts et indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors selon le moyen :

1°/ que constitue une faute grave, ou à tout le moins une cause réelle

et sérieuse de licenciement, l'infraction aux règles internes de l'entreprise régissant les co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2008), que M. X... engagé par la société Metin le 6 novembre 2000 en qualité de chef après vente, a été licencié pour faute grave par lettre du 18 mars 2003 ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts et indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors selon le moyen :

1°/ que constitue une faute grave, ou à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'infraction aux règles internes de l'entreprise régissant les conditions d'octroi des avantages particuliers consentis aux salariés, de surcroît commise par un salarié investi de responsabilités, n'aurait-il pas fait l'objet de reproches antérieurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que le salarié, responsable après-vente, ne contestait pas la matérialité des faits ayant consisté à avoir fait procéder à d'importants travaux de réparation de son véhicule pour un coût inférieur aux tarifs préférentiels pourtant déjà accordés aux membres du personnel ; qu'en écartant la faute grave au prétexte que le salarié, dans l'entreprise depuis deux ans et demi, n'avait jusqu'alors fait l'objet d'aucun reproche, la cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que l'employeur détermine librement les remises qu'il souhaite consentir dans son entreprise ; qu'en l'espèce, il était constant que les avantages octroyés aux membres du personnel (remise de 10 %) étaient distincts de ceux dont pouvaient bénéficier certains clients (forfait pouvant

aller jusqu'à 50 % du prix) ; qu'en opposant à l'employeur, qui reprochait au salarié de s'être fait consentir une remise de 40 % sur les travaux effectués sur son véhicule personnel, que cette ristourne était moins avantageuse que celle pratiquée au profit de certains clients, la cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ qu'en affirmant que l'employeur n'établissait pas avoir subi de préjudice particulier après avoir cependant expressément constaté que l'opération reprochée au salarié avait entraîné une remise plus importante que celle octroyée aux employés de la société, la cour d'appel, qui n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé les articles L. 1234-1 , L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4°/ que ni la faute grave -ni a fortiori la cause réelle et sérieuse de licenciement - ne requiert la preuve d'un élément intentionnel ; qu'en jugeant que n'était pas caractérisée la faute grave du salarié car son intention fautive n'était pas établie, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

5°/ que le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que le salarié ne contestait pas la matérialité des faits visés dans la lettre de licenciement ; que la lette de licenciement énonçait «vous vous êtes permis de vous octroyer sans aucune autorisation de votre propre initiative un avantage spécifique… » ; qu'en affirmant ensuite que les faits reprochés n'auraient pas été opérés par le salarié «lui-même», la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait qui lui étaient soumis dont elle a estimé qu'ils ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Metin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Metin à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Metin

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur Noël X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société METIN à payer à Monsieur X... les sommes de 25.000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, avec intérêts de droit à compter de la décision, de 11.494,62 € à titre de préavis et 1.149,46 € pour congés payés afférents, de 1.817,43 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts de droit à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Conseil de prud'hommes, ainsi que d'AVOIR ordonné à l'employeur de remettre à Monsieur X... des bulletins de paie et une attestation ASSEDIC conformes à la décision ;

AUX MOTIFS QUE : « Monsieur Noël X... ne conteste pas dans leur matérialité les faits qui sont visés dans la lettre de licenciement pour faute grave, en ce qui concerne ceux relatifs au taux horaire de facturation de la main d'..uvre. Il en conteste en revanche les circonstances ainsi que l'interdiction frauduleuse qui aurait été la sienne.

Monsieur X... indique en effet qu'après avoir acheté à son employeur un véhicule Peugeot 206 qui avait subi des dégâts importants à la suite d'une explosion survenue dans le garage, il avait dû procéder sur ce véhicule à un certain nombre de réparations, auxquelles il s'était engagé vis-à-vis de son vendeur, son employeur, avant de remettre le véhicule en circulation.

Il indique qu'il avait tout d'abord pensé à faire réaliser ces réparations par un petit garage extérieur au réseau METIN, mais que compte-tenu de la sous-occupation dont souffrait notamment le garage METIN de VILLEPARISIS, à ce moment là, il avait en concertation avec son collègue responsable de cet établissement, Monsieur Z..., pensé plus judicieux de confier son véhicule à ce garage, pour en occuper les ouvriers. Il avait alors été convenu que le véhicule ne serait traité qu'en ‘bouche-trous' en cas d'absence de tâches confiées par des clients extérieurs, et que les travaux lui seraient facturés au même prix que ce qui lui était demandé par le garage extérieur dans une fourchette de 850 à 920 €.

Entendu par procès-verbal à l'audience, le responsable de l'établissement de VILLEPARISIS, Monsieur Z..., qui avait lui-même été sanctionné par trois jours de mise à pied, a indiqué après avoir prêté serment : ‘nous étions en manque d'activité car nous venions de perdre le client MACIF qui représentait 30 % du chiffre d'affaires, problème soulevé au sein de l'entreprise avec Monsieur de A.... J'ai rencontré Monsieur X... qui avait les mêmes difficultés à MEAUX pour lui demander s'il avait du travail pour nous. Il m'a dit que non mais qu'il devait faire réparer un véhicule accidenté qu'il avait racheté à la Société METIN, qu'il pensait faire réparer à un petit atelier pour un coût inférieur. Nous avons réfléchi et j'ai pensé que je pouvais lui proposer de lui faire un tarif identique pour occuper mes ouvriers à condition de réaliser ces travaux en ‘bouche-trous', ce qui s'est passé. Le forfait est pratiqué dans tous les établissements dans un certain nombre de cas pour arranger les clients quand une partie des travaux n'est pas prise en charge par la facturation prise en charge elle-même par l'assurance. Notamment en ce qui concerne les heures de peinture nous aurions parfaitement pu l'indiquer sous forme de forfait. La facture des pièces détachées qui n'a pas été jointe à la première facture n'est pas de la responsabilité de Monsieur X... mais du magasinier, il a laissé le bon en attente'.

Il a ainsi été expliqué à l'audience que le tarif de 34 € de l'heure avait été entré manuellement dans l'ordinateur par Monsieur Z... pour permettre de parvenir au chiffrage prévu, en fonction du nombre d'heures de travail opérées sur le véhicule.

Monsieur Olivier de A..., également présent à l'audience, a déclaré après avoir prêté serment : ‘je corrobore les dires de Monsieur Z... sur le recours aux forfaits mais je précise que ceux-ci ne sont applicables qu'aux clients extérieurs pour éviter les faveurs au sein de l'entreprise'.

Monsieur Noël X..., également présent, a précisé que le forfait pouvait aller jusqu'à 50 % du prix tarif, ainsi qu'il l'avait indiqué dans la lettre en réponse à son entretien préalable datée du 12 mars 2003, point sur lequel il n'a pas été utilement contredit. Cette pratique visant à compenser, à tout le moins, les charges fixes de l'entreprise. Il a souligné par ailleurs que disposant lui-même dans son établissement de MEAUX de 10 mécaniciens et 13 carrossiers, il aurait, s'il voulait dissimuler l'opération, se débrouiller seul. Au lieu de cela, la réparation avait été décidée en toute clarté avec son collègue de VILLEPARISIS et avait donné lieu, régulièrement à l'émission d'un ordre de réparation daté du 21 janvier 2003, d'un bon de sortie de pièces daté du 23 janvier 2003, et d'une facture datée du février 2003, établis à son nom, documents qui ont par ailleurs appelé l'attention de l'employeur lors de l'inventaire de fin février.

Il est par ailleurs constant que ces contrôles ont été opérés alors que le véhicule de Monsieur Noël X... ne lui avait pas encore été restitué. Monsieur Noël X... a précisé sans être contesté qu'il avait réglé sa facture le jour même de la remise du véhicule.

De l'ensemble de ces éléments, il ressort que l'intention fautive de Monsieur Noël X... n'est pas établie, que par ailleurs, l'employeur n'établit pas qu'il a, compte tenu des circonstances et de la pratique de forfait reconnue et laissée à la libre appréciation des responsables de concession, subi de préjudice particulier à l'occasion de cette opération, quand bien même cette opération a été réalisée au profit d'un membre du personnel et a entraîné une remise plus importante que celle généralement octroyée aux employés de la société.

En outre, les faits reprochés à Monsieur Noël X... dans la lettre recommandée : ‘vous vous êtes permis de vous octroyer sans aucune autorisation de votre propre initiative un avantage spécifique…' n'ont en réalité pas été opérés par Monsieur Noël X... lui-même, étant relevé qu'il n'avait aucun pouvoir hiérarchique sur l'établissement de VILLEPARISIS, mais par Monsieur Z..., responsable de VILLEPARISIS, ainsi que par le magasinier, en ce qui concerne la facturation tardive de la peinture, comme l'a soulevé Monsieur Z... lui même.

En conséquence, s'agissant d'un salarié justifiant de deux ans et demi d'ancienneté, qui n'avait jusqu'à présent fait l'objet d'aucun reproche, ces circonstances, qui auraient pu faire l'objet d'un rappel à l'ordre, voire d'une facturation complémentaire, ne justifiaient pas un licenciement.

La Cour infirmera donc la décision du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave fondé.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi du salarié, de son âge lors du licenciement et du préjudice qu'il établit avoir subi à la suite de celui-ci, la Cour fixe à 25.000 € la somme due en application de l'article L.1235-3 du Code du travail.

Le licenciement de Monsieur X... étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il sera fait droit à sa demande relative à l'indemnité de préavis et de congés payés afférents ainsi qu'à l'indemnité de licenciement, dont les quanta ne sont pas contestés.

L'employeur devra remettre à Monsieur Noël X... des bulletins de paie et une attestation ASSEDIC conformes à la présente décision ».

1. ALORS QUE constitue une faute grave, ou à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'infraction aux règles internes de l'entreprise régissant les conditions d'octroi des avantages particuliers consentis aux salariés, de surcroît commise par un salarié investi de responsabilités, n'aurait-il pas fait l'objet de reproches antérieurs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que le salarié, responsable après-vente, ne contestait pas la matérialité des faits ayant consisté à avoir fait procéder à d'importants travaux de réparation de son véhicule pour un coût inférieur aux tarifs préférentiels pourtant déjà accordés aux membres du personnel ; qu'en écartant la faute grave au prétexte que le salarié, dans l'entreprise depuis deux ans et demi, n'avait jusqu'alors fait l'objet d'aucun reproche, la Cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail ;

2. ALORS QUE l'employeur détermine librement les remises qu'il souhaite consentir dans son entreprise ; qu'en l'espèce, il était constant que les avantages octroyés aux membres du personnel (remise de 10 %) étaient distincts de ceux dont pouvaient bénéficier certains clients (forfait pouvant aller jusqu'à 50 % du prix) ; qu'en opposant à l'employeur, qui reprochait au salarié de s'être fait consentir une remise de 40 % sur les travaux effectués sur son véhicule personnel, que cette ristourne était moins avantageuse que celle pratiquée au profit de certains clients, la Cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail ;

3. et ALORS QU'en affirmant que l'employeur n'établissait pas avoir subi de préjudice particulier après avoir cependant expressément constaté que l'opération reprochée au salarié avait entraîné une remise plus importante que celle octroyée aux employés de la société, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé les articles L. 1234-1 , L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;

4. ALORS QUE ni la faute grave - ni a fortiori la cause réelle et sérieuse de licenciement - ne requiert la preuve d'un élément intentionnel ; qu'en jugeant que n'était pas caractérisée la faute grave du salarié car son intention fautive n'était pas établie, la Cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail ;

5. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que le salarié ne contestait pas la matérialité des faits visés dans la lettre de licenciement ; que la lette de licenciement énonçait « vous vous êtes permis de vous octroyer sans aucune autorisation de votre propre initiative un avantage spécifique… » ; qu'en affirmant ensuite que les faits reprochés n'auraient pas été opérés par le salarié « lui-même », la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45322
Date de la décision : 24/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Paris, 9 octobre 2008, 07/00218

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 mar. 2010, pourvoi n°08-45322


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45322
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