LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Banque Scalbert-Dupont-Cin que sur le pourvoi incident relevé par M. X..., en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Saveurs océanes:
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 21 mars 2006, la société Saveurs océanes (la société Saveurs) a été mise en redressement judiciaire ; que, le 18 juillet 2006, un plan de cession a été arrêté au profit de la société «Les Nouveaux Jardins de la Mer», le transfert de propriété étant intervenu par acte du 26 septembre 2006 ; que le tribunal a constaté le transfert des sûretés immobilières consenties à la société Banque Scalbert-Dupont-Cin (la banque) dans le cadre de deux prêts contractés par la société débitrice, les 12 juin 1998 et 6 décembre 1999, pour lui permettre de financer l'acquisition des immeubles hypothéqués et la prise en charge de leurs échéances à venir, le repreneur s'étant par ailleurs engagé à reprendre leur intégralité pour le montant du capital qui restait dû au 31 janvier 2006 ; que la banque a déclaré à titre chirographaire le solde d'un compte débiteur, un billet financier, les échéances impayées et le capital restant dû, outre des indemnités de résiliation au titre d'un prêt du 30 septembre 2003, ainsi qu'à titre privilégié les échéances impayées et le capital restant dû, outre les intérêts conventionnels et indemnités de résiliation anticipées, des deux prêts hypothécaires de 1998 et 1999 ;
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir admis au passif de la société Saveurs des intérêts majorés tant au titre du prêt du 12 juin 1998 qu'au titre de celui du 6 décembre 1999, d'avoir, par confirmation de l'ordonnance entreprise, admis au passif de la société Saveurs des intérêts majorés au titre du prêt du 30 septembre 2003, ainsi que d'avoir admis au passif une indemnité de résiliation anticipée au titre de ce dernier prêt, alors, selon le moyen, que dès lors que les sommes antérieurement échues à la procédure collective ont été acquittées, le non-paiement à leur date des échéances ultérieures trouve son origine exclusive dans les règles gouvernant la procédure collective et l'apurement du passif ; qu'à raison du principe d'égalité qui gouverne le traitement des créanciers, il est exclu qu'un créancier, fût-ce sur le fondement d'une stipulation contractuelle, puisse obtenir une somme pour non-paiement de la dette à son échéance ; qu'en effet, aucune considération ne peut justifier qu'à la faveur d'une simple clause, un créancier puisse être soustrait au principe d'égalité qui veut que tous les créanciers subissent dans les mêmes conditions les effets de la procédure collective s'agissant du paiement des dettes nées antérieurement à son ouverture ; qu'en décidant le contraire et en tenant pour licite la clause prévoyant des intérêts majorés, les juges du fond ont violé les articles 6 et 2285 du code civil, le principe de l'égalité des créanciers, ensemble les articles L. 622-21 et L. 622-24 du code du commerce ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la clause, contenue dans les prêts susmentionnés, prévoyant une majoration d'intérêt de 3 % sanctionnant le défaut ou le retard de paiement, lequel constitue un manquement dans l'exécution par le débiteur de ses obligations, a pour finalité de réparer le préjudice causé par ce manquement et constitue ainsi une clause pénale, dont les parties peuvent librement convenir lors de la signature du contrat, qui n'est pas contraire à la règle d'égalité des créanciers et que le juge-commissaire peut réduire, si elle est manifestement excessive ; qu'il relève en outre que la clause, contenue dans le prêt du 30 septembre 2003, prévoyant une indemnité forfaitaire de 5 % des montants dus, dans les cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire, et que la banque avait régulièrement déclaré sa créance, incluant l'indemnité de résiliation au titre du prêt du 30 septembre 2003, en invoquant la déchéance du terme suite au non-paiement des échéances des prêts ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, usant de son pouvoir souverain d'appréciation, a pu en déduire qu'une telle clause de majoration n'apparaissait pas excessive et que la clause, sanctionnant tout débiteur qu'il soit ou non en redressement judiciaire, n'aggravait pas la situation de celui placé dans ce dernier cas ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles L. 622-24 et L. 642-12 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que pour statuer sur l'existence et le montant de la créance déclarée à titre privilégié, l'arrêt retient que la banque n'est créancière de la société Saveurs qu'en ce qui concerne les échéances des contrats de prêt antérieures à la date de prise d'effet du transfert des contrats ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les échéances de remboursement de prêts accordés à un débiteur avant sa mise en redressement judiciaire sont des créances nées avant l'ouverture de la procédure collective soumises comme telles à la déclaration au passif et dont l'admission doit être prononcée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a admis la créance de la société Banque Scalbert-Dupont-Cin pour le prêt du 12 juin 1998 à concurrence de 1 578,25 euros fois sept mois au titre du capital et intérêts conventionnels restant dus outre une majoration de 3 % calculée sur les intérêts de ces sept mois et pour le prêt du 6 décembre 1999 à concurrence de 3 394,74 euros fois sept mois au titre du capital et des intérêts conventionnels restant dus outre une majoration de 3 % calculée sur le montant des intérêts calculé sur ces sept mois, l'arrêt rendu le 5 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Saveur océances et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Banque Scalbert-Dupont, demanderesse au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir admis la créance de la SA Banque Scalbert Dupont CIN seulement pour le prêt du 12 juin 1998 à concurrence de 1.578,25 € x 7 mois au titre du capital et intérêts conventionnels restant dus outre une majoration de 3 % calculée sur les intérêts de ce sept mois et, pour le prêt du 6 décembre 1999 à concurrence de 3.394,74 € x 7 mois au titre du capital et des intérêts conventionnels restant dus outre une majoration de 3 % calculée sur le montant des intérêts calculé sur ces sept mois ;
Aux motifs que «la procédure de vérification des créances a pour but de connaître le passif exact du débiteur envers ses créanciers et que l'admission d'une créance consacre définitivement la reconnaissance du droit du créancier et de sa mesure à participer aux opérations de répartition ; que si le montant de la créance à admettre doit en principe être celui existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, il doit toutefois être tenu compte des événements postérieurs de nature à modifier dans la relation créancier-débiteur l'existence du droit et son quantum ; que la disparition de la créance par extinction ou par changement de débiteur doit en conséquence être prise en compte afin de permettre au juge de la vérification de fixer définitivement le montant de la créance dans la procédure collective du débiteur ; qu'en l'espèce, en application de l'article L.642-12 du code de commerce, la société Les Nouveaux Jardins de la Mer était devenue seule débitrice des échéances des deux prêts hypothécaires à compter du 26 septembre 2006, date de transfert de propriété de l'entreprise cédée ; que les échéances encore dues à la banque à compter de cette date ne peuvent en conséquence être admises ; qu'en revanche s'agissant des échéances dues jusqu'au transfert de propriété, le montant de la créance à admettre doit correspondre à la somme dont la banque était créancière à l'égard de la société débitrice au jour du jugement d'ouverture indépendamment de l'engagement pris par le repreneur et constaté par le jugement arrêtant le plan de prendre à sa charge le remboursement de l'emprunt pour la période située entre la dernière échéance payée et le transfert de propriété de l'entreprise ; qu'il résulte des observations qui précèdent que les intérêts contractuels ainsi que la majoration de 3 % prévue à l'article 5 de chacun des contrats de prêt ne sauraient être calculés sur la totalité de la durée du prêt mais uniquement jusqu'à la dernière échéance due par la société débitrice, étant constaté que les échéances dues comprennent le capital et les intérêts ; qu'en conséquence la créance de la banque ne sera admise pour le prêt du 12 juin 1998 que pour le montant de (1.578,25 € x 7 mois) et pour celui du 6 décembre 1999 pour le montant de (3.394,74 € x 7 mois) au titre du capital et des intérêts contractuels ; que la majoration de 3 % sera calculée uniquement sur le montant des intérêts de ces sept mois ; que l'ordonnance sera reformée de ce chef ; qu'en outre du fait du transfert du crédit en application de l'article L.642-12 du code de commerce, le prêt n'est pas devenu immédiatement exigible et que l'article 6 du contrat prévoyant une indemnité de résiliation anticipée est donc inapplicable ; que l'ordonnance sera confirmée de ce chef » (cf. arrêt pp. 4 et 5) ;
Alors que les échéances de remboursement d'un prêt accordé à un débiteur avant sa mise en redressement ou en liquidation judiciaire, postérieures à la cession des biens hypothéqués ou nantis sont des créances soumises à l'obligation de déclarer, même si le prêt est cédé à un cessionnaire à qui incombe le paiement des échéances postérieures à la cession en application de l'article L.642-12 du code de commerce ; qu'en l'espèce, en rejetant la créance de la banque concernant les échéances ultérieurement transmises au repreneur, la cour d'appel a violé les articles L.622-24 et L. 642-12 du code de commerce.
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités, demandeur au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a admis au passif de la Société SAVEURS OCEANES des intérêts majorés tant au titre du prêt du 12 juin 1998 qu'au titre du prêt du 6 décembre 1999 (arrêt, p. 6, antépénultième et avant-dernier §) ;
AUX MOTIFS propres QUE «s'agissant des échéances dues jusqu'au transfert de propriété, le montant de la créance à admettre doit correspondre à la somme dont la banque était créancière à l'égard de la société débitrice au jour du jugement d'ouverture indépendamment de l'engagement pris par le repreneur et constaté par le jugement arrêtant le plan de prendre à sa charge le remboursement de l'emprunt pour la période située entre la dernière échéance payée et le transfert de propriété de l'entreprise ; qu'il résulte des observations qui précèdent que les intérêts contractuels ainsi que la majoration de 3 % prévue à l'article 5 de chacun des contrats de prêt ne sauraient être calculés sur la totalité de la durée du prêt mais uniquement jusqu'à la dernière échéance due par la société débitrice, étant constaté que les échéances dues comprennent le capital et les intérêts ; qu'en conséquence, la créance de la banque ne sera admise pour le prêt du 12 juin 1998 que pour le montant de (1.578,25 euros x 7 mois) et pour celui du 6 décembre 1999 pour le montant de (3.394,74 euros x 7 mois) au titre des intérêts contractuels ; que la majoration de 3 % sera calculée uniquement sur le montant des intérêts de ces sept mois (…)» (arrêt, p. 5, § 1, 2 et 3) ;
Et AUX MOTIFS adoptés QU'«il convient, en conséquence, d'admettre les intérêts majorés de 3% du 15 mars 2006 jusqu'au parfait paiement»
ALORS QUE dès lors que les sommes antérieurement échues à la procédure collective ont été acquittées, le non-paiement à leur date des échéances ultérieures trouve son origine exclusive dans les règles gouvernant la procédure collective et l'apurement du passif ; qu'à raison du principe d'égalité qui gouverne le traitement des créanciers, il est exclu qu'un créancier, fût-ce sur le fondement d'une stipulation contractuelle, puisse obtenir une somme pour non-paiement de la dette à son échéance ; qu'en effet, aucune considération ne peut justifier qu'à la faveur d'une simple clause, un créancier puisse être soustrait au principe d'égalité qui veut que tous les créanciers subissent dans les mêmes conditions les effets de la procédure collective s'agissant du paiement des dettes nées antérieurement à son ouverture ; qu'en décidant le contraire et en tenant pour licite la clause prévoyant des intérêts majorés, les juges du fond ont violé les articles 6 et 285 du Code civil, le principe de l'égalité des créanciers, ensemble les articles L. 622-21 et L. 622-24 du Code du commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, par confirmation de l'ordonnance entreprise et au titre du prêt du 30 septembre 2003, admis au passif de la Société SAVEURS OCEANES les intérêts majorés (arrêt, p. 7, § 1er) ;
AUX MOTIFS propres QUE «la majoration d'intérêts qui sanctionne le défaut ou le retard de paiement, lequel constitue un manquement dans l'exécution par le débiteur de ses obligations, a pour finalité de réparer le préjudice cause par ce manquement ; qu'elle correspond à la définition de la clause pénale contenue aux articles 1226 et 1229 du Code civil ; que si le juge de la vérification du passif ne peut écarter la clause pénale comme contraire à l'équité des créanciers, il peut en réduire le montant si elle lui paraît manifestement excessive ; qu'en l'espèce, une majoration de 3 % du taux d'intérêt n'apparaît pas comme excessive ; que l'ordonnance sera donc confirmée de ce chef (…)» (arrêt, p. 6, dernier § et p. 7, § 1er) ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE «il convient, en conséquence, d'admettre les intérêts majorés de 3% du 15 mars 2006 jusqu'au parfait paiement »;
ALORS QUE dès lors que les sommes antérieurement échues à la procédure collective ont été acquittées, le non-paiement à leur date des échéances ultérieures trouve son origine exclusive dans les règles gouvernant la procédure collective et l'apurement du passif ; qu'à raison du principe d'égalité qui gouverne le traitement des créanciers, il est exclu qu'un créancier, fût-ce sur le fondement d'une stipulation contractuelle, puisse obtenir une somme pour non-paiement de la dette à son échéance ; qu'en effet, aucune considération ne peut justifier qu'à la faveur d'une simple clause, un créancier puisse être soustrait au principe d'égalité qui veut que tous les créanciers subissent dans les mêmes conditions les effets de la procédure collective s'agissant du paiement des dettes nées antérieurement à son ouverture ; qu'en décidant le contraire et en tenant pour licite la clause prévoyant des intérêts majorés, les juges du fond ont violé les articles 6 et 285 du Code civil, le principe de l'égalité des créanciers, ensemble les articles L. 622-21 et L. 622-24 du Code du commerce.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, au titre du prêt du 30 septembre 2003, admis au passif une indemnité de résiliation anticipée (arrêt, p. 6, dernier §) ;
AUX MOTIFS QUE «la clause qui prévoit une indemnité forfaitaire dans le cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire n'aggrave pas la situation de celui qui est placé en redressement judiciaire ; que, par ailleurs, cette clause qui tend à indemniser le prêteur du bouleversement de l'économie du contrat par l'effet de la résiliation quelles qu'en soient les causes n'a pas pour but de sanctionner une inexécution de ses engagements par le débiteur et ne répond donc pas à la définition de la clause pénale ; que son montant ne peut en conséquence être réduit ; que l'indemnité de résiliation doit donc être admise pour un montant de euros ; que l'ordonnance sera réformée de ce chef (…)» (arrêt, p. 6, § 2) ;
ALORS QUE dès lors que les sommes antérieurement échues à la procédure collective ont été acquittées, le non-paiement à leur date des échéances ultérieures trouve son origine exclusive dans les règles gouvernant la procédure collective et l'apurement du passif ; qu'à raison du principe d'égalité qui gouverne le traitement des créanciers, il est exclu qu'un créancier, fût-ce sur le fondement d'une stipulation contractuelle, puisse obtenir une somme pour non-paiement de la dette à son échéance ; qu'en effet, aucune considération ne peut justifier qu'à la faveur d'une simple clause, un créancier puisse être soustrait au principe d'égalité qui veut que tous les créanciers subissent dans les mêmes conditions les effets de la procédure collective s'agissant du paiement des dettes nées antérieurement à son ouverture ; qu'en décidant le contraire et en tenant pour licite la clause prévoyant une indemnité forfaitaire, les juges du fond ont violé les articles 6 et 285 du Code civil, le principe de l'égalité des créanciers, ensemble les articles L. 622-21 et L. 622-24 du Code du commerce.