LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 480 du code de procédure civile, 1109 et 1110 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 21 février 2006, pourvoi n° 03-11.917) que Mme X... ayant accouché le 1er juin 1997 d'un enfant, Maxime, atteint d'un syndrome polymorphique très gravement invalidant, M. et Mme X... ont engagé, le 26 mai 1999, une action contre les médecins ayant suivi la grossesse de la mère ; que, par arrêt du 19 septembre 2002, la cour d'appel d'Aix-en Provence a pris acte de leur renonciation, du fait de la promulgation de la loi du 4 mars 2002, à réclamer l'indemnisation des préjudices personnels de leur enfant et de leurs préjudices matériels autres que professionnels ; que cette décision a été cassée, mais seulement en ce qu'elle avait débouté M. et Mme X... de leurs demandes relatives à leurs préjudices professionnels ; que devant la cour d'appel de renvoi, M. et Mme X... ont sollicité à nouveau la réparation des préjudices personnels de leur enfant et de leurs préjudices matériels autres que professionnels ;
Attendu que pour déclarer irrecevables ces demandes, l'arrêt retient que l'arrêt de la cour d'Aix en Provence a été cassé seulement en ce qu'il a débouté M. et Mme X... de leurs demandes relatives à l'indemnisation de leurs préjudices professionnels et que leur renonciation n'est affectée ni d'une erreur sur son objet ni d'une fausseté de la cause ou d'une absence de cause ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part que la disposition de l'arrêt de la cour d'Aix-en Provence donnant acte à M. et Mme X... de leur renonciation n'était pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, d'autre part, que cette renonciation procédait d'une erreur en ce que M. et Mme X... avaient cru devoir se soumettre aux dispositions de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, prévoyant son application immédiate aux instances en cours, qui a été ultérieurement déclarée contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme X... en réparation des préjudices personnels de leur enfant Maxime et de leurs préjudices matériels autres que professionnels, l'arrêt rendu le 12 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour les époux X...
Il est grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande des époux X... en réparation des préjudices personnels de leur enfant Maxime et de leurs préjudices matériels autres que professionnels
AUX MOTIFS QUE l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence a été cassé seulement en ce qu'il a débouté les époux X... de leurs demandes relatives à l'indemnisation de leurs préjudices professionnels ; que ceux-ci ont renoncé à demandé l'indemnisation des préjudices personnels de leur fils Maxime, du fait de la promulgation de la loi du 4 mars 2002 ; que cette renonciation, effectuée nécessairement au regard des aléas jurisprudentiels sur les conditions d'application de ce texte, n'est affectée ni d'une erreur sur son objet, ni d'une fausseté de la cause ou d'une absence de cause ; que par ailleurs la demande d'indemnisation des préjudices personnels de l'enfant n'est ni indivisible ni indépendante du chef de demande dont est saisie la cour de renvoi, qui concerne le seul préjudice professionnel personnel des parents ; que ni les articles 1er, 6 § 1, 8, 13 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les articles 3 et 23 de la Convention internationale des droits de l'enfant, ne sont susceptibles de permettre le réexamen, par la cour de renvoi saisie d'une demande distincte après cassation partielle, de prétentions auxquelles il a été librement renoncé ; qu'en conséquence les demandes relatives à l'indemnisation des préjudices personnels de l'enfant sont irrecevables ; qu'il en va de même des prétentions subsidiaires des parents tendant à l'indemnisation de préjudices matériels, distincts de leurs préjudices professionnels, relatifs aux charges particulières découlant du handicap de l'enfant ; qu'en effet, comme les époux X... le précisent eux mêmes, ces charges (tierce personne, acquisition de matériels spécialisés, aménagement du domicile) sont normalement incluses dans le préjudice matériel de l'enfant ;
ALORS QU'une renonciation à formuler certaines demandes en justice, expressément conditionnée par l'entrée en vigueur d'un texte de loi ultérieurement jugé contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, doit être déclarée nulle pour erreur de droit ; que dès lors, en refusant, pour déclarer irrecevables les demandes des époux X... en indemnisation des préjudices corporels de leur fils et de leur préjudice matériel autre que professionnel, d'admettre que leur renonciation, en cause d'appel, à présenter ces demandes, « effectuée nécessairement au regard des aléas jurisprudentiels sur les conditions d'application » de la loi du 4 mars 2002, était entachée d'erreur de droit en raison des deux arrêts rendus depuis lors le 6 octobre 2005 par lesquels la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 qui prévoyait l'application immédiate de la loi aux instances en cours, ce que les époux X... ne pouvaient anticiper, la Cour d'appel de renvoi a violé l' article 1110 du code civil.