LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2009), que le navire pétrolier "Cap Ferret", appartenant à la société Pétromarine SA (la société Pétromarine), a été amarré à un appontement exploité par la société pétrolière du Bec d'Ambès (la société SPBA) par deux gardes avant et deux gardes arrière ; qu'au cours des opérations de déchargement, les treuils des deux amarres des postes arrières ont dérivé et que le navire s'est écarté du quai, provoquant la rupture et la chute du bras de déchargement et des dommages aux installations à quai et au navire ; que la société SPBA et son assureur, la société Axa France IARD (l'assureur), ont assigné la société Pétromarine en dommages-intérêts tandis que cette dernière a demandé la réparation de son préjudice ;
Attendu que la société SPBA et l'assureur font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à indemniser la société Petromarine des conséquences des dommages causés à l'un de ses navires pétroliers, alors, selon le moyen, que les navires sont amarrés sous la responsabilité de leur capitaine, des faits duquel l'armateur est civilement responsable, sauf preuve de l'intervention d'une cause étrangère présentant les caractéristiques de la force majeure ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déchargé la société Petromarine, civilement responsable de son capitaine, pour l'amarrage défectueux du pétrolier «Cap Ferret», motif pris d'une faute de la société SPBA, alors que l'armateur ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité qu'en prouvant l'intervention d'une cause étrangère, présentant les caractères de la force majeure, a violé les articles 1384, alinéa 5, du code civil, 10 du règlement général de police annexé à l'article R. 351-1 du code des ports maritimes et 3 de la loi du 3 janvier 1969 sur l'armement et les ventes maritimes ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'il résulte de l'article R. 351-1 du code des ports maritimes et de l'article 10 du règlement général de police des ports maritimes annexé que les navires sont amarrés sous la responsabilité du capitaine en respectant les prescriptions particulières qui peuvent leur être signifiées par les officiers et surveillants de port et, que le capitaine doit en cas de nécessité renforcer les amarres et prendre toutes les précautions qui lui sont prescrites sur ordre des officiers et surveillants de port, l'arrêt relève que sur l'appontement était disposé un panneau faisant apparaître qu'au regard de sa longueur le navire devait avoir trois amarres et que la marée ayant un coefficient de 99 le tonnage du bâteau impliquait un triple amarrage avant et arrière ; qu'il retient d'abord que les autorités portuaires ont validé l'amarrage allégé à deux amarres avant et deux amarres arrière et, n'ont pas préconisé le renforcement de l'amarrage à l'occasion du renversement du courant de marée et de l'allégement et de la remontée du navire par l'effet du déchargement ; qu'il retient encore que les autorités portuaires n'ont fourni que ces amarres cependant qu'aux termes du guide des terminaux maritimes, pour le poste 511, seules les amarres du port devaient être utilisées, de sorte que le navire ne pouvait compléter l'amarrage avec ses propres amarres ; qu'il retient enfin que le navire "Cap Ferret" ayant fait escale neuf fois au Bec d'Ambès depuis le début de l'année 2000 dont six fois avec appontement au poste 511, et chaque fois avec un système d'amarrage allégé à deux amarres, rien ne permettait au capitaine du navire de supposer que ce système d'amarrage serait insuffisant ; qu'en l'état de ces constatations, appréciations et énonciations desquelles il résultait que le capitaine du navire "Cap Ferret" n'avait commis aucune faute, la cour d'appel a pu décider que la société SPBA était seule responsable des dommages ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa France IARD et la société Pétrolière du Bec d'Ambès aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Pétromarine la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Axa France IARD et la société Pétrolière du Bec d'Ambès.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'exploitante d'un appontement pétrolier (la société SPBA) et son assureur (la société AXA FRANCE IARD) à indemniser un armateur (la société PETROMARINE) des conséquences des dommages causés à l'un de ses navires pétroliers ;
AUX MOTIFS QU'il convenait de retenir du rapport de l'expert que la cause de l'incident, qui résultait de la rupture des amarres, était l'amarrage insuffisant par deux gardes avant et deux gardes arrière, alors qu'un amarrage par trois gardes avant et trois gardes arrière aurait permis d'éviter la dérive des amarres arrière à l'occasion de l'inversion des courants après la fin de la marée basse à 5 h 43, étant précisé que la marée avait ce jour-là le coefficient fort de 99 ; qu'il est constant que les navires sont amarrés sous la responsabilité de leur capitaine, aux termes de l'article R.351-1 du code des ports maritimes et de l'article 10 du règlement général de police des ports maritimes annexe ; que, pour autant, il résultait de ce texte que les navires sont amarrés sous la responsabilité du capitaine en respectant les prescriptions particulières qui peuvent leur être signifiées par les officiers et surveillants de port et, qu'en l'espèce, ceux-ci avaient fait amarrer le bateau avec deux amarres avant et deux amarres arrière fournies par le port ; que le capitaine doit, en cas de nécessité, renforcer les amarres et prendre toutes les précautions qui lui sont prescrites sur ordre des officiers et surveillants de port, et qu'en l'espèce, ceux-ci n'avaient pas prescrit un amarrage à trois amarres à l'avant et trois amarres à l'arrière et n'avaient pas préconisé le renforcement de l'amarrage à l'occasion du renversement du courant de marée et de l'allègement et de la remontée du navire, par l'effet du déchargement ; qu'il résultait du guide des terminaux maritimes, qui avait été porté à la connaissance du navire, ainsi qu'il résultait de la signature de la dernière page de la check list interface bord/terre établie avant le début du déchargement, qu'au regard de son tonnage, le navire «Cap Ferret» aurait dû être amarré par trois amarres avant et trois amarres arrière ; que le port avait validé l'amarrage allégé à deux amarres avant, deux amarres arrière et n'avait fourni que ces amarres, alors qu'au terme du guide des terminaux maritimes, pour le poste 511, seules les amarres du port devaient être utilisées, de sorte que le navire ne pouvait compléter l'amarrage avec ses propres amarres ; que sur l'appontement même était disposé un panneau, dont il avait été indiqué par l'armateur qu'il n'était pas visible du navire, mais qui était nécessairement connu du port, qui faisait apparaître qu'au regard de sa longueur, le navire devait avoir trois amarres ; que le navire « Cap Ferret » avait fait escale neuf fois au Bec d'Ambès, depuis le début de l'année 2000, dont six fois avec appontement au poste 511, et chaque fois avec un système d'amarrage allégé à deux amarres, de sorte que rien ne permettait au capitaine du navire de supposer que ce système d'amarrage serait insuffisant lors de l'amarrage du 1er septembre 2000 ; que cet amarrage avait été validé par le port, ainsi qu'il résultait de la check list interface bord/terre, ce qui était la condition du début du déchargement ; que, par ailleurs, si la notion de force majeure au sens du contentieux administratif, est distincte de la notion de force majeure applicable au mécanisme de la responsabilité civile invoquée dans le présent litige, il n'en restait pas moins que la contravention de grande voirie résulte de tout acte de nature à porter atteinte au domaine public, sans qu'il soit besoin de prouver la faute de l'auteur de l'acte ; qu'en l'espèce, le Conseil d'Etat avait considéré que les autorités du port avaient commis une faute assimilable à un cas de force majeure, exonératoire de la responsabilité du capitaine, et que la carence de l'administration dans la transmission des consignes, lors des opérations d'amarrage constituait, nonobstant l'expérience des capitaines et la connaissance qu'ils pouvaient avoir des lieux d'appontement, une faute assimilable à un cas de force majeure exonératoire de la responsabilité des capitaines ; que l'identité du fait générateur du dommage entre la contravention de grande voirie et la demande de la SPBA et de son assureur, soit la dégradation des installations portuaires résultant de l'éloignement du quai du navire par suite de la rupture de ses amarres en nombre insuffisant, ne permettait pas de considérer qu'il pouvait être retenu à l'encontre de l'armateur, civilement responsable des faits du capitaine du navire, une faute distincte à l'origine du dommage pour la SPBA ; qu'il convenait en outre de mentionner que, postérieurement à l'incident du navire « Cap Ferret », les modalités d'approche du terminal du Bec d'Ambès avaient été modifiées, en ce que la SPBA annonçait désormais à l'avance les modalités d'amarrage et en ce que le recueil des consignes opératoires prévoyait que, pour les coefficients de marée inférieurs ou égaux à 90, si le plan d'amarrage ne pouvait être respecté, un amarrage plus léger était accepté, dès lors qu'il convenait à l'officier de port et au commandant du navire et que la check list était annotée ; qu'en l'espèce, la marée avait un coefficient de 99, supérieur à 90, le tonnage du bateau impliquait un triple amarrage avant et arrière, rien ne faisait obstacle à ce que le plan d'amarrage prévu par le guide des terminaux, prévoyant un triple amarrage, soit respecté, et quand bien même ce mode opératoire n'était à l'évidence pas applicable puisque postérieur, il n'en demeurait pas moins qu'il constituait la reconnaissance par les autorités portuaires de l'insuffisance de l'amarrage accepté le 1er septembre 2000 pour le navire « Cap Ferret » ; qu'il résultait de ces considérations que le jugement devait être réformé et que les demandes de la SPBA et de son assureur devaient être rejetées ; que, s'agissant de l'indemnisation des dommages causés au navire « Cap Ferret » lors de cet incident, dès lors que la SPBA était considérée comme seule responsable de l'incident, il convenait de la condamner à l'indemnisation des dommages,
ALORS QUE les navires sont amarrés sous la responsabilité de leur capitaine, des faits duquel l'armateur est civilement responsable, sauf preuve de l'intervention d'une cause étrangère présentant les caractéristiques de la force majeure ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déchargé la société PETROMARINE, civilement responsable de son capitaine, pour l'amarrage défectueux du pétrolier « Cap Ferret », motif pris d'une faute de la SPBA, alors que l'armateur ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité qu'en prouvant l'intervention d'une cause étrangère, présentant les caractères de la force majeure, a violé les articles 1384, alinéa 5 du code civil, 10 du règlement général de police annexé à l'article R.351-1 du code des ports maritimes et 3 de la loi du 3 janvier 1969 sur l'armement et les ventes maritimes.