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20/03/2014 | FRANCE | N°13-11841

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2014, 13-11841


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause M. X... et la société MBA audit, appelés en garantie par la société d'avocats Lamy Lexel ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 14 octobre 2010, B. 196, pourvoi n° 09-13.840), la société Uvex Arbeitsschutz GmbH (société Uvex), devenue actionnaire majoritaire des trois sociétés du groupe Y... suite à l'acquisition des titres de la société Map, holding du groupe, a, en vertu de la créance de dommages-intérÃ

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause M. X... et la société MBA audit, appelés en garantie par la société d'avocats Lamy Lexel ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 14 octobre 2010, B. 196, pourvoi n° 09-13.840), la société Uvex Arbeitsschutz GmbH (société Uvex), devenue actionnaire majoritaire des trois sociétés du groupe Y... suite à l'acquisition des titres de la société Map, holding du groupe, a, en vertu de la créance de dommages-intérêts que les consorts Y..., anciens actionnaires dirigeants de cette société, lui avaient transmise, recherché la responsabilité de la société d'avocats Lamy Lexel (l'avocat), laquelle avait été chargée, en qualité de conseiller juridique et fiscal des consorts Y..., des opérations de restructuration du groupe avant sa cession et de la négociation de celle-ci, lui reprochant d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil en s'abstenant de faire mention de la distribution d'acomptes sur dividendes décidée par le conseil d'administration de la société Map le 28 avril 2000 et d'attirer l'attention des actionnaires de cette société qui, de manière incompatible avec cette distribution, ont décidé d'affecter en réserves l'intégralité du résultat de l'exercice 2000, lors de l'approbation des comptes ; qu'après avoir exactement retenu que l'avocat avait été défaillant dans l'accomplissement de sa mission d'élaboration des documents fiables en vue de l'approbation des comptes et de la gestion de l'exercice et d'assistance lors des négociations relatives à la cession des actions de la société concernée, pour n'avoir pas examiné l'ensemble des documents sociaux utiles, notamment le registre spécial des délibérations du conseil d'administration, qu'il lui incombait d'obtenir, et qui lui auraient permis de connaître la distribution d'acomptes sur dividendes au titre du dernier exercice précédant la cession, l'arrêt déboute la société Uvex de l'intégralité de ses demandes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, pour fonder ce déboutement, l'arrêt retient que le préjudice dont la société Uvex demande réparation consiste dans la répétition d'acomptes sur dividendes indûment perçus, ce qui ne peut constituer un préjudice indemnisable ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les acomptes sur dividendes, dont la répétition avait fait suite à la décision de l'assemblée générale d'affecter l'intégralité du bénéfice de l'exercice en réserve, en vue de valoriser les titres objet de la cession à venir, opérations dont l'avocat était tenu de garantir l'efficacité, constituaient des dividendes fictifs pour avoir été distribués en violation des exigences de l'article L. 232-12, alinéa 2, du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que l'arrêt ajoute que ce préjudice est sans lien causal avec les fautes retenues contre l'avocat, dès lors que le remboursement des sommes perçues en infraction aux règles sociales et pénales ne pouvait qu'avoir lieu, la répétition étant inéluctable pour éviter aux actionnaires concernés d'éventuelles condamnations ;
Qu'en statuant ainsi, quand la faute de l'avocat consistant à n'avoir pas découvert, quand il en avait l'obligation et les moyens, l'existence d'acomptes sur dividendes distribués au titre de l'exercice 2000 en exécution d'une délibération du conseil d'administration de la société cédée et à avoir laissé prendre, lors de l'assemblée générale dont il avait préparé la tenue, une décision qui, incompatible avec cette distribution prévisionnelle, exposait ses bénéficiaires à une action en répétition de dividendes fictifs, était, sauf l'hypothèse d'une distribution frauduleuse, en lien causal avec le manque à gagner résultant de la restitution des acomptes, déduction faite de la valorisation nette des titres découlant de l'affectation en réserve de l'intégralité du bénéfice d'exercice résultant des comptes annuels approuvés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société d'avocats Lamy Lexel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées par la société d'avocats Lamy Lexel, M. X... et la société MBA audit, et condamne la société d'avocats Lamy Lexel à payer à la société Uvex la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Uvex Arbeitsschutz GmbH.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Uvex de ses demandes tendant à la condamnation de la société Lamy Lexel à lui payer la somme de 312.065 ¿, au titre de ses manquements à son devoir de conseil dans le cadre de son intervention en qualité de conseil en droit des sociétés et dans le cadre de la cession des actions de la société Map à la société Uvex ;
AUX MOTIFS QUE la société Uvex soutient, pour l'essentiel, que la faute de l'avocat a été reconnue définitivement par l'arrêt de cassation en ce que la distribution d'acompte sur dividende aurait pu être régularisée lors de l'assemblée générale (faute de quoi, il est fictif) et que, ayant pour mission de préparer cette assemblée générale, il devait empêcher que soit décidée la mise en réserve de l'intégralité du résultat de l'exercice du fait de sa contradiction avec la distribution intervenue ou rappeler l'obligation des actionnaires de rembourser et, pour connaître ces événements, demander communication de la totalité des documents sociaux pour en vérifier les opérations, notamment le registre des délibérations ; que la Selarl a commis un autre manquement en n'attirant pas l'attention sur un acompte antérieur, au lieu de se limiter à affirmer qu'il n'y en avait pas eu postérieurement, ce qui aurait incité à renégocier le prix de cession pour que le remboursement ne pénalise pas les cédants ; qu'elle explique le détail de son préjudice et s'oppose à la demande reconventionnelle, sa procédure n'étant pas abusive ; que pour l'essentiel, la Selafa Lamy Lexel conteste avoir commis une faute, n'ayant été missionnée qu'en mai 2001 alors que les reproches se fondent sur des actes antérieurs qu'elle ne pouvait connaître et qui ne lui ont pas été indiqués, notamment par le commissaire aux comptes, estimant que, nonobstant l'arrêt de la Cour de cassation, son ¿devoir de curiosité' doit trouver des limites, qu'elle décrit, et qui ne peut s'assimiler à une enquête policière, qu'en l'espèce, la distribution d'acompte sur dividendes est une infraction pénale car elle est purement fictive, ce qu'elle ne pouvait supputer, que les demandeurs sont donc de mauvaise foi ; qu'elle rappelle qu'elle a indiqué lors de la cession des actions qu'aucune distribution n'était intervenue depuis le 31 décembre 2000, ce qui est exact ; que les actionnaires ne peuvent invoquer leur propre turpitude dans la mesure où ils n'ignoraient pas cette distribution faite peu de temps avant la cession ; qu'aucun préjudice n'existe puisque, si le prix des dividendes avait été pris en compte, le prix de cession des actions aurait été moindre et que le résultat de délits n'est pas un préjudice indemnisable ; qu'il n'existe non plus aucun lien de causalité puisque les remboursements ont eu lieu pour éviter des condamnations ; que subsidiairement elle réclame la garantie des commissaires aux comptes qui n'ont pas fait normalement leur travail ; que Monsieur X... et la société MBA-Audit font valoir surtout que leur rapport critiqué a été établi le 31 mai 2001 et porte sur l'exercice clos le 31 décembre 2000, que l'assignation date du 28 septembre 2004 et que l'action est donc prescrite en application des articles L. 225-242 et L. 225-254 du code de commerce, la dissimulation éventuelle, mais non invoquée, n'étant pas de leur fait, leur mission n'étant pas permanente mais se terminant à chaque certification ; que ce n'était pas eux qui étaient au conseil d'administration ni à l'assemblée générale mais la Selarl Lamy Lexel et que c'est elle qui a établi le projet de procès-verbal pour régulariser l'omission de l'acompte, preuve qu'elle l'avait vu ; que le devoir d'efficacité incombant à l'avocat dans sa mission d'élaboration des documents fiables en vue de l'approbation des comptes et de la gestion de l'exercice et dans l'assistance lors de la négociation relative à la cession des actions, impliquait l'obtention et l'examen de l'ensemble des documents sociaux utiles, notamment le registre des délibérations du conseil d'administration, ce qui lui aurait permis de connaître la distribution des dividendes ; que pour n'en avoir rien fait, la société Lamy Lexel a manqué à ses obligations sans qu'elle puisse, pour s'en décharger, ni se retrancher derrière sa date d'intervention ni invoquer l'étendue de sa mission ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a écarté toute faute de la part de cette société d'avocats ; que pour autant, le préjudice invoqué par la société Uvex ne peut être indemnisé ; qu'en effet, d'une part, le préjudice dont l'indemnisation est réclamée consiste dans le paiement de sommes représentant le remboursement effectué par les cédants de celles qu'ils avaient indûment perçues ; que la condamnation à restituer des sommes illicitement acquises ou l'obligation de le faire ne peut constituer un préjudice indemnisable ; que, d'autre part, ce préjudice est sans lien causal avec les manquement de l'avocat dans la mesure où, comme il le souligne avec pertinence, le remboursement de sommes perçues en infraction aux règles sociales et pénales, ne pouvait qu'avoir lieu, quand bien même la société Lamy Lexel n'aurait pas commis les fautes qui lui sont reprochées, dès lors que ce remboursement était inéluctable pour éviter aux actionnaires concernés d'éventuelles condamnations ; qu'en conséquence la société Uvex, cessionnaire des actionnaires, ne peut qu'être déboutée de ses demandes ; dès lors que, pour ces motifs, qui se substituent à ceux du jugement querellé, celui-ci sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Uvex de sa réclamation ; que dans ces conditions, la demande de garantie faite par la société Lamy Lexel à Monsieur X... et à la société MBA Audit n'a pas lieu d'être examinée; que les circonstances légitiment l'octroi à Monsieur X... et à la société MBA-Audits seuls, d'indemnités procédurales de la part de la Selafa Lamy Lexel dans la mesure précisée au dispositif ; que leur demande de dommages et intérêts n'apparaît cependant pas justifiée et qu'ils en seront déboutés ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'avocat qui, par sa faute, cause un dommage à son client en doit réparation intégrale ; que la faute de la société Lamy Lexel, avocat, qui a manqué à son obligation de conseil, dans le cadre de la cession des actions de la société Map à la société Uvex, en omettant d'indiquer, lors de l'assemblée du 28 juin 2001 approuvant les comptes de l'exercice 2000, l'existence d'un acompte sur dividendes, la nécessité de le régulariser et les conséquences de la mise en réserve du résultat, a contraint les consorts Y..., actionnaires de la société Map, à rembourser à celle-ci la somme de 312.065 ¿ perçu au titre de l'acompte sur dividendes ; que si la société Lamy Lexel avait conseillé aux actionnaires de la société Map de distribuer un dividende au lieu d'affecter l'intégralité du résultat de l'exercice au poste de réserves, les consorts Y... auraient pu percevoir, de manière licite, un dividende régulier leur permettant de disposer de la trésorerie nécessaire au paiement de l'acompte sur dividende antérieurement perçu, de sorte que l'obligation pour les consorts Y... de rembourser l'acompte sur dividendes deux ans après sa distribution, sous peine de poursuites et de condamnations pénales, constituait un préjudice indemnisable ; qu'en décidant que le préjudice subi par la société Uvex, cessionnaire de la créance de dommages et intérêts des consorts Y..., ne pouvait être indemnisé car il consistait dans le paiement de sommes représentant le remboursement effectué par les cédants de celles qu'ils avaient indûment perçues, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le lien de causalité entre la faute et le dommage est établi lorsqu'en l'absence de faute, le dommage ne se serait pas produit ; qu'en excluant tout lien de causalité entre la faute de la société Lamy Lexel et le préjudice subi par la société Uvex, titulaire de la créance de dommages et intérêts des consorts Y..., actionnaires de la société Map, motif pris de ce que, même sans la faute de l'avocat, le remboursement des sommes était inéluctable pour éviter aux actionnaires concernés d'éventuelles condamnations, cependant que si la société Lamy Lexel avait conseillé aux actionnaires de la société Map de distribuer un dividende au lieu d'affecter l'intégralité du résultat de l'exercice au poste de réserves, les consorts Y... auraient pu percevoir, de manière licite, un dividende régulier à hauteur de l'acompte sur dividendes antérieurement distribué, dans la mesure où une régularisation était possible lors de l'assemblée générale approuvant les comptes de l'exercice 2000, et n'auraient pas été contraints de rembourser l'acompte sur dividendes deux ans après sa distribution sous peine de poursuites pénales, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-11841
Date de la décision : 20/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2012, 10/23143

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2014, pourvoi n°13-11841


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11841
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