LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 octobre 2010), rendu sur renvoi après cassation (25 février 2010, n° P 08-14.787), que par acte du 19 avril 2007, Mme X... a donné mandat à la société Bosage, agent immobilier, de vendre un appartement ; que le 25 avril 2007, M. Y... a accepté une promesse de vente, établie par la société Bosage, aux conditions du mandat ; que Mme X... ayant refusé de souscrire cette promesse, M. Y... l'a assignée afin de l'y contraindre ; que celle-ci a, par voie reconventionnelle, sollicité l'annulation du mandat et de la vente ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'apportait pas la preuve d'une remise tardive d'un exemplaire du mandat de vente semi-exclusif et que ce mandat était valide, alors, selon le moyen, que s'il résulte des articles 1 à 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 que la preuve de l'existence et de l'étendue des relations contractuelles entre un professionnel de l'immobilier et son client doit être rapportée par écrit, cette exigence ne s'étend pas à la preuve du contenu de l'acte, qui peut être rapportée selon les règles de preuve de droit commun ; que la preuve du contenu du mandat donné à un agent immobilier peut donc, à l'égard de l'agent, être rapportée par tous moyens ; qu'en décidant en l'espèce que Mme X... ne pouvait rapporter la preuve par témoins du fait que, contrairement aux énonciations du mandat du 19 avril 2007, le mandat n'avait pas été signé à l'agence et l'exemplaire revenant à Mme X... ne lui avait pas été remis le jour-même, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles 1341 du code civil et L. 110-3 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la preuve de l'existence d'un mandat donné à un agent immobilier ne pouvait être rapportée que par un écrit et était soumise aux exigences de l'article 1341 du code civil, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait être prouvé par témoins contre le contenu de ce mandat et qu'il était valide ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 1 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 72, alinéa 3, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;
Attendu que pour dire le "compromis" de vente du 25 avril 2007 valide, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 4-a des conditions générales du mandat, Mme X... s'était engagée à signer toute promesse de vente ou tout "compromis" de vente aux prix, charges et conditions du mandat, que la société Bosage avait diffusé une annonce au prix maximum, que les époux Y... avaient fait une offre du même montant, et qu'en application de l'article 4-a, Mme X... était tenue de signer le "compromis" de vente ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence dans le mandat d'une clause expresse par laquelle le mandant donnait pouvoir à l'agent immobilier de le représenter pour conclure la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que Mme X... n'apportait pas la preuve d'une remise tardive d'un exemplaire du mandat de vente semi-exclusif du 19 avril 2007, l'arrêt rendu le 26 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Bosage et les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Bosage et les époux Y... à verser la somme de 2 500 euros à Mme X... ; rejette les demandes de la société Bosage et des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze avril deux mille douze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt ;
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Mme X... n'apportait pas la preuve d'une remise tardive d'un exemplaire du mandat de vente semi-exclusif du 19 avril 2007, et d'AVOIR dit que ce mandat était parfaitement valide, ainsi que le compromis de vente du 25 avril 2007,
AUX MOTIFS QUE Madame X... soutient que le mandat de vente en date du 19 avril 2007 a été signé par elle à son domicile et qu'il ne lui en a pas été remis immédiatement un exemplaire; qu'elle en déduit d'une part que ce mandat serait nul pour ne pas comporter de bordereau de rétractation et d'autre part que la non remise immédiate d'un exemplaire du mandat entache la validité de celui-ci ; Attendu que le mandat comporte la mention suivante signée par Madame X... en date du 19 avril 2007 : "Le mandant reconnaît avoir pris connaissance des conditions particulières figurant au recto des présentes et des conditions générales ci-dessus et avoir reçu un exemplaire du contrat. Fait en double exemplaire, dans les locaux du mandataire " ; Attendu que par sa signature Madame X... a reconnu que le mandat avait été rédigé dans les locaux de l'agence BOSAGE et qu'un exemplaire lui en avait été remis immédiatement ; Attendu que Madame X... soutient que le mandat a été signé à son domicile et que la remise d'un exemplaire a été faite postérieurement ; qu'elle verse à l'appui de ses dires des attestations émanant de ses enfants et d'un témoin Monsieur Z... ; Attendu que si la liberté de la preuve prévaut en droit commercial c'est à condition que la loi n'en dispose pas autrement ; Or attendu que la preuve de l'existence d'un mandat donné à un agent immobilier ne pouvant être rapportée que par un écrit et étant soumise aux exigences de l'article 1341 du Code Civil il ne peut, en application du même texte être prouvé par témoins contre le contenu d'un tel mandat ; qu'il s'ensuit que les attestations versées par Madame X... doivent être écartées ; Attendu par ailleurs que la lettre de transmission du double du mandat datée du 19 avril 2007 soit du jour même de la signature de ce mandat, lettre qui selon Madame X... était contenue dans une enveloppe non affranchie ne démontre aucunement que le double du mandat lui ait été remis tardivement, cette lettre ayant pu être remise en mains propres dans les locaux de l'agence après signature et enregistrement du mandat ; Attendu qu'il s'ensuit que Madame X... n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le mandat ait été signé à son domicile et que le double lui ait été remis tardivement ; qu'il s'ensuit que ce mandat est parfaitement valide ;
ALORS QUE s'il résulte des articles 1 à 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 que la preuve de l'existence et de l'étendue des relations contractuelles entre un professionnel de l'immobilier et son client doit être rapportée par écrit, cette exigence ne s'étend pas à la preuve du contenu de l'acte, qui peut être rapportée selon les règles de preuve de droit commun ; que la preuve du contenu du mandat donné à un agent immobilier peut donc, à l'égard de l'agent, être rapportée par tous moyens ; qu'en décidant en l'espèce que Mme X... ne pouvait rapporter la preuve par témoins du fait que, contrairement aux énonciations du mandat du 19 avril 2007, le mandat n'avait pas été signé à l'agence et l'exemplaire revenant à Mme X... ne lui avait pas été remis le jour-même, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles 1341 du Code civil et L. 110-3 du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit valide le compromis de vente signé le 25 avril 2007 par M. Y..., et d'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré parfaite entre Mme X... et M. Y... la vente de l'appartement situé ... pour le prix de 350.000 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 4 a des conditions générales Mme X... mandant s'était engagée à signer toutes promesses de vente ou tout compromis aux prix, charges et conditions du mandat ; que le mandat portait sur un appartement, une cave, un grenier et un parking qui devaient être présentés au prix minimum de 266.000 euros et au prix maximum de 350.000 euros, le prix minimum net vendeur étant de 250.000 euros et la rémunération de l'intermédiaire de 6% TTC ; que l'agence Bosage a diffusé une annonce au prix de 350.000 euros portant sur les mêmes biens ; qu'il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article 4 a des conditions générales Mme X... était tenue de signer le compromis de vente ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré parfaite la vente entre Madame X... et Monsieur Guillaume Y... de l'appartement situé ... au prix de 350.000 euros ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si ces dispositions (du mandat) ne permettent pas à l'agent immobilier de signer le compromis en lieu et place du client, elles l'autorisent en revanche à formuler pour son compte une offre de vente aux conditions du mandat, qui l'engagera nécessairement en cas d'acceptation par un acquéreur, conformément aux dispositions de l'article 1998 du Code civil qui fait obligation au mandant d'exécuter les engagements contractés par son mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné ; que Guillaume Y... ayant accepté par écrit du 22 avril l'offre de vente publiée sur Internet par l'agence Laforêt au prix de 350.000 euros qui correspond au prix maximum du mandat, le caractère parfait de la vente n'est donc pas contestable, la rencontre des consentements sur la chose et le prix étant constituée par l'acceptation de la pollicitation ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE le mandat donné à un agent immobilier, régi par les dispositions d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970, est un mandat d'entremise consistant en la recherche de clients et la négociation, qui ne permet pas à ce dernier d'engager son mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause de ce mandat ne l'y autorise expressément ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que l'article 4 a du mandat du 19 avril 2007 obligeait le mandant à signer aux prix et conditions prévues un compromis de vente avec tout acquéreur présenté par l'agence, sans autoriser celle-ci à engager le mandant pour l'opération envisagée ; qu'en déclarant valide le compromis de vente du 25 avril 2007, que Mme X... avait refusé de signer, la cour d'appel a violé les articles 1er et 6 de la loi du 2 janvier 1970, et l'article 72 alinéa 3 du décret du 20 juillet 1972 ;
2) ALORS QUE toute obligation de faire se résout en dommages-intérêts ; qu'en l'espèce, comme le faisaient valoir les consorts X... dans leurs conclusions d'appel, le manquement de Mme X... à son obligation de signer le compromis de vente, à le supposer établi, ne pouvait donner lieu qu'à l'allocation de dommages-intérêts à M. Y... sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; qu'en retenant que Mme X... étant tenue en vertu de l'article 4 a du mandat de signer un compromis de vente aux prix et conditions du mandat avec tout acquéreur présenté par l'agence, la vente était parfaite bien que Mme X... ait refusé de signer le compromis, la cour d'appel a violé l'article 1142 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à prononcer la résolution de la vente passée par acte authentique du 2 juillet 2008 ;
AUX MOTIFS QUE la vente définitive a été passée le 2 juillet 2008 sous la condition résolutoire que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 28 février 2008 soit cassé ; mais attendu que la cassation ayant été prononcée avec renvoi et la décision du tribunal confirmée sur d'autres motifs que l'arrêt cassé il n'y a pas lieu de prononcer la résolution de la vente ;
ALORS QUE le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, refuser d'appliquer la convention qui lie les parties ; qu'en l'espèce, l'acte de vente du 8 juillet 2008 stipulait que la vente était conclue sous la condition résolutoire de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 28 février 2008, sans exiger que la cassation soit totale ni qu'elle soit prononcée sans renvoi ; que cette condition résolutoire s'était donc trouvée réalisée par la cassation prononcée par arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2010 ; que la cour d'appel était dès lors tenue de prononcer la résolution de la vente, sans disposer de pouvoir d'appréciation ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu à prononcer cette résolution, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.