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10/09/2014 | FRANCE | N°13-16485

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 septembre 2014, 13-16485


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2013), statuant sur renvoi après cassation (1ère Civ., 9 décembre 2010, Bull. 2010 n° 254) que M. X..., notaire, a procédé au partage des biens et à la déclaration de la succession de Jacques Y..., décédé en laissant pour héritiers, son épouse, Claude Y..., ses trois enfants vivants, Michel, Patricia et Caroline, ainsi que deux petites-filles venant en représentation de leur père, Henry Y..., fils prédécédé du d

éfunt ; que sans que cela soit mentionné dans l'acte de partage, Claude Y...a pris ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2013), statuant sur renvoi après cassation (1ère Civ., 9 décembre 2010, Bull. 2010 n° 254) que M. X..., notaire, a procédé au partage des biens et à la déclaration de la succession de Jacques Y..., décédé en laissant pour héritiers, son épouse, Claude Y..., ses trois enfants vivants, Michel, Patricia et Caroline, ainsi que deux petites-filles venant en représentation de leur père, Henry Y..., fils prédécédé du défunt ; que sans que cela soit mentionné dans l'acte de partage, Claude Y...a pris en charge et réglé par l'intermédiaire du notaire l'intégralité des droits de succession pour un montant de 9 263 002, 30 euros, au moyen de la vente d'actions qui lui avaient été transmises en pleine propriété ; qu'estimant que le paiement de ces droits constituait une libéralité déguisée au profit de ses enfants, l'administration fiscale a notifié une rectification à Claude Y..., qui décédait peu de temps après sa fille Patricia, épouse Z... ; que les trois filles de cette dernière, Corinne, Laëtitia et Sophie (les consorts Z...), amenées à payer chacune la somme de 236 958 euros au titre des droits de mutation, outre celle de 63 102 euros au titre des intérêts de retard, sans bénéficier de la succession de leur mère dont le patrimoine a été transmis à leur père par l'effet de la clause d'attribution de la communauté universelle au conjoint survivant convenue entre leurs parents, ont recherché la responsabilité professionnelle du notaire, lui reprochant d'avoir manqué à son obligation de conseil ;

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de condamner le notaire et la société notariale à les indemniser uniquement au titre des intérêts de retard et de leur préjudice moral, alors, selon le moyen :

1/ qu'en n'informant pas Claude Y...des solutions fiscales régulières au regard de son intention libérale, dont il n'était pas contesté qu'elles existaient, le notaire, qui a concouru à la donation déguisée en méconnaissance des dispositions fiscales, a ainsi exposé les héritières de la donatrice au paiement du redressement fiscal et des intérêts de retard, lequel constitue un préjudice entièrement consommé ; qu'en énonçant néanmoins que Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... ne rapportaient pas la preuve du préjudice subi au titre du redressement fiscal, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

2/ que si, pour évaluer le préjudice résultant du redressement fiscal consécutif à la donation déguisée, le juge devait prendre en compte l'incidence financière des solutions fiscales licitement envisageables, et partant prendre en compte l'impôt qui aurait dû être éventuellement acquitté pour la mise en oeuvre d'une solution fiscale licite, le juge ne pouvait, comme il l'a fait, prendre en compte l'impôt sur la fortune qui aurait été payé par Claude Y...si la solution d'un prêt avait été retenue, cet impôt ne constituant pas une incidence financière de la solution fiscale licite, mais une incidence financière de l'importance du patrimoine de Claude Y...au regard de l'assiette de cet impôt, lequel ne pouvait entrer en ligne de compte pour l'évaluation du préjudice subi par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., au titre du redressement litigieux ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

3/ qu'en ne précisant pas en quoi la solution fiscale licite d'une donation régulièrement consentie par Claude Y...aurait été défavorable à ses héritiers, notamment Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., ses petites-filles, quand seule leur mère, Patricia Z..., aurait été en principe tenue du paiement de l'impôt sur cette donation dont elle a bénéficié, si elle avait été régulièrement déclarée en 1998, ce dont il résulte que Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., qui n'ont pas bénéficié de la succession de leur grand-père ni de celle de leur mère dévolue à leur père, n'auraient subi ni le redressement litigieux ni une quelconque incidence fiscale résultant de cette solution licite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

4/ qu'en s'abstenant de prendre en compte l'incidence financière de la solution fiscale licitement envisageable également invoquée par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., consistant en une donation régulièrement consentie par Claude Y...à ses enfants, pour leur permettre de payer le montant des droits de succession, en stipulant qu'elle paierait personnellement le montant des droits de mutation afférents à cette donation, en conséquence de quoi Mmes Z... n'auraient eu aucun droit de mutation ni redressement à payer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

5/ que la consultation de l'avocat fiscaliste du 13 novembre 2012 et non 2011 produite par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... rappelait que le paiement par leur grand-mère, Claude Y..., des droits de mutation incombant à leur mère, avait été qualifié de donation déguisée et avait entraîné un redressement de 900 180 euros en principal, pour la part leur incombant ; que cette consultation ajoutait que si Claude Y...avait consenti à sa fille un prêt familial sans intérêts pour que celle-ci paie les droits de succession, Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., qui ont hérité de leur grand-mère par représentation de leur mère prédécédée, seraient devenues créancières du remboursement de ce prêt ; que la consultation concluait qu'au lieu d'hériter de la dette de redressement fiscal ci-dessus, Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... auraient ainsi hérité d'une créance de 2 315 750 euros soit, après paiement des droits de succession à 40 %, un solde net de 1 389 450 euros ; qu'en affirmant néanmoins que cette consultation, qui indiquait pourtant de façon claire, précise et chiffrée les conséquences financières du choix d'un prêt familial sans intérêts, n'était pas « détaillée » et ne présentait pas « une démonstration arithmétique de la totalité des incidences financières attachées à ce choix », la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi le principe de l'interdiction de dénaturer les documents produits au litige ;

6/ qu'à supposer que l'impôt sur la fortune constitue une incidence financière de la solution du prêt familial et qu'il y ait lieu de le prendre en considération pour l'évaluation du préjudice subi par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., en prenant en compte l'impôt sur la fortune que Claude Y...aurait dû acquitter entre 1999 et 2004 à partir de l'ensemble des opérations de transmission de patrimoine qu'elle a réalisées jusqu'en 2004, quand Claude Y...aurait pu le cas échéant modifier différemment la composition de son patrimoine entre 1999 et 2004 pour minorer l'incidence de l'impôt sur la fortune, la cour d'appel a fondé sa décision sur une incidence financière purement hypothétique, en violation de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

7/ qu'il résulte des propres conclusions de M. X...et du tableau du CNAF versé aux débats par le notaire que les droits de succession réglés pour le compte de Patricia Y..., épouse Z..., mère de Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... par Claude Y...dans le cadre d'une donation déguisée, étaient de 2 219 301 euros ; que si cette somme avait fait l'objet d'un prêt en faveur de Patricia Z..., et que la créance de remboursement de ce prêt avait été imposée à l'ISF, au taux de 1, 80 %, allégué par M. X...dans ses conclusions, il en serait résulté un supplément d'ISF de 39 948 euros (2 219 301 x 1, 80 %) par an soit une somme nettement inférieure au montant du redressement de 900 180 euros payé sur cette somme de 2 219 301 euros par la succession de Patricia Z... ; qu'en énonçant néanmoins que l'ISF supplémentaire que Claude Y...aurait dû acquitter entre 1999 et 2004 aurait été de 958 740 euros par an, sans aucune explication sur les calculs retenus pour parvenir à une telle somme manifestement erronée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

8/ qu'il résulte des propres conclusions de M. X...que les droits de succession réglés par Claude Y...pour le compte de ses trois enfants et petits-enfants venant en représentation de son quatrième enfant prédécédé, s'élevaient au total à une somme de 8 877 204 euros ; que si cette somme avait fait l'objet d'un prêt par Claude Y...à ses enfants et que la créance de prêt avait été imposée à l'ISF au taux invoqué par le notaire de 1, 80 %, le montant de l'ISF supplémentaire dû par Claude Y...aurait été de 159 789, 67 euros (8 877 204 x 1, 80 %) par an soit 958 738 euros au total sur six ans ; qu'en énonçant que l'ISF supplémentaire que Claude Y...aurait dû acquitter entre 1999 et 2004 aurait été de 958 740 euros « par an », sans aucune explication sur les calculs retenus pour parvenir à une telle somme manifestement erronée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

9/ que la cour d'appel ne pouvait, pour évaluer le préjudice subi au titre du redressement payé par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., comparer le montant de ce redressement calculé sur la seule donation déguisée consentie à Patricia Z... (soit sur 2 219 301 euros) avec le montant de l'ISF supplémentaire qui aurait été dû sur la totalité des donations consenties par Claude Y...à ses enfants, soit sur la somme de 8 877 204 euros ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé, à bon droit, que l'évaluation du préjudice commandait de prendre en compte l'incidence fiscale des solutions licitement envisageables, dont celle liée à l'assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, exclusif de dénaturation, que la solution d'un prêt familial, outre qu'elle ne correspondait pas à l'intention libérale qui animait Claude Y...depuis plusieurs années, constituait, en tout état de cause, une solution défavorable pour ses héritiers ; qu'ayant ensuite fait ressortir que si la donation indirecte avait été régulièrement déclarée en 1998, les droits à payer pour chaque enfant auraient été les mêmes que ceux issus du redressement fiscal litigieux, elle en a exactement déduit que les consorts Z..., ne justifiaient d'aucun préjudice autre que celui lié aux intérêts de retard et au préjudice moral subi ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mmes Laetitia, Sophie et Corinne Z...

IL EST FAIT GRIEFà l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum M. X...et la SCP X...et associés, notaires, à payer à Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., chacune, la seule somme de 63. 102 ¿, outre intérêts à compter de l'assignation, ainsi que 20. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, et d'avoir rejeté le surplus de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QU'en sa qualité de notaire chargé du règlement de la succession de M. Jacques Y..., il appartenait à M. X...d'informer de manière complète et circonstanciée la veuve de celui-ci, qui avait décidé de régler l'intégralité des droits de succession par la vente d'actions qui lui avaient été transmises en pleine propriété, sur les risques, notamment d'ordre fiscal, encourus ; qu'au titre de ce devoir d'information, qu'il devait exercer spontanément, le notaire, au regard de l'intention libérale qui animait Mme Claude Y...et qu'il n'a pu ignorer puisque les droits ont été réglés par l'intermédiaire de sa comptabilité, devait proposer à celle-ci des solutions fiscales régulières, dont il n'est pas contesté qu'elles existaient ; que pas davantage M. X...ne peut invoquer, pour s'exonérer de toute responsabilité, la supposée gestion des affaires de la donatrice par l'un de ses enfants ; qu'ainsi, ayant concouru par sa faute à la donation déguisée, par méconnaissance des dispositions fiscales, le notaire a directement exposé Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., venant à la succession de leur grand-mère en représentation de leur mère Mme Patricia Y...prédécédée, au paiement du redressement fiscal et des intérêts de retard ; que ce préjudice qui ne s'analyse pas en une perte de chance, doit être évalué en prenant en compte l'incidence financière des solutions fiscales licitement envisageables, ce qui, contrairement à ce que soutiennent Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., n'implique nullement qu'il soit « a minima » équivalent au montant du redressement fiscal qu'elles ont dû régler, mais qu'il doit être en revanche apprécié par rapport à l'ensemble des incidences, tant directement d'ordre fiscal que plus généralement patrimonial, que toute autre solution fiscale possible aurait provoquée ; que cette appréciation est au demeurant indépendante du fait que Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... n'ont pas hérité de leur mère, cette situation étant la conséquence du régime matrimonial adopté par leurs parents et se trouvant étrangère à la faute du notaire ; que les solutions fiscales qui pouvaient être licitement retenues étaient de deux ordres : soit une donation régulièrement consentie par Mme Claude Y...à ses enfants du montant des droits successoraux à régler et dont elle aurait personnellement acquitté les droits afférents, soit un prêt familial sans intérêts aux mêmes fins et selon les modalités d'usage, en faveur de ses enfants ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... font valoir que ces deux hypothèses n'auraient pas donné lieu de la part de l'administration fiscale à une requalification en donation déguisée et, par voie de conséquence, à un redressement ; que, se fondant sur une consultation d'avocat du 13 novembre 2011 en réalité 2012, elles estiment que la solution fiscale licite la plus favorable aurait été celle du prêt familial ; que cependant, faute d'être détaillée et de présenter une démonstration arithmétique de la totalité des incidences financières attachées à ce choix, ce document se trouve ainsi privé de toute véritable pertinence ; qu'en revanche il résulte d'une consultation détaillée et des tableaux annexés, réalisée par le CNAF à partir de l'ensemble des opérations de transmission de patrimoines réalisées par Mme Claude Y...jusqu'en 2004, produite aux débats par M. X...et la SCP X...et associés et qui n'est pas techniquement contestée par les appelantes, que les deux hypothèses licitement envisageables et particulièrement celle du prêt familial privilégiée par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., aurait constitué une solution défavorable aux héritiers de Claude Y...et donc à elles-mêmes, par rapport aux opérations réalisées ; que particulièrement s'agissant de la solution du prêt familial, qui fiscalement n'était pas sans risque et ne correspondait pas à l'intention libérale animant Mme Claude Y...qui en 1996, 1997 et 1998 a consenti des donations directes à ses enfants, il s'avère que celle-ci aurait eu pour conséquence directe une diminution significative de l'actif successoral compte tenu de l'ISF supplémentaire que Claude Y...aurait dû acquitter entre 1999 et 2004 à hauteur de 958. 740 ¿ par an, étant rappelé que les appelantes sont venues à la succession de leur grand-mère en représentation des droits de leur mère et que seul le régime matrimonial adopté par leurs parents, qui est étranger à la faute du notaire et à ses conséquences financières, les a privées de sa succession ; que Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... ne rapportent donc pas la preuve du préjudice qu'elles soutiennent avoir subi au titre du redressement fiscal et du déficit d'actif successoral ; que dans ces conditions, seuls doivent être pris en compte les intérêts de retard qu'elles ont payés et qui n'avait pas lieu d'être si une des solutions licitement possibles avait été conseillée par le notaire ; que par ailleurs, par sa faute, le notaire a exposé Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... aux réclamations de l'administration fiscale ; que les négociations qui s'en sont suivies ont impliqué qu'elles soient conseillées et assistées par des spécialistes de la matière fiscale ; qu'elles ont également été confrontées aux tracas que génère une telle procédure ; qu'il convient en conséquence de leur allouer de ce chef, la somme de 20. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QU'en n'informant pas Mme Claude Y...des solutions fiscales régulières au regard de son intention libérale, dont il n'était pas contesté qu'elles existaient, le notaire, qui a concouru à la donation déguisée en méconnaissance des dispositions fiscales, a ainsi exposé les héritières de la donatrice au paiement du redressement fiscal et des intérêts de retard, lequel constitue un préjudice entièrement consommé ; qu'en énonçant néanmoins que Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... ne rapportaient pas la preuve du préjudice subi au titre du redressement fiscal, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°) ALORS QUE si, pour évaluer le préjudice résultant du redressement fiscal consécutif à la donation déguisée, le juge devait prendre en compte l'incidence financière des solutions fiscales licitement envisageables, et partant prendre en compte l'impôt qui aurait dû être éventuellement acquitté pour la mise en oeuvre d'une solution fiscale licite, le juge ne pouvait, comme il l'a fait, prendre en compte l'impôt sur la fortune qui aurait été payé par Mme Y...si la solution d'un prêt avait été retenue, cet impôt ne constituant pas une incidence financière de la solution fiscale licite, mais une incidence financière de l'importance du patrimoine de Mme Y...au regard de l'assiette de cet impôt, lequel ne pouvait entrer en ligne de compte pour l'évaluation du préjudice subi par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., au titre du redressement litigieux ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°) ALORS QU'en ne précisant pas en quoi la solution fiscale licite d'une donation régulièrement consentie par Mme Claude Y...aurait été défavorable à ses héritiers, notamment Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., ses petites-filles, quand seule leur mère, Mme Patricia Z..., aurait été en principe tenue du paiement de l'impôt sur cette donation dont elle a bénéficié, si elle avait été régulièrement déclarée en 1998, ce dont il résulte queMmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., qui n'ont pas bénéficié de la succession de leur grand-père ni de celle de leur mère dévolue à leur père, n'auraient subi ni le redressement litigieux ni une quelconque incidence fiscale résultant de cette solution licite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°) ALORS QU'en s'abstenant de prendre en compte l'incidence financière de la solution fiscale licitement envisageable également invoquée par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... (concl., p. 14 in fine ; p. 15 ; p. 17), consistant en une donation régulièrement consentie par Mme Claude Y...à ses enfants, pour leur permettre de payer le montant des droits de succession, en stipulant qu'elle paierait personnellement le montant des droits de mutation afférents à cette donation, en conséquence de quoi Mmes Z... n'auraient eu aucun droit de mutation ni redressement à payer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

5°) ALORS QUE la consultation de l'avocat fiscaliste du 13 novembre 2012 et non 2011 produite par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... rappelait que le paiement par leur grand-mère, Mme Claude Y..., des droits de mutation incombant à leur mère, avait été qualifié de donation déguisée et avait entraîné un redressement de 900. 180 ¿ en principal, pour la part leur incombant ; que cette consultation ajoutait que si Mme Claude Y...avait consenti à sa fille un prêt familial sans intérêts pour que celle-ci paie les droits de succession, Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., qui ont hérité de leur grand-mère par représentation de leur mère prédécédée, seraient devenues créancières du remboursement de ce prêt ; que la consultation concluait qu'au lieu d'hériter de la dette de redressement fiscal ci-dessus, Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... auraient ainsi hérité d'une créance de 2. 315. 750 ¿ soit, après paiement des droits de succession à 40 %, un solde net de 1. 389. 450 ¿ ; qu'en affirmant néanmoins que cette consultation, qui indiquait pourtant de façon claire, précise et chiffrée les conséquences financières du choix d'un prêt familial sans intérêts, n'était pas « détaillée » et ne présentait pas « une démonstration arithmétique de la totalité des incidences financières attachées à ce choix » (arrêt, p. 4 § 6), la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi le principe de l'interdiction de dénaturer les documents produits au litige ;

6°) ALORS QU'à supposer que l'impôt sur la fortune constitue une incidence financière de la solution du prêt familial et qu'il y ait lieu de le prendre en considération pour l'évaluation du préjudice subi par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., en prenant en compte l'impôt sur la fortune que Mme Claude Y...aurait dû acquitter entre 1999 et 2004 à partir de l'ensemble des opérations de transmission de patrimoine qu'elle a réalisées jusqu'en 2004, quand Mme Y...aurait pu le cas échéant modifier différemment la composition de son patrimoine entre 1999 et 2004 pour minorer l'incidence de l'impôt sur la fortune, la cour d'appel a fondé sa décision sur une incidence financière purement hypothétique, en violation de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

7°) ALORS QU'il résulte des propres conclusions de M. X...(p. 18)
et du tableau du CNAF versé aux débats par le notaire que les droits de succession réglés pour le compte de Mme Patricia Y...épouse Z..., mère de Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z... par Mme Claude Y...dans le cadre d'une donation déguisée, étaient de 2. 219. 301 ¿ ; que si cette somme avait fait l'objet d'un prêt en faveur de Mme Patricia Z..., et que la créance de remboursement de ce prêt avait été imposée à l'ISF, au taux de 1, 80 %, allégué par M. X...dans ses conclusions, il en serait résulté un supplément d'ISF de 39. 948 ¿ (2. 219. 301 x 1, 80 %) par an soit une somme nettement inférieure au montant du redressement de 900. 180 ¿ payé sur cette somme de 2. 219. 301 ¿ par la succession de Mme Patricia Z... ; qu'en énonçant néanmoins que l'ISF supplémentaire que Mme Claude Y...aurait dû acquitter entre 1999 et 2004 aurait été de 958. 740 ¿ par an, sans aucune explication sur les calculs retenus pour parvenir à une telle somme manifestement erronée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

8°) ALORS QU'il résulte des propres conclusions de M. X...(p. 18)
que les droits de succession réglés par Mme Claude Y...pour le compte de ses trois enfants et petits enfants venant en représentation de son quatrième enfant prédécédé, s'élevaient au total à une somme de 8. 877. 204 ¿ ; que si cette somme avait fait l'objet d'un prêt par Mme Y...à ses enfants et que la créance de prêt avait été imposée à l'ISF au taux invoqué par le notaire de 1, 80 %, le montant de l'ISF supplémentaire dû par Mme Y...aurait été de 159. 789, 67 ¿ (8. 877. 204 x 1, 80 %) par an soit 958. 738 ¿ au total sur six ans ; qu'en énonçant que l'ISF supplémentaire que Mme Y...aurait dû acquitter entre 1999 et 2004 aurait été de 958. 740 ¿ « par an », sans aucune explication sur les calculs retenus pour parvenir à une telle somme manifestement erronée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

9°) ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait, pour évaluer le préjudice subi au titre du redressement payé par Mmes Corinne, Laëtitia et Sophie Z..., comparer le montant de ce redressement calculé sur la seule donation déguisée consentie à Mme Patricia Z... (soit sur 2. 219. 301 ¿) avec le montant de l'ISF supplémentaire qui aurait été dû sur la totalité des donations consenties par Mme Claude Y...à ses enfants, soit sur la somme de 8. 877. 204 ¿ ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-16485
Date de la décision : 10/09/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Cour d'appel de Paris, 13 février 2013, 11/06456

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 sep. 2014, pourvoi n°13-16485


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.16485
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