LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 19 mars 2004 par la société Renault Trucks en qualité de cadre à la direction des fabrications, à Limoges ; que son employeur lui a notifié le 24 janvier 2006 sa décision de lui confier un poste de responsable de gestion de son établissement de Blainville ; que par lettre du 30 janvier 2006, M. X... tout en exposant que cette mutation n'était pas conforme à ses souhaits et que Blainville était le site le plus éloigné de son domicile familial, a accepté cette mutation ; que la société lui a notifié son licenciement le 29 mars 2006 au motif qu'après avoir donné son accord à la mutation, celui-ci avait en même temps effectué des recherches dans d'autres établissements et postulé sur d'autres fonctions à Lyon ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié dont le contrat de travail comporte une clause de mobilité et qui, ayant accepté une mutation sur un établissement ou un poste déterminé, se porte candidat avant que sa mutation soit effective et tente ainsi de la remettre en cause, manque à l'obligation de loyauté à laquelle il est tenu à l'égard de son employeur ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et alors que ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté le fait pour un salarié tout acceptant une mutation imposée par l'employeur, de rechercher dans un autre établissement de la même entreprise un emploi conforme à ses aspirations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. X... de ses demandes de ce chef, l'arrêt rendu le 14 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne la société Renault trucks aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Renault Trucks à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Olivier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dirigée contre son employeur, la Société RENAULT TRUCKS,
AUX MOTIFS propres QUE " le licenciement est motivé notamment par la circonstance que, alors qu'il avait donné son accord à sa mutation à Blainville et qu'une réunion y était organisée, Olivier X... a, dans le même temps, postulé à d'autres fonctions à LYON ;
QUE bien que le contrat de travail comporte une clause de mobilité, la Société RENAULT TRUCKS a écrit le 24 janvier à Olivier X... pour lui demander de répondre s'il acceptait ou non le poste de contrôleur de gestion (dans) son établissement de Blainville ; que, par un courrier du 30 janvier 2006, Olivier X... a rappelé les objections qu'il avait formulées auparavant à cette mutation, mais a répondu qu'il l'acceptait ;
QU'il résulte de courriers électroniques adressés à Olivier X... par des salariés d'un établissement de Vénissieux (Rhône), dont la teneur n'a pas été contestée à l'audience, qu'Olivier X... s'est porté candidat à deux postes dans cet établissement dans le courant du mois de mars 2006 et ce plusieurs jours avant l'engagement de la procédure de licenciement pour l'un au moins d'entre eux, puisque l'un des courriers est daté du 20 mars 2006 et fait état d'un entretien de candidature ayant eu lieu le 9 mars, alors que la convocation à l'entretien préalable au licenciement a été envoyée le 14 mars 2006 ;
QUE le salarié dont le contrat de travail comprend une clause de mobilité portant sur le territoire national et l'étranger et qui, ayant expressément accepté une mutation sur un établissement et un poste déterminés, se porte candidat à des postes dans un autre établissement avant que sa mutation soit effective et tente ainsi de la remettre en cause, manque à l'obligation de loyauté à laquelle il est tenu envers l'employeur, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il y a lieu, en conséquence, de débouter Olivier X... de sa demande d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse " (arrêt p. 5 in fine, p. 6) ;
ET AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE " l'attitude postérieure de Monsieur X... a pu légitimement être considérée comme un refus d'intégrer le poste proposé à Blainville :
- attestations du D. R. H et du chef du personnel du site de Blainville rapportant l'attitude de Monsieur X... lors de leur rencontre du 27 février 2006 et ses " exigences bien au-delà de vos règles d'entreprise ", son " peu d'intérêt pour le contenu du poste, les attentes de la direction, le fonctionnement du site ", le fait que " Monsieur X... s'est montré très préoccupé par la possibilité de travailler à partir de Limoges ",
- compte-rendu de son entretien de candidature avec Madame Y...de la direction financière de RENAULT TRUCKS à Lyon le 9 mars 2006 : " Il se positionne sur le fait de rester dans le contrôle de gestion / finance mais sur le site de Lyon uniquement, du fait de contraintes familiales. Il m'a avoué que le poste de Blainville lui posait un problème de localisation et d'accessibilité et que ça ne correspondait pas à ce qu'il attendait qu'on lui propose " (mail du 17 mars 2006- pièce n° 10),
- mails attestant que Monsieur X... recherchait un autre poste dans le groupe.
QUE la Société RENAULT TRUCKS a donc envisagé le licenciement de Monsieur X..., l'a convoqué à un entretien préalable auquel il ne s'est pas rendu, et a pris sa décision de le licencier en se fondant sur son attitude générale " rendant impossible l'exécution normale du contrat de travail au titre d'un poste opérationnel et à responsabilités en Normandie " (jugement p. 5, p. 6 alinéa 1er) ;
1°) ALORS QUE l'obligation de loyauté, qui lui impose uniquement de s'abstenir d'actes contraires aux intérêts légitimes de l'entreprise, n'interdit pas au salarié la recherche, fût-ce après acceptation d'une mutation, d'un autre poste dans la même entreprise, plus conforme à ses aspirations ; qu'en validant le licenciement de Monsieur X... aux termes d'une considération générale, prise de ce que le salarié lié par " … une clause de mobilité portant sur le territoire national et l'étranger et qui, ayant expressément accepté une mutation sur un établissement et un poste déterminés, se porte candidat à des postes dans un autre établissement avant que sa mutation soit effective et tente ainsi de la remettre en cause, manque à l'obligation de loyauté à laquelle il est tenu envers l'employeur, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ", la Cour d'appel a violé les articles 5 et 1134 du Code civil ;
2°) ALORS en outre QU'en se déterminant aux termes de motifs qui ne caractérisent aucune dissimulation du salarié à l'égard de son employeur, immédiatement informé de ses démarches, ni aucune atteinte aux intérêts de l'entreprise, dès lors que la recherche incriminée était circonscrite à l'intérieur de l'entreprise et que l'employeur, dans l'exercice de son pouvoir de direction, était entièrement libre de ne pas y donner suite, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 ancien (L. 1232-1) du Code du travail et 1134 du Code civil ;
3°) ALORS encore QU'il ressortait des propres constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X... n'avait pas dissimulé à son employeur les difficultés personnelles posées par une mutation qu'il n'avait acceptée qu'en exécution de la clause générale de mobilité le liant (ses courriers des 24 et 30 janvier 2006) de sorte que ce dernier y avait procédé en toute connaissance de cause ; qu'en lui reprochant dans ces conditions, en tant que manquement à l'obligation de loyauté justifiant son licenciement, la simple recherche d'un emploi dans un autre établissement de la même entreprise la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les textes susvisés ;
4°) ALORS QUE l'obligation de loyauté dont le salarié est tenu envers son employeur n'interdit pas la simple préparation d'une activité ultérieure, dès lors que celle-ci ne porte pas atteinte à l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'absence de toute limitation contractuelle ou conventionnelle, une telle recherche, a fortiori lorsqu'elle est pratiquée à l'intérieur de l'entreprise, constitue la mise en oeuvre, par le salarié, de son droit au libre exercice d'une activité professionnelle ; qu'en l'espèce, aucune stipulation de son contrat de travail ou de la convention collective applicable n'imposait au salarié ayant accepté une mutation un délai minimum de maintien dans ses nouvelles fonctions ; qu'aucun intérêt légitime de l'entreprise ne justifiait en outre l'interdiction faite au salarié de rechercher une nouvelle affectation, l'employeur étant en toute hypothèse détenteur du pouvoir de la refuser ; que le licenciement sanctionnant une telle recherche constituait, dès lors, une atteinte illégitime et disproportionnée à une liberté fondamentale du salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble le principe constitutionnel du libre exercice d'une activité professionnelle et l'article L. 120-2 ancien (L. 1121-1) du Code du travail ;
5°) ALORS enfin QUE la lettre de licenciement n'invoquait aucun refus d'intégrer le poste proposé à Blainville ; que la Cour d'appel a constaté que le salarié avait expressément accepté cette mutation ; qu'en déclarant cependant ce licenciement justifié, en l'absence de tout acte d'insubordination ou de défaillance de Monsieur X... dans l'exercice de nouvelles fonctions qu'il n'avait pas été mis à même d'intégrer et, plus généralement, de tout manquement à ses obligations, au seul motif pris d'une " tentative de remise en cause " de sa mutation par recherche d'un poste dans un autre établissement du groupe, la Cour d'appel, qui a validé un licenciement préventif, prononcé en l'absence de tout agissement objectivement condamnable, a violé derechef l'article L. 122-14-3 ancien (L. 1232-1) du Code du travail.